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RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES
SUR LES ^
INSECTES AQUATIQUES
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^o DP. PORTIER
Z^t&V DIKEGTEUR-AD.TOINT DU LABORATOIKE DE PHYSIOLOGIE ^ ' DE LA SORBONNE (hAUTES-ÉTUDES)
PROFESSEUR A l'iNSTITUT OCÉANOGRAPHIQUE
RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES
SUR LES
INSECTES AQUATIQUES
PARIS
ÉDITION DES ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE
LIBRAIRIE A. SCHULZ
3, Place de la Sorbonne, 3 1911
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A SON ALTESSE SÉRÉNISSIME
LE PRINCE ALBERT P' DE MONACO
Membre de l'Institut de France.
Monseigneur,
Au cours des campagnes scientifiques auxquelles vous avez bien voulu me permettre de participer, tant de faits nouveaux se sont offerts à mes yeux émerveillés que je suis devenu un fervent adepte de la physiologie comparée. C'est une mine d'une extrême richesse et qui n'est pas sulïisamment exploitée. Dans les pages qui suivent, j'ai essayé, grâce aux puissants moyens d'action que vous avez bien voulu mettre à ma disposition, de pénétrer le mécanisme par lequel les animaux aquatiques ont résolu deux problèmes de pi^emière importance : respirer, se nourrir en évitant l'envahissement de leur milieu intérieur par l'eau qui les entoure.
Je vous prie d'accepter la dédicace de ce modeste travail comme un gage insuffisant de ma respectueuse et très profonde reconnaissance.
Dr P. PORTIER,
Professeur à VInstUut océanographique.
3/^
A MON CHER MAITRE. M. A. DASTRE
Membre de l'Institut Professeur à la Sorbonne
A M. LE DOCTEUR PAUL REGNARD
Membre de l'Académie de Médecine
Vice- Président du Conseil d'administration de
l'Institut océanographique.
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 5'^ Série, Tome VIII, p. 89 à 379, pi. I à IV.
cS' Juiit nu I
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ECllEfiCIIES FlhSIOLOdIljlllîS
SUR LES
INSECTES AQUATIQUES
P. PORTIER
Dirprtriir-ailjoint du Laboratoire île Physiologie île la Faculté des Srienres, Prolesseur à l'Institut Océanograpliiiiue.
TABLE DES MAT/ERES
ouncTioN 90
riau du travail n:i
Paiîtik I. Recherches sur la digestion des Dytiscides et des IIydkophimdes 96
C'iiapitre I. Digestion des larves des Dytiscides.
Auatoiuie de l'appareil digestif (p. SH)). ^ Larve du Dyticus marginalis (p. itfl). — Larve Ofi
d'Ily laticus (Acilus) sulcatus L. (p. 107). — Larve du (Jybisteter luteri-nmrginalis (de Geer) 107
Histologie de l'appareil digestif 114
Pliysiologie de l'appareil digestif 141
Chapitre II. Digestion des Dytiscides (Imagines) 141
.\uatoniie de l'appareil digestif du Dyticus marginalis L. (p. 141). — • Histologie do l'appareil
digestif (p. 148). — Physiologie de l'appareil digestif 151
Etude des phénomôues chimiques de la digestion des Dytiscides (Larves et Imagines) 168
Résumé des phénomènes digestifs des Dytiscides. Comparaison de l'insecte parfait et de la
larve 1 70
Chapitre III. Digestion des Rydrophiliens (Larves et insectes parfaits) 1 72
Digestion des larves (p. 173). — • Anatoniie de l'appareil digestif (p. 17:i). — Histologie de
l'avpareil digestif (p. 178). — Physiologie de la digestion 1 7.'i
Digestion des Imagines (p. 178). — Anatoniie de l'appareil digestif (p. 17S). — Histologie. . . 18i)
Partie II. Recherches sur le mécanisme d'ad.vptation de l'appareil respiratoire des] Trachéates au milieu aquatique.
15ut du travail 184
Moditlcations auatomiques apportées au système trachéen par l'habitat aquatique 1^6
(iénéralités sur les phénomènes de respiration externe des insectes aquatiques 189
Etude de quelques larves apneustiques (p. 19:5). — Nymphtila straliotata (p. 195). — Larves 19.'i
de Pliryganes (p. 200). — Larves d'Odonates 201
Etude de larves et insectes parfaits respirant toute leur vie l'air en nature au moyen de stig- mates 225
Larves de Dytiscides 226
Elude expérimentale du rôle de l'appareil stigmatique, de la ])r^traclii'e et de l'appareil
d'occlusion 240
ARCH. DE 7.00L. KXP. ET OÉN. — 5» SÉRIE. — T. VIU. — (II). 7
90 P. PORTIER
Intoxication et infection des larves aquatiques par les stigmates 252
Larves des Hydrophilides 258
Etude des Dytiscides à l'état d'imaginés 265
Etude des Hydrophilides à l'état d'imaginés 273
Etude expérimentale du revêtement hydrofuge 279
Etude de la coque à œufs de VHiidrocharis caraho'ides 290
Les chenilles d'JIydrocampa et leurs fourreaux 238
Etude de l'appareil respiratoire des larves d'Œstre ZOi
Application des notions acquises. Destruction in vivo des larves d'Œstre et plus généralement
de tous les trachéales endo-parasit«s S'iG
Résumé et conclusions générales 369
Index bibliographique 372
Explication des planches 377
INTRODUCTION
Ce travail est le résultat de plusieurs années de recherches sur les insectes aquatiques. Il ne représente pas la totalité des documents que j'avais réunis. Je ne publie aujourd'hui que ceux qui forment un faisceau assez homogène pour con- courir à la solution de deux ou trois questions bien définies qui sont énoncées dans les pages qui suivent.
Les documents qui n'ont pas été mis en œuvre ici seront uti- lisés prochainement.
Plusieurs raisons m'ont incité à entreprendre des recherches sur les Insectes aquatiques ; en quelques mots, je vais exposer les principales. Il y a quelques années déjà, le Prince de Monaco m'a fait le grand honneur de me confier l'enseignement de la physiologie des animaux marins. Retenu pendant la plus grande partie de l'année à Paris, par mes fonctions à la Faculté des Sciences, j'ai choisi l'étude d'un groupe d'animaux aquatiques pour lequel le facteur salinité est d'importance minime ou même nulle ; la plupart des insectes aquatiques peuvent, en effet, être revendiqués avec autant de raison par les océano- graphes ou par les limnologues. Revêtus d'un test chitineux épais, beaucoup d'entre eux peuvent passer indifféremment de l'eau douce dans l'eau de mer et réciproquement ainsi que Plateau l'a bien établi depuis plus de trente ans.
Henneguy (1904) dans son récent traité revient sur cette
INSECTES AQUATIQUES 91
question et voici l'opinion exprimée par cet auteur si compétent en ces matières. « Les Coléoptères d'eau douce peuvent résister « indéfiniment dans l'eau de mer ; il en est de même d'autres « Insectes, tels que les Diptères à l'état larvaire. On trouve, « en effet, dans les marais salants, dont l'eau, dans certains « compartiments, est saturée de sels, une faune entomologique « très variée, renfermant plusieurs espèces de Gyrinides, des « larves de Diptères nombreuses, entre autres des larves de « Stratiomys, quelquefois en quantité considérable ; ces larves « vivent dans les eaux à tous les degrés de salure. »
Comme l'a montré Plateau, ce sont surtout les insectes à revêtement chitineux épais qui passent facilement et impu- nément de l'eau douce dans l'eau de mer et vice versa, mais les récents et intéressants travaux de Sergent (1909) ont montré que les délicates larves de IMoustiques pouvaient elles-mêmes s'adapter rapidement à des conditions de salinité très diffé- rentes. Cet auteur a décrit en effet, en 1903 sous le nom de Culex mariœ, un « Moustique algérien, dont les larves vivent « dans l'eau de mer jetée par les tempêtes dans les anfractuo- (( sites des falaises littorales. »
Cette espèce qui a été retrouvée à Malte et à Gibraltar passe facilement sa vie larvaire dans l'eau de mer, qui, par évapora- tion, peut atteindre une salure de 60 p. % en chlorure de sodium, c'est-à-dire une salure double de la normale.
Et d'autre part, au bout d'une seule génération, les mêmes larves s'adaptent à vivre dans l'eau douce.
Ces quelques exemples choisis parmi une infinité d'autres m'autorisent, je pense, à affirmer que le facteur c. salinité » est très contingent en ce qui concerne les insectes et qu'il n'existe sans doute pas un autre groupe qui présente d'aussi grands avantages d'expérimentation pour un laboratoire d'océanogra- phie situé loin des côtes.
Les travaux de Regnard sur l'influence de la pression sur les animaux aquatiques, ceux de Thoulet sur les fonds marins ont été poursuivis en dehors de toute préoccupation de salinité ;
92 P. PORTÎËR
leurs résultats sont cependant directement applicables au milieu marin.
Un second motif m'a décidé dans le choix de ce travail. L'entomologie a toujours eu pour moi un puissant attrait, Des circonstances favorables ont permis à ce penchant inné de se développer chez moi. Qu'il me soit permis ici de donner un souvenir ému aux amis et aux savants qui ont guidé mes premiers pas.
Dés l'âge de dix ans, peut-être plus tôt, le D^ Cartereau m'accueillait avec bonté, m'enseignait la pratique des éduca- tions des larves et montrait à mes yeux ravis les insectes nouvellement éclos et radieux dans leur parure intacte.
Savant modeste, mais apprécié de ses collègues plus en vue, son accueil cordial attirait souvent chez lui les notabilités entomologiques. Léon Fairmaire, l'éminent président honoraire de la Société entomologique, Berce, le professeur Laboulbène dont je devais retrouver plus tard les encouragements et l'en- seignement à Paris.
Lorsque je dus quitter ma petite ville natale pour poursuivre mes études au lycée de Troyes, j'eus le bonheur de trouver dans ce centre plus important, deux entomologistes aussi éru- dits que modestes : M. Jourd'heuille, juge au tribunal civil, et l'abbé d'Antessanty, aumônier du lycée.
Notre passion commune pour l'histoire naturelle nous fit bien vite oublier que, nos âges difïéraient sensiblement. Que d'agréables et instructives excursions faites en commun et dont le souvenir me sera toujours précieux !
Ces plaisirs que j'avais longtemps considérés comme une simple diversion à des occupations plus ardues me permirent d'acquérir des connaissances variées et précises dont je reconnus tout le prix, lorsque je résolus de poursuivre l'étude physio- logi(pie des insectes aquatiques.
La récolte des animaux d'expérience est souvent confiée à des mains étrangères, ("est là, à mon avis, une grave erreur. Avant d'étudier les animaux dans le laboratoire, il faut, aussi
INSECTES AQUATIQUES 93
souvent, que possible, les observer chez eux, en (oute 1ii)eiié. Que de précieuses suggestions fournies par ce travail dans la nature ! Que de phénomènes incompréhensibles lorsqu'on n'a pas passé de longues journées à admirer les animaux dans un état de liberté complète et. que de moments délicieux utilement, perdus dans cette contemplation !
Les insectes dont j'avais besoin pour mes recherches, les larves notamment sont souvent rares ; si j'ai pu, non sans peine, mais presque à coup sûr, me procurer ces matériaux de travail, c'est grâce aux connaissances entomologiques acquises au contact des savants amis que j'ai nommés ; presque tous, hélas, ont disparu et je ressens encore cruellement la récente perte de mon vénéré ami M. Jourd'heuille. De ces compagnons de mes premières études, un seul et des plus chers me reste : M. d'Antessanty ; j'espère que longtemps encore il sera conservé à mon affection.
PLAN DE TRAVAIL
Le point de vue général auquel je me suis placé est le sui- vant :
I^es insectes sont des animaux essentiellement aériens. Cer- tains d'entre eux, soit à l'état de larve, soit à l'état d'imago ont gagné le milieu aquatique dans le but, semble-t-il, d'y trouver une nourriture abondante. Plongés dans ce milieu, ils vont se trouver en butte à deux difficultés : dévorer leurs proies sans introduire d'eau dans leur tube digestif, respirer sans introduire d'eau dans leurs trachées.
On voit donc que, tout naturellement, cette étude se trouve divisée en deux parties. La première traite de la préhension des aliments. Elle montre que des adaptations très spéciales se sont produites dans cette voie chez les insectes. Une des plus curieuses est celle que présente les larves des Dytiscides qui, ponctionnant leur proie au moyen de crochets acérés,
94 P. PORTIER
injectent ensuite dans sa cavité un liquide digestif qui est aspiré de nouveau après avoir dissous les parties molles de la proie.
Les phénomènes chimiques de la digestion ne sont traités que d'une manière succinte. Je pense que ce doit être une des principales quahtés du biologiste de s'adapter à son sujet, et, pour en tirer le meilleur parti possible, d'en apercevoir les parties accessibles.
La récolte de quantités suffisantes de sucs digestifs pré- sente des difficultés presque insurmontables chez les insectes aquatiques en raison de leur taille modeste et de leur peu d'abondance. Réservons-nous donc de traiter plus complète- ment cette question en faisant usage des espèces de grande taille qui nous offriront des conditions plus favorables. Les points principaux de la question ont d'ailleurs été élucidés par des recherches antérieures.
La deuxième partie traite des mécanismes par lesquels les insectes aquatiques parviennent, sans inconvénient, à réapprovisionner leurs tissus en oxygène dans les conditions défavorables où ils sont placés.
L'appareil respiratoire s'est modifié suivant les circonstances, et ces modifications sont fonction du degré de pollution des eaux. — Les deux types principaux sont étudiés successive- ment : celui des larves vivant dans les eaux très impures et qui, ayant complètement fermé leurs stigmates, respirent par des branchies ; celui, enfin, de la grande majorité des larves et de tous les insectes parfaits qui conservent des stigmates perméables, mais en modifiant d'une manière plus ou moins profonde leur nombre, leur situation et leur structure.
J'ai cherché à pénétrer l'essence de ces formes multiples, à en dégager la partie essentielle, et je suis parvenu à donner une exphcation simple du mode de protection des stigmates contre l'envahissement de l'eau.
Le mécanisme se ramène cà des phénomènes connus de capil- larité et de tension superficielle. Il est général, car il existe même pour les coques à œufs des Hydiophihdes.
INSECTES AQUATIQUES 95
Si la solution obtenue pour le problème posé est bonne, elle doit permettre d'obtenir à coup sûr un liquide capable d'envahir les trachées et de provoquer la destruction des insectes nuisibles.
C'est là une question fort importante en raison du rôle considérable attribué aux insectes, par les découvertes récentes, dans la propagation des maladies infectieuses.
On verra qu'elle a été résolue ; les larves de Gastrophilus qui comptent parmi celles dont les stigmates sont le mieux protégés peuvent être rapidement détruites.
Les moyens empiriques employés jusqu'alors n'avaient pu aboutir à ce résultat.
Qu'il me soit permis en terminant cet exposé d'offrir à mon cher Maître, M. Dastre, Membre de l'Institut et Professeur à la Sorbonne, l'assurance de mes sentiments de respectueuse et bien vive gratitude.
Depuis de longues années, je travaille à ses côtés ; je me suis efforcé de conduire ces recherches avec méthode, de les exposer avec clarté ; si j'y suis quelque peu parvenu, je le dois à son enseignement, à ses méthodes de travail dont je me suis efforcé de me pénétrer.
Je désire encore assurer de ma sincère reconnaissance :
M. Henneguy, ^Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France, qui, au début de mes études scientifiques m'a reçu dans son laboratoire et m'a initié à la technique histologique qui m'a été si utile depuis, et particulièrement au cours de ce travail ;
M. Gabriel Bertrand, Professeur à la Sorbonne qui, depuis plus de quinze ans, n'a cessé de me prodiguer avec une parfaite affabilité les plus précieux conseils ;
]\I. Pruvôt, Professeur à la Sorbonne et M. Racovitza, sous- cUrecteur du laboratoire de Banyuls, qui ont bien voulu accueil- lir ce trop long mémoire dans leurs Archives justement réputées.
Je désire assurer tout particulièrement de ma gratitude mon excellent ami M. Racovitza pour toute la peine qu'il a prise pour diriger l'impression de mon travail.
96 P. PORTIER
M. le Dr Oomniandoii, directeur des services scientifiques de la maison Patlié, a bien voulu nie prêter le concours de son expérience pour enregistrer par le cinématographe les diverses phases de la lutte des larves de Dytiscides avec leurs proies ; il a eu l'amabilité de m offrir deux photographies reproduisant fidèlement l'attitude de ces larves à l'affût.
Livré à mes seules ressources, il m'eût été impossible de donner des figures suffisantes des phénomènes que je voulais représenter, aussi, c'est un agréable devoir pour moi de recon- naître l'utile concours que j'ai reçu de la part de Mlle Chariot et de M. Cassas ; ils ont été souvent pour moi de véritables collaborateurs, je leur offre tous mes remerciements.
PKEMIËRE PARTIE
Recherches sur la digestion des Dytiscides et des Hydrophilides
CHAPITRE PREMIER
DIGESTION DES LARVES DES DYTISCIDES. I. — Anatomie de l'appareil digestif.
A. Larve du Dyticus marginalis. L.
Je prendrai comme type la larve du Dyticiis marginalis. L. .le vais décrire avec précision son appareil digestif au point de vue morphologique et physiologique et je passerai ensuite rapidement en revue les larves les plus communes de quelques autres Coléoptères de la même famille, notamment celles des genres Acilus et Cyhisteter, qui, comme on le verra, ne diffèrent de celh^s du Dyticus que par quelques détails d'organisation.
INSECTES AQUATIQUES
97
Aperçu i>e i/amatomie externe. — La larvo du J^ytique appartient au type campo- déiforme ainsi nommé, parce ([u'il rappelle les Thy «anou- res du genre Campcxlea. (^^s larves campodéiformes sont celles qu'on s'accorde à considérer comme représen- tant le type le phis primi- tif, la souche commune des autres insectes.
Au premier abord, et à un examen très superficiel, cette larve ressemble à un petit Cnistacé. Arrivée à toute sa taille, elle peut at- teindi'e une longueur de six à sept centimètres. Elle comprend une tête d'une forme très caractéristique sur laquelle nous allons re- venir, suivie de onze an- neaux qui diminuent pro- gressivement de grosseur du premier au dernier. Les trois premiers portent cha- cun une longue paire de pattes garnies de poils chi- tineux ; ce sont des rames articulées avec lesquelles l'animal se meut assez rapi- dement dans l'eau où il vit; elles lui servent aussi à s'accrocher aux plantes aquatiques.
La moitié supérieure ou tergale de chaque anneau est recou- verte d'une plaque de chitine dure en forme de selle. La moitié
Fig. 1 . — Larve de Dritietu: marginalis ouverte par la partie dorsale.
un: antenne; c: crochet; // .' yeux ; œ : lesophajîe ; F. r. : ventricule rhyliflque ; V c' : un du même organe ; M : point d'abouchement des tubes de Malpighi ; / .• intestin ; R : rec- tum ; an : anus ; Cœ : cœcum.
98 P. PORTIER
inférieure ou sternale est de couleur plus claire et reste molle.
Le premier amieau est plus allongé que les autres et présente la forme d'un tronc de cône. La tête s'articule avec sa base la plus petite.
Le onzième ou dernier anneau montre également la forme d'un tronc de cône dont la petite extrémité teimine l'animal. Elle porte deux appendices chitineux ciliés : les cerques, qui jouent le rôle de flotteurs et servent à maintenir la larve en équilibre à la surface de l'eau pendant la durée de l'acte res- piratoire.
La tête a une forme très particulière. Elle est très aplatie dans le sens dorso-ventral de sorte que vue de côté, elle est très peu épaisse. Vue par sa partie supérieure, elle a la forme d'un triangle aux angles arrondis et dont le sommet tronqué s'arti- culerait avec le premier anneau ; la base, qui forme la partie antérieure de l'animal est courbe et convexe en avant. Ce bord antérieur est très mince, tranchant même.
Sur les côtés de la tête, on remarque deux antennes grêles et sensiblement plus longues qu'elles ne le sont d'ordinaire chez les larves. Elles sont implantées un peu en avant d'une tache qui, à un examen attentif, se résoud sous forme de six yeux lisses. Ceux-ci, en raison de leur couleur noire sont très apparents chez la jeune larve qui a des téguments moins colorés que la larve déjà développée ; ils sont également très visibles chez la larve qui vient de muer.
Mais ce qui frappe le plus dans l'examen de cette tête, c'est la présence, à la partie antérieure de deux longs crochets courbes dont la pointe est très acérée (c. fig. 1, 3, 4). Ces organes sont articulés avec les côtés de la tête ; leur base présente des apophyses auxquelles s'insèrent des muscles qui vont d'autre part prendre une insertion fixe à l'intérieur de la cavité crâ- nienne, sur le squelette chitineux. Par le jeu de ces muscles (adducteurs et abducteurs), les crochets pivotant sur leur base peuvent se rapprocher de la tête et s'apphquer sous la lèvre supérieure arrondie sous laquelle ils se cachent ou au contraire,
INSECTES AQUATIQUES 99
être projetés en avant de la tête comme dans les figures 3, 4.
Cette dernière position est celle que prend la larve lorsqu'elle se dispose à attaquer une proie ou à se défendre contre un ennemi.
Anatomie de l'appareil digestif. — Comme celui de tous les Insectes, l'appareil digestif de la larve du Dytique peut se diviser en trois parties :
P Intestin antérieur, comprenant les organes buccaux, le pharynx, l'œsophage ;
2° Intestin moyen, ou ventricule chylifique qui peut lui- même se subdiviser en deux parties ;
3° Intestin postérieur, débutant à l'insertion des tubes de Malpighi et se terminant à l'anus. Cette dernière portion du tube digestif présente une annexe considérable : le cœcum rectal.
Nous allons examiner successivement la disposition de ces différentes parties :
P Intestin antérieur. — L'armature buccale présente chez la larve du Dytique une conformation tout à fait particulière qui l'éloigné beaucoup de celle des autres insectes. Elle appar- tient au type 6roî/ewr, (1) mais les pièces fondamentales ont été profondément remaniées, ou même ont disparu. Burgess (1881) a fait une étude consciencieuse de cette partie de la larve ; j'ai pu me convaincre par de nombreuses dissections que ses descriptions étaient exactes.
La lèvre supérieure ou lahre (1 fig. 3 et 4) est constitué par cette lame arrondie, tranchante, qui termine la tête en avant. Lorsqu'on cherche à introduire un stylet dans la bouche en passant sous le labre, ainsi qu'il est facile de le faire chez tout insecte de la taille de notre larve, on voit qu'on ne peut y par venir. Nous avons l'explication de ce fait en examinant la tête par sa face inférieure.
Nous voyons que la lèvre inférieure ou lahium s'est avancée
(1) Pliysiologiqueiiieut, elle appartient plutôt au type suceur, mais à un type suceur tri^s particulier.
100 p. PORTIER
à la reiic'ontip do la lèvre supérieiiro avec laquelle elle s'est sondée. Une partie de cette pièce : la languette est restée seule suffisamment individualisée pour (pTon la reconnaisse ; elle porte les jmlpe^ labiaux composés de quatre articles.
Les mâchoires ordinaii'ement si développées dans le iv])e broyeur paraissent absentes. Un examen attentif montre ({u'elles se sont fusionnées avec le labium sur les côtés duquel sont insérés les deux longs jmlfes maxillaires qui sont restés ]>arfaitement individualisés.
Quant aux mandibules, elles ont persisté et se sont modifiées pour donner les deux longs crochets falciformes qui sont articulés de chaque côté de la tête.
En résumé, nous voyons que la tête de notre larve très aplatie dans le sens dorso-ventral est formé, à la partie antérieure, par deux lames qui se réunissent à angle très aigu, la lame supé- rieure étant constituée par la lèvre supérieure élargie et amin- cie ; la lame inférieure étant formée par la soudure, la coales- cence du labium sur la partie médiane, et des maxillaires sur les côtés.
La soudure entre la lame supérieure et l'iirférieure est abso- lument étanche en raison d'une disposition particulière signalée par BuRGESS (1881) ; les deux parties sont en effet repliées ensemble, engrenées l'une dans l'autre (fig. 2). Il résulte de cette dispositon que la bouche est complètement close et qu'aucune particule solide, aucune goutte de liqiiide ne peut pénétrer entre les lèvres ainsi rapprochées et assemblées pour constituer une fermeture étanche.
Nous comprendrons la manière dont la larve se nourrit en examinant de plus près les crochets articulés sur les parties latérales de la tête. Nous verrons que ces crochets, lisses sur leur face externe et convexe, sont creusés d'un sillon sur leur face interne et concave. La partie la plus profonde do {;e sillon s'est individuahsée sous forme d'un canal qui débouche d'une part à la base de la dent et, d'autre part, non pas à son extrémité, mais à une certaine distance, et à la partie interne
INSECTES AQUATIQUES
loi
Fig.
— Keprésentafioii sclii-matiiiuo irune ('(uipe longitudinale île la partie aiit/'iieiiit; de la tête de la larve de Diiticus iiuirginiilis. On voit que les lèvres supérieure et intérieure sont engrenées l'une avec l'autre (d'après Hurgess).
(c, fig. 3). L'extrémité pleine de la dent forme une pointe très acérée et constituée pai' une chitine très dure. Au moment des mues de la larve, cette pointe fonce efi couleur et durcit alors ((ue toutes les autres parties du revêtement chitineux de l'insecte sont cncon^ molles et inco- lores.
\jV diamètre du canal dont est percée la dent n'est pas le même sur toute son éten- due ; capillaire et très fin k son ouverture près de l'extrémité
de la dent, il va
ensuite en s'élar-
gissant progres-
v^ (■'■I : I v!>\ // sivement jusqu a
la base de l'or- gane. Cette dis- position a évi- demment pour résultat d'empê- cher l'obturation du conduit; tou- te particule qui a franchi l'entrée parvient sans
gt
an
difficulté aucune
Fig. :î. — Tête de la larve du Di/h'ruit marginulif:. La cliitinc for- mant la partie supérieure de la t«te a été eidevée pour montrer la disposition interne du squelette. Toutes les par- ties molles ont été enlevées par la potasse. (in : antenne ; c : crochet ; l : labre ; g. I. : gouttière transversale ; à, l'autre extré- g. t. : gouttière longitndinale.
mité. Ainsi, les canaux capillaires des crochets constituent une sorte de filtre qui ne laissera pénétrer dans le tube digestif que des aliments liquides ou des particiilcs solides en suspension d'un volume extrêmement minime.
102 P. PORTIER
Enlevons maintenant la calotte chitineiise qui limite la tête à sa partie supérieure et examinons les organes digestifs qui sont ainsi mis à découvert. Ceux-ci sent noyés au milieu d'une masse de tissu musculaire strié formée de faisceaux qui s'entrecroisent dans tous les sens. Il est difficile, dans ces con- ditions, de se faire une idée nette de l'anatomie de la région ; aussi allons-nous procéder en deux étapes.
Dans une première, nous étudierons le squelette de la partie inférieure de la tête et dans une seconde, nous grefferons sur ces organes chitineux les parties molles qui constituent les premières voies des organes digestifs.
a. Le squelette chitineux peut s'étudier soit sur la dépouille d'une larve qui vient de muer, soit sur une tête qui a séjourné quelque temps dans la potasse caustique, à 10 pour 100 de ma- nière à solubiliser toutes les parties molles.
Par l'un ou l'autre de ces procédés, on obtient la dispo- sition représentée par la figure 3.
A la partie antérieure, nous voyons une gouttière chitineuse transversale g. t. dont les extrémités vont se mettre en rapport avec la base des crochets et dont la cavité se continue avec celle des canaux capillaires des crochets lorsque ceux-ci occupent une situation favorable à cet abouchement, c'est-à-dire lors- qu'ils sont écartés de la tête, donc en mouvement d'abduction moyenne.
A la partie médiane, nous trouvons une seconde gouttière perpendiculaire à la première, par conséquent longitudinale g. 1. qui se dirige d'avant en arrière pour aller rejoindre le pre- mier anneau.
h. (Garnissons maintenant ce squelette de ses parties molles en ayant soin toutefois d'éliminer la plupart des muscles qui viennent compliquer outre-mesure l'anatomie de la région. Nous aurons la disposition représentée par la figure 4.
Les gouttières précédentes sont maintenant transformées en canaux complets, l'un transversal Cl. t. et l'autre longitudi- nal P. h. qui s'ouvrent l'un dans l'autre à leur point de jonction.
INSECTES AQUATIQUES
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Sur le canal longitudinal, nous apercevons deux masses arrondies blanchâtres : les ganglions cérébroides g. c. doublés chacun à leur angle externe par un autre ganglion nerveux plus petit le ganglion optique, qui envoie un filet nerveux à chacun des yeux lisses (oc.) qii© nous avons vu exister sur les côtés de la tête.
Nous conservons le nom de Canal transversal à celui dont la direction continue celle des crochets. Quant au canal longitu- dinal, il se subdivise naturellement en deux parties : une antérieure aux ganglions céré- broïdes : le pharynx, l'autre postérieure qui est le début de l'ce^o- phage, ; les deux orga- nes n'étant pas sépa- rés nettement l'un de l'autre, mais présen- tant au contraire un passage graduel.
En résumé, nous voyons que les canaux des crochets se conti- nuent dans la tête par d'autres canaux transversaux qui se réunissent pour former le pharynx et l'œsophage ; tous ces tubes étant renfermés dans des gouttières rigides auxquelles ils adhèrent par leur moitié inférieure, tandis qu'ils sont formés uniquement de parties molles, dépressibles dans leur moitié supérieure.
Nous reviendrons plus tard sur la constitution histologiquo de ces canaux, disons seulement pour l'instant que leur paroi est constituée par des muscles striés dont la contraction a pour résultat principal de rétrécir leur lumière.
D'autres muscles striés viennent s'insérer sur la surface
Fig. 4. — Tête de la larve du Dyticus marginalis. Vue dg organes internes qui ont été laissés en place (sau quelques muscles enlevés pour démasquer le pha- rynx et Tœsophage). c .■ crochet; l : labre; ml. to2. / nmscles suspenseurs ; Cl. t. : canal transversal prolongeant les canaux des crocliet.s ; Ph. : pharynx ; Oe : œsophage ; Oc : yeux lisses ; g. c. : ganglions cérébroides.
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externe des parties molles précédemment décrites et d'autre part prennent leur insertion fixe sur la partie interne du sque- lette chitineux de la tête. On a figuré deux groupes de ces mus- (•les en m' et m^. Il y en a beaucoup d'autres de disposition semblable qui n'ont pas été figurés et qui s'insèrent notamment sur le phaiynx, ce sont les muscles suspenseurs. Par leur con- traction, ils dilatent la lumière des canaux, ce sont les antago- nistes des constricteurs.
Comme je l'ai dit déjà, d'autres muscles très nombreux, tous striés, remplissent la cavité de la tête. Ce sont principale- ment les muscles moteurs des crochets (muscles abducteurs et adducteurs), puis les muscles que font mouvoir la tête sur le premier anneau.
Je ne décrirai pas en détail ces différents organes dont le fonctionnement général se comprend suffisamment sans qu'il soit besoin d'insister ; je limite cette étude anatomique aux points qui sont essentiels pour la compréhension des phéno- mènes physiologiques qui sont le but de ce travail.
2° Intestin moyen. — La figure 1 nous montre que l'œsophage se termine peu après avoir pénétré dans le premier anneau do la larve. A partir de cette terminaison (œ), le tube digestif subit une dilatation brusque et est constitué par un large canal sur la surface duquel apparaissent nettement des stries trans- versales ; c'est le ventricule chylifique Vc, la partie vraiment active du canal alimentaire, celle qui sécrète le suc digestif.
Ce ventricule chylifique peut se subdiviser en deux parties ; Tune antérieure plus large ; presque cylindi'e ; l'autre postérieure dont le calibre va constamment en diminuant, et qui. finalement , se continue avec Vintestin postérieur en M au niveau du point d'insertion des tubes de Malpighi.
Comme je l'ai dit, le ventricule chylifique présente à sa sur- face des stries transversales ; celles-ci sont dues à la présence de faisceaux, d'anneaux de fibres musculaires striées dont nous étudierons la disposition. Telle est au moins l'apparence exté- rieure du tube digestif lorsque la larve est disséquée dans un
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liquide indifférent comme le chlorure de sodium à 6 pour 1000. Mais si à ce liquide on ajoute un tiers de son volume d'un liquide fixateur, de liquide de Bouin, par exemple, on voit la surface de ventricule chylifique se couvrir d'un granulé assez dense, de petits tubercules qui viennent faire hernie à sa surface. Ce sont les glandes contenues dans les parois du tube qui de- viennent apparentes à l'extérieur. Le fait offre un certain inté- rêt, d'abord parce qu'il est général, toutes les larves que nous étudierons présentant cette disposition, mise en évidence par le même procédé, et ensuite, parce qu'il permet de rappro- cher le tube digestif de la larve et celui de l'adulte qui, pour la même zone, présente à l'état normal de longues villosités. Cet emploi d'un réactif fixateur permet également do déter- miner avec une très grande facilité le point de passage entre le ventricule chylifique et l'intestin proprement dit. Les tuber- cules cessent, en effet, juste au point où se termine l'intestin moyen, l'intestin postérieur ne renfermant plus aucune glande dans ses parois.
3° Intestin 'postérieur. — De même calibre que la portion ter- minale du ventricule chylifique, il s'en distingue d'abord par le moyen que nous venons d'indiquer, et ensuite, par ce fait que les tubes de Malpighi viennent prendre naissance à son point initial.
C'est un tube cylindrique qui se replie plusieurs fois sur lui* même et vient finalement s'ouvrir à l'anus à la partie posté- rieure de la larve (fig. 1 an).
Cependant, si, embryologiquement, cette dernière portion du tube digestif doit être considérée comme formant une divi- sion unique, il n'en est pas de même au point de vue morpho- logique et physiologique.
En réalité, en effet, l'intestin proprement dit s'ouvre presque à angle droit dans la portion terminale renflée et puissamment musculeuse qui termine le tube digestif et à laquelle on peut donner le nom de rectum (fig. 1. R). A son tour, ce rectum se prolonge vers le haut par un diverticule dont les dimensions
AECH. DK ZOOl. KXP. ET OÉN. — 5» 8ÉEIE. — T. TOI. — (U). 8
103 P. PORTIER
varient considérablement suivant la phase de la digestion qui a été saisie au moment de la dissection. Nous donnerons le nom de cœcum à ce diverticule (fig. 1. Cœ).
Pour avoir une connaissance suffisante de la morphologie de l'appareil digestif de notre larve, il ne nous reste plus qu'à dire un mot des tubes de Malpighi.
Ils sont au nombre de deux de chaque côté. Ils partent du point déjà indiqué ; ils présentent une couleur rouge brique. Chaque tube offre à considérer deux parties distinctes : une partie initiale de cahbre très faible à laquelle fait suite une partie beaucoup plus large; les deux tubes d'un même côté s'abouchent l'un dans l'autre au niveau de la partie élargie, de manière à former une anse de chaque côté de l'intestin, ainsi que l'avait bien vu déjà Ramdohr (1811).
Ces tubes de Malpighi forment un lacis qui enserre l'in- testin postérieur, mais il est remarquable que toujours quel- ques-unes des anses du plus fort calibre remontent vers le haut pour s'accoler aux parois du ventricule chylifique. Il y a là une disposition constante chez les larves des différentes espèces et qui ne paraît pas avoir suffisamment appelé l'atten- tion des anatomistes.
B. — Larve I)' Hydaiicus (Acilius) sulcatus. L.
Son apparence extérieure et son allure diffèrent notablement de celles de la larve du Dytique. D'une taille beaucoup plus petite (elle atteint au maximum trois centimètres de longueur), elle présente à sa partie antérieure une zone rétrécie, une sorte de cou qui lui donne une apparence très singulière. Tandis que la larve du Dytique se sert uniquement de ses pattes pour pro- gresser dans l'eau, la larve de VHydaticus, lorsqu'un danger la presse, rapproche vivement sa partie antérieure de sa partie postérieure, ce qui lui permet de faire dans l'eau des bonds rapides i)ar un mécanisme analogue à celui des Crustacés macroures dont elle a un peu l'apparence et les allures.
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Son tube digestif (fig. 5) est construit exactement sur le même plan que celui de la larve du Dytique. Les crochets do la bouche sont seulement j)lus robustes, plus larges et moins longs. Le cœcum existe aussi avec une disposition analogue à celle de la larve étudiée, mais il est d'une capacité relative- ment plus faible.
C. Larve
DU Cybisteter lateri-marginalis
(de Géer) Cybisteter Rœseli
(Fusselin).
C'est une très belle larve qui atteint une taille supé- rieure à celle du Dytique (sept à huit centimètres de longueur) . Elle s'en distingue cà première vue par ce fait qu'elle ne pos- sède pas de flotteurs, de cerqiies à la partie postérieure. Elle est donc incapable de se mainte- nir en eau profonde à la sur- face de l'eau 'pour respirer. Elle vit en effet dans des étangs herbeux et se tient toujours sur les bords au milieu des herbes aquatiques ; elle affec- tionne surtout les endroits peu profonds.
La tête présente aussi une particularité curieuse (fig. 6). La lèvre supérieure, au lieu d'être terminée par une ligne courbe convexe, présente en son milieu
. — Hydaticus sulcatus L. Larve mon- trant les syst(*ines digestifs et respira- toire. Oe : (psopliapo ; V. c. : ventricule eliylitique (intestin moyen); T. M. : Tubes de Mal- pifjiii entourant l'intestin postérieur; Ccr : CVecuin ; 7V ; grosses trachées longitudinales ; JU : bifurcation de cette trachée au niveau du premier anneau : Tr. i. : branche trachéenne destinée i\ l'intestin postérieur et aux tubes de Slalpighi ; St : stigmates postérieurs ; st : stigmates latéraux (faux stigmates) ; FI : ceniues ou flotteurs.
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P. PORTIER
une pointe très acérée. Les crochets sont très robustes, et
leur pointe est nette- ment recourbée en de- dans.
Nous retrouvons chez cette larve exac- tement la même dis- position générale des organes digestifs que chez les deux larves déjà étudiées. Le cœ- cum ainsi que le mon- tre la figure 5 est très développé.
II. — Histologie de l'appareil digestif.
Nous avons vu que la morjDliologie de l'ap- pareil digestif des lar- ves de Dytiscides n'é- tait connue que par des travaux anciens et fort incomplets de Ramdohr (1811) (1).
Je n'ai rien trouvé touchant la structure
Fig. 6. — Larve de CybigUter lateri-marginalig. llistologioue de Cet Oc : rpsophage ; V. c. : ventricule cliyliftque ; / .- intestin ; .
n : rocfuin ; Cœ : cœciini ; Tr : «rosse tracliée longi- appareil. Il m'a doUC lii.llniilc; trl.tr2 : bifurcations ant.'riruros de la i w •
grosso iraciice .s< ; stigmate. Semble intcressEnt
d'étudier par la mé- thode des coupes l'histologie des principales divisions que
(U 11 luut eu excepter le travail do BuROESS (1881) sur la structure do rarmature buccale.
I
INSECTES AQUATIQUES 109
nous avons établies dans ces organes. Il était d'ailleurs dési- rable de pouvoir faire à ce point de vue une comparaison entre la larve et V Imago.
Technique. — La technique employée a été la même dans tous les cas, nous allons l'indiquer rapidement une fois pour toutes.
Les tissus pris sur l'animal vivant disséqué à sec ou dans le chlorure de sodium à 6 pour 1000 sont fixés pendant 12 heures dans le Liquide de Bouin ou plus rarement pendant quelques heures dans le Sublimé (formule de Gilson). Les tissus étaient ensuite transportés dans l'alcool à 95 degrés, puis dans l'alcool absolu, et les essences. L'inclusion avait lieu dans la paraffine. Lorsque le tissu contenait de nombreuses et grosses trachées, on chassait les bulles d'air en s'aidant du vide.
Lorsque l'organe à inclure possédait un revêtement de chi- tine épais (le cas se présente surtout pour l'intestin antérieur), je me suis bien trouvé de laisser séjourner le morceau à inclure pendant un jour ou deux à la température ordinaire dans l'huile de vaseline. C'est là une pratique qui me semble très recomman- dable pour tous les tissus dont l'inclusion dans la paraffine présente quelque difficulté. On peut, en effet, prolonger sans aucun inconvénient le séjour dans l'huile de vaseline pendant un temps très long, c'est une sorte d'inclusion à froid, qui n'altère pas le tissu et qui permet ensuite d'obtenir une inclu- sion définitive par un séjour très court dans la paraffine chaude.
Les coupes collées sur le porte-objet au moyen de gélatine bichromatée étaient colorées par des moyens appropriés aux tissus étudiés. J'ai employé presque toujours la méthode à l'hématoxyline ferrique seule ou suivie d'une coloration à l'éosine.
Pharynx. — C'est un organe ovale puissamment muscu- leux. Une coupe transversale pratiquée dans sa région moyenne
110 p. PORTIER
])erinet de reconnaître que sa constitution histologique est la suivante.
L'axe central est formé par un conduit dont les parois cons- tituées par une chitine épaisse sont recouvertes du côté exté- rieur par un épithéUum chitinogène. Celui-ci présente une couche unique de cellules cyHndriques en contact par une de leurs bases avec la chitine stratifiée qu'elles ont sécrétée.
A l'état de repos, la lumière du canal pharyngien s'efface, devient virtuelle, par suite de la tonicité des muscles circu- laires do l'organe. Sur une coupe transversale, elle prend une forme compliquée : étoilée.
A l'extérieur du tube chitineux central viennent se disposer les puissantes couches musculaires striées qui forment la masse principale de l'organe.
Les faisceaux constitués par ces muscles ont une disposition très compliquée.
On peut distinguer des faisceaux longitvdinaux, c'est-à-dire parallèles à l'axe de l'organe, des faisceaux circulaires, et des faisceaux obliques. Enfin des faisceaux transversaux, traversent radialement toute la masse pharyngienne ; ils se perdent d'autre part vers l'extérieur en des points où la coupe ne peut les suivre. Ils vont en effet s'attacher sur les parties voisines du squelette ; ce sont les muscles suspenseurs, dilatateurs dxx pliarynx ; nous avons précédemment étudié leur disposition générale.
Tous ces muscles s'insèrent directement sur la cuticule chi- tineuse qui limite l'œsophage. La contraction de ces différents muscles produit le raccourcissement (m. longitudinaux), la constriction (m. circulaires), la dilatation de l'organe (m. sus- penseurs).
Vers la fin de l'organe, dans la zone de transition avec l'œso- phage, on voit le revêtement interne de chitine se couvrir de longs poils chitineux. Ils constituent un appareil de filtration qui empêche le reflux à l'extérieur des particules solides con- tenues dans les voies digestives situées en aval.
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C'est une disposition anatomique très peu accentuée ici, mais que nous retrouverons très développée et très perfec- tionnée dans le gésier do l'insecte parfait.
Œsophage, — Au pharynx fait suite un tube de calibre plus faible et dont les parois sont beaucoup plus minces.
m.chit
m
m.i--- ep.gl
jp.gl
r»
\ A
fp. chit
ep.gl.
_m.c.
Fig. 7. — Œsophage de la larve du Dyticus marginalis (Coupe transversale).
m. /. ,• muscles longitudinaux ; m. c. .' muscles circulaires ; m. chit. : membrane chitineuse trè pllssée et formant de nombreuses Invaginations en tube. Toute la surface de cette membrane est recouverte par l'épithélium glandulaire ; ep. gl. : épithéllum glan- dulaire.
Sur une coupe transversale, on se rend parfaitement compte de sa structure qui diffère totalement de celle du même organe des autres insectes ou de leurs larves et qui est en rapport avec la physiologie des larves de Dytiscides.
On sait que d'ordinaire, l'œsophage présente sur une coupe transversale et en allant de l'intérieur à l'extérieur : P La lumière de l'organe limitée par une paroi plus ou moins épaisse (Je chitine,
112 r. rOTîTTETî
2^ L'ôpitliéliiim chitinogèno ; 3o Deux couches de fibres mus- culaires striées : une interne circulaire et une externe longitu- dinale.
Sauf de très rares exceptions, il ne renferme aucune glande. Celles-ci n'ont guère été signalées, à ma connaissance, que dans l'œsophage de certains Lamellicornes. {Oryctes,' Melolontha, Cetonia), où elles se présentent sous forme de cellules isolées pourvues d'un long canal chitineux qui vient déboucher dans la lumière de l'œsophage.
Chez nos larves de Dytiscides, l'œsophage est construit sur le plan habituel, on y trouve, dans leur ordre normal, les diffé- rentes couches citées, mais le revêtement chitineux interne a subi une série d'invaginations de sorte qu'il se présente, en coupe transversale, sous l'apparence d'une membrane chiti- neuse épaisse et très phssée.
Chacun des culs-de-sac ainsi formés, s'est garni d'un épithé- lium glandulaire de sorte qu'on a en somme, une série de glandes en tubes logées dans les parois de l'organe, et qui viennent dé- boucher dans sa lumière.
Nous verrons le rôle physiologique important qui est dévolu à ces glandes.
Intestin moyen ou ventricule chylifique. — Sur une coupe transversale de l'organe, on reconnaît en allant du centre à la périphérie :
P Un épithélium cylindrique qui forme de nombreuses sinuosités (pi. II, fîg. 13 et 14, Ep.). Chaque cellule renferme un noyau à sa partie profonde. A l'extrémité opposée, sur la surface qui forme la lumière du tube digestif, la cellule est ter- minée par un plateau à cils. Sur les préparations soigneuse- ment fixées, ces cils, bien que très ténus, sont parfaitement nets. Ces cils méritent-ils l'épithète de vibratiles ? C'est une question à laquelle il est très difïicile[de répondre avec certitude. On sait qu'il est généralement admis par les histologistes que de vrais cils vibratiles n'auraient jamais été rencontrés dans
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l'embranchement des Arthropodes, Henneguy (1896, p. 255). Mais cette opinion a donné lieu à de nombreuses discussions.
A l'état frais, dans le chlorure de sodium à 6 pour 1000, ces prolongements ciliformes m'ont toujours paru immobiles. Dans les mêmes conditions, ainsi que je l'ai déjà dit, les tubes de Malpighi et l'intestin lui-même, présentent des mouvements vermiculaires énergiques.
Il semble donc qu'on n'ait point affaire ici à de véritables cils vibratiles.
A l'extérieur de cette couche épithéliale, se trouvent des glandes en tube (pi. II, fig. 13 et 14, gl.)
Ces tubes sont contournés sur eux-mêmes, de sorte qu'ils peuvent être rencontrés par la coupe sur tous les degrés d'in- cidence, ainsi que le montrent les figures citées. Le fond de chaque tube présente un amas de jeunes cellules, dont beaucoup sont en état de karyokinèse. Ce sont des zones de néoforma- tion, ce sont les champs où prennent naissance les cellules épithéliales qui, par glissement iront former les cellules sécré- tantes de la partie moyenne du tube glandulaire ; cellules qui deviendront probablement elles-mêmes les cellules cihées qui forment la lumière de l'intestin (1).
En dehors de cette muqueuse glandulaire, on trouve :
a.) Une couche de fibres musculaires striées circulaires. Il s'en détache quelques faisceaux très fins qui vont s'insinuer entre les glandes en tube et qui recouvrent çà et là la mem- brane basale de ces glandes. Comme nous le verrons, la sécré- tion du liquide digestif doit se faire à certains moments avec abondance et rapidité. On conçoit donc l'intérêt de la dispo- sition que je viens de signaler.
Des trachées assez nombreuses pénètrent également entre les tubes glandulaires en même temps que les fibres muscu- laires que je viens de décrire.
h). Doublant à l'extérieur la couche de fibres circulaires,
(1) Les cellules épithéliales qui limitent l'embouchure des glandes dans l'intestin portent aussi des cils à leur surface.
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nous trouvons une nouvelle couche de fibres striées, mais cette fois longitudinales.
Enfin, à la limite externe une couche de cellules qui constitue l'endotliéhum péritonéal.
En résumé le ventricule chj/lifique, lieu de sécrétion du liquide digestif est constitué par un manchon de glandes en tubes comprises entre l'épithélium intestinal cilié et non revêtu de chitine et les couches musculaires ordinaires de l'intestin moyen des insectes.
Intestin postérieur. — L'intestin postérieur et son annexe le cœcum ont une structure à peu près identique chez la larve et chez Vimago. Nous renverrons donc la description histolo- gique de ces organes à la partie de ces études qui concerne l'insecte parfait,
III. — Physiologie de l'appareil digestif.
Historique. — Si on consulte les ouvrages classiques ou les mémoires des auteurs qui ont spécialement étudié les larves des Dytiscides, on constate que tous émettent d'une manière très catégorique l'opinion suivante : La larve enfonce ses crochets à l'intérieur du corps de sa victime, puis au moyen de muscles appropriés (suspenseurs, dilatateurs), elle aspire dans son tube digestif le sang de sa proie.
Telle est la manière de voir de Swammerdam (1737), (Vol. I, p. 325), de DE GÉER (1774, tome iv, p. 387).
Parlant des canaux dont sont percés les crochets, il s'exprime ainsi : « C'est par cette ouverture que le suc que la larve tire « de la proye passe par la cavité intérieure de la dent dans le « corps de l'insecte ; les dents sont comme des siphons ou des « suçoirs, au moyen desquels la larve se nourrit, en suçant sa proya ».
Les auteurs les plus récents et les mieux informés, Burqess (1881), MiALL (1903, p. 43 et suiv.) sont du même avis que leurs
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prédécesseurs « la pompe pharyngienne est employée pour sucer le sang ».
Mais voici que de Géer a soulevé une autre question touchant la préhension de l'aliment par la larve et émis une opinion que Miall paraît vouloir adopter. A la suite du passage que nous avons cité, de Géer s'exprime ainsi : « Mais n'a-t-cllo donc (■ point d'autre bouche ? J'ai lieu de croire qu'elle en a une, et (( que cette bouche est placée entre les deux lèvres. Ce qui « semble le prouver, c'est que j'ai vu une larve non seulement (( sucer une (sic) Cloporte aquatique, mais encore dévorer (( aussi peu à peu presque toutes les parties solides de cette « Cloporte, qui assurément n'ont pu passer par les très petites (( ouvertures des dents. Il faut donc qu'elle aye une bouche « capable d'avaler les parties solides et grossières des Insectes « qu'elle attrape et dont elle fait sa nourriture ».
J'ai tenu à citer textuellement les paroles de de Géer ; elles sont très curieuses, car elles montrent qu'il a fort bien observé le mode de nutrition de la larve, sans cependant en avoir pénétré le mécanisme.
En terminant, je ferai une dernière remarque. Les auteurs qui citent les paroles de de Géer, Miall (1903, p. 43) pensent que son observation se rapporte à la larve du Dytique. La lecture attentive du mémoire de de Géer m'a convaincu qu'il n'en était rien. La taille de la larve (qui n'atteint pas un pouce), sa forme (elle est très ventrue), l'amincissement du cou, le fait qu'elles se trouvaient en quantité au mois de juillet dans une mare ne permettent guère de mettre en doute qu'il s'agit de la larve de V Hydaticiis [Acilus) sulcatus L.
Recherches personnelles. — Voici comment j'ai été amené à étudier le mode de digestion de la larve du Dytique.
En 1891, j'élevais des larves de Fourmilions, que je nourris- sais avec des petites chenilles de Lépidoptères. J'avais été très frappé, en examinant attentivement les reliefs du repas de mes larves, de voir que les proies étaient réduites à leur
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enveloppe de chitine. En pratiquant des examens microsco- piques, je m'étais convaincu que, dans la plupart des cas, tous les viscères, tous les muscles avaient entièrement disparu.
Comment concilier ce fait avec l'opinion classique qui admet- tait que la larve du Fourmilion se nourrit en aspirant le sang de ses victimes par ses crochets creusés d'un canal ? Comme de Géer, j'avais été très frappé de ce paradoxe. En multipliant les observations, j'étais arrivé à cette conviction que la larve du Fourmilion devait procéder à la digestion de sa proie en deux temps.
Dans un premier temps, elle devait injecter dans la proie un liquide digestif capable de solubiliser les divers tissus ; dans un second temps, elle aspirait dans son tube digestif la solution de principes nutritifs qui venait de se former.
Mais l'exiguïté de la larve du Fourmilion aussi bien que des proies qu'elle pouvait utiliser ne m'ont pas, à ce moment, permis d'administrer la démonstration irréfutable de ma ma- nière de voir.
En 1898, en explorant des pièces d'eau à la recherche d'in- sectes aquatiques, je me procurai par hasard, une assez grande quantité de larves de Dji^iques de belle taille. Comme j'avais eu l'imprudence de mettre dans un même bocal une très grosse larve et plusieurs jeunes, celles-ci ne tardèrent pas à être atta- quées et comme elles étaient très transparentes, sans doute en raison d'une mue récente, je pus me convaincre facilement que la grosse larve, à n'en pas douter, procédait bien comme je l'avais soupçonné pour la larve du Fourmilion, sans pouvoir en fournir une preuve certaine.
Je croyais le fait absolument nouveau, mais, l'ouvrage de VON FiJRTH (1903, p. 240) m'a permis de prendre connaissance d'un intéressant mémoire de Nagel (1896) qui, pour tous les autres auteurs, paraît avoir passé inaperçu, puisqu'il n'en est fait aucune mention dans le grand traité de Berlese (1909).
Nagel a parfaitement vu que la larve du Dytique injectait un liquide digestif de couleur noire à l'intérieur de ses victimes ;
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il a vil que ce liquide avait la propriété de solubiliser les tissus de la proie, et qu'une fois cette opération accomplie, le suc digestif enrichi des produits de digestion était aspiré par les crochets qui avaient servi à l'injecter et qu'il regagnait ainsi les organes digestifs de la larve.
Cependant, Nagel, comme nous allons le voir, paraît s'être complètement mépris sur l'origine du liquide injecté ; il pense ainsi que l'indique le titre de son mémoire qu'il s'agit de la salive (Speichel). Nous aurons à relever d'autres erreurs de détail, et à compléter sur beaucoup de points les études de l'auteur cité.
1^ Présence di'une sécrétion toxique chez les larves de Dytis- cides. — Ces larves, lorsque la température est sufifisamment élevée, sont très actives ; elles ont toutes les allures d'un ani- mal de proie. Ainsi que l'avait déjà remarqué Nagel, elles prennent deux attitudes bien différentes, suivant qu'elles sont repues ou au contraire affamées.
Dans le premier cas, la larve se tient dans un coin sombre, accrochée à quelque plante aquatique, les crochets mandibu- laires en adduction, c'est-à-dire rapprochés de la tête, souvent même invisibles, parce qu'ils sont venus se loger sous la lèvre supérieure ; elle reste alors indifférente aux animaux qui peu- vent circuler autour d'elle.
Au contraire, si la larve est à jeun, on la voit par moments se déplacer fébrilement dans le liquide, au moyen de ses pattes garnies de poils chitineux, dont elle se sert comme de rames. Plus souvent, elle reste immobile, maintenue (1) à la surface de l'eau par les deux flotteurs, les cerques, qui la terminent à la partie postérieure.
Dans ce cas, la larve a une attitude caractéristique qui a été admirablement rendue par Lyonet (1829, PI. II, fig. 1).
Sa partie postérieure verticale présente ses stigmates à la surface de l'eau, tandis que sa partie antérieure oblique et presque horizontale se termine par la tête, dont les crochets
(1) Xoiis verrons plus loin par quel inôcanisine.
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P. PORTIER
en abduction semblent perpétuellement menaçants. L'animal à l'affût est absolument immobile (1) (fig. 8).
Une proie vient-elle à passer à proximité, on la voit, par un brusque déplacement de la tête, se précipiter sur elle et la frapper de ses crochets.
Elle ne frappe que les proies qui se meuvent, mais elle les
frappe toutes. Si
"""•"ssiesÊ^
même, on vient à agiter devant elle un objet inerte et sans in- térêt alimentai- re, elle se préci- pite aussitôt sur lui ; elle reste au contraire indiffé- rente en présence d'une proie vi- vante et avanta- geuse, mais im- mobile.
Ces larves sont capables de maî- triser des ani- maux vigoureux et d'une taille bien supérieure à la leur. Exemple 1. — Un Triton crête est mis en présence d'une larve de Dytique dont la taille n'atteint pas la moitié de la sienne. La larve saisit sa proie par une patte postérieure. Chose cu- rieuse, le Triton paraît terrorisé, il ne cherche pas à se défendre, il essaie seulement de fuir et entraîne la larve après lui ; de
Fig. 8." — Larve du Dylica^ vuirginaUs à l'alfùt. L'uniaial est sus- pendu par ses cerques à la surface de Teau. Ses crochets sont en abduction, (l'iiotograpliie du D' Coniandon de la maison Pathf.)
(!) Les figures 8 et 9 sont des photographies d'apri's nature ijuo je dois à l'obliguauco du li' Comuiaudsu auquel j'adresse encore tous mes rcmerciemuutâ.
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temps en temps, il se recourbe et se mord la queue, mais à aucun moment, il ne cherche à mordre la larve. Bientôt, il semble épuisé, alors la larve lâche la patte et enfonce ses cro- chets dans l'abdomen. Quelque temps après, le Triton est inerte. Déjà ici, nous pouvons soupçonner l'action d'un venin, qui, peu à peu, paralyse la victime.
Fig. 9. — Larve de Cybisteter lateri-margUialis à l'affût. L'aiiiinal est accroché par ses pattes aux plantes aquatiques. Il maintient au-dessus de la surface la plus grande partie de son dernier anneau. (Photographie du D"' Coinaadou do la maison Pathé.)
Exemple 2. — On donne un poisson {Phoxinus lœvis) à une jeune larve qui vient de muer et dont les téguments sont très transparents. La larve saisit le poisson avec ses crochets qu'elle enfonce derrière la tête. Il est comme frappé de stupeur, puis il esquisse quelques tentatives de fuite.
Deux minutes après, sa respiration s'accélère, devient anxieuse. Trois minutes ; la respiration se ralentit, puis les opercules ne fonctionnent plus que par intermittence.
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Cinq minutes ; quelques contractions musculaires, puis le poisson reste sur le dos, les ouïes largement ouvertes.
Exemple 3. — Même expérience que la précédente, mais deux- minutes après que la larve a frappé le poisson, on la force (non sans peine), à lâcher prise.
Mis dans un bocal avec de l'eau propre, le poisson nage pen- dant quelques instants, puis il arrive à la surface le ventre en l'air, sans mouvement. On constate au microscope que la circulation sanguine est arrêtée dans les nageoires.
La région du poisson où la larve a enfoncé ses crochets est décolorée sur une assez grande étendue.
La larve de Dytique peut même faire preuve d'une certaine stratégie quand elle se trouve en présence d'une proie à laquelle elle n'est pomt accoutumée et qui est, par exemple, protécée par une cuirasse sur une portion plus ou moins étendue de la surface du corps, l'exemple suivant le prouve.
Exemple 3. — 11 h. 3. Une larve de Dytique pesant 0 gr. 88 est mise en présence d'une Epinoche du poids de 1 gr. 28. Elle se précipite aussitôt sur le poisson, mais ses crochets rencon- trent les plaques dermiques qui protègent la partie antérieure de son corps ; elles ne peuvent pas les pénétrer et le poisson s'échappe ; il est d'ailleurs beaucoup moins passif que les Vairons et paraît décidé à se défendre.
1 1 h. 6. La larve tourne autour de sa proie et semble com- biner une nouvelle attaque ; tout à coup, elle se précipte sur lui ; elle le saisit par la nageoire pectorale droite qu'elle serre fortement entre sa lèvre supérieure et ses crochets repliés (1). Le poisson fait de violents efforts pour se dégager, mais il n'y parvient pas.
11 h. 9. La larve juge que sa proie est suffisamment fatiguée ; elle profite d'un instant où elle reste immobile sur le côté pour lui enfoncer s(^s (rocliols dans les muscles latéraux. Chose
(1) Il est bien prulinlilo que diiiis un cas analogue la pointe tr6s aigur que iK)rtc dans r«>(te régiou Li Urvt) du Cybistetcr lui est d'une grande utilité.
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curieuse, l'endroit frappé se trouve juste en arrière du revête- ment cuirassé. Vingt secondes après que la larve a frappé sa victime, on l'oblige (toujours avec peine) à l'abandonner.
La respiration du poisson après s'être considérablement accélérée (189 mouvements operculaires par minute) se ralentit ensuite progressivement pour tomber à 69', puis la respiration devient aspliyxique, le poisson est pris de secousses tétaniques et il meurt 26 minutes après avoir été frappé.
Exemple 4. — Une larve de Dytique à jeun est placée dans un petit cristallisoir avec un coléoptère de la tribu des Hydro- philides, VHydrocaris (Hydrous) carahoïdes Lin. Elle l'attaque aussitôt, mais sans succès, ses crochets ne pouvant percer le revêtement chitineux épais de l'insecte. Pendant deux jours, elle renouvelle inutilement sa tentative infructueuse. Enfin, au cours du troisième jour, on la trouve en train de dévorer sa proie à la manière habituelle ; "elle est parvenue à enfoncer ses crochets juste en arrière de la tête au niveau de la mem- brane molle qui unit celle-ci au thorax.
Les larves des Hydrophilides paraissent être très sensibles au venin de la larve du Dytique. J'avais déposé un jour, par inadvertance, une larve du grand Hydrophile dans un vase qui contenait une larve de Dytique. Cette dernière s'était aussitôt "^précipitée sur sa compagne qui m'était précieuse pour des expériences en cours et bien que j 'aie pris soin de les séparer immédiatement, la larve d'Hydrophile mourait une heure après.
Les larves de Dytiques elles-mêmes sont très sensibles aux morsures des larves de la même espèce ; elles ne paraissent posséder aucune immunité à cet égard. D'ailleurs, dans la nature, ces larves, lorsqu'elles sont un peu nombreuses dans une pièce d'eau, se dévorent fréquemment entre elles.
2° Nature et origine du venin. — Il résulte des faits précédents que les larves de Dytiscides injectent à leurs victimes un liquide toxique qui semble les paralyser et amener une mort rapide.
ARCn. DE ZOOL. EXP. ET QÉX. — 5« SÉRIE. — T. Vni. — (H). S)
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Quel est ce liquide? Nous avons dit déjà, et nous allons reve- nir sur ce sujet, que la larve de Dytique injecte à ses victimes un liquide noirâtre qui produit une digestion rapide des tissus. Est-ce là le liquide qui produit les accidents toxiques ?
Nagel n'a point hésité à l'admettre. Je crois cependant que son opinion n'est pas fondée. Voici pour quelles raisons.
a. On peut d'abord offrir à la larve de Dytique une proie transparente et examiner avec soin au microscope binoculaire ce qui se passe. Or, il arrive qu'en séparant la larve de sa vic- time avant qu'elle ait reçu la moindre quantité de liquide noir, celle-ci meurt cependant rapidement.
b. En soumettant la larve de Dytique aux vapeurs d'un anesthésique, l'étlier, par exemple, on voit, au début de l'action, une goutte ou deux de liquide citrin qui viennent sourdre près de l'extrémité des crochets, juste à l'endroit où débouche à l'extérieur le canal dont ils sont perforés. Ce liquide est bien différent du liquide digestif qui s'échappe à son tour par les crochets, si on prolonge l'anesthésie.
Evidemment, il serait très désirable de vérifier expérimen- talement ces hypothèses très ^vraisemblables, mais, malgré tout mon désir de la faire, il m'a été jusqu'ici impossible de me procurer en même temps une assez grande quantité de larves pour mettre ce projet à exécution. C'est là une difficulté à laquelle on ne se heurte que trop souvent, quand on veut étudier la physiologie de ces invertébrés de petite taille.
Quel est l'organe qui sécrète ce venin si toxique qui permet aux larves des Dytiscides de maîtriser rapidement des proies plus grosses qu'elles ?
La réponse ne me paraît pas douteuse. Les larves ne semblent posséder aucune trace de glandes salivaires ; les dissections les plus soignées et les coupes en série ne m'ont pas permis d'en découvrir.
Le liquide toxique est sans doute sécrété par les glandes en tubes renfermées dans la paroi de l'œsophage. On s'explique ainsi parfaitement la présence de ces glandes volumineuses
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dont il n'existe pas trace dans l'organe homologue des autres insectes (à part les exceptions signalées plus haut).
2° Mode de digestion normal de la larve. — Nous allons examiner tout à tour ce qui se passe pendant l'acte de la diges- tion dans les tissus de la proie et d'autre part dans l'organisme de la larve.
En creusant le sol couvert d'herbes aquatiques qui borde les étangs, on trouve assez souvent une grosse larve blanche (1) dont la taille peut atteindre deux centimètres. Elle est remarquable par la transparence de son enveloppe chiti- neuse qui permet de distinguer avec une netteté parfaite les divers détails de son organisation interne.
Si nous la mettons en présence d'une larve de Cyhisteter dont les habitudes sont analogues à celles de la larve de Dytique, nous voyons cette larve carnassière s'approcher lentement de cotte proie, l'explorer avec ses palpes, puis, lorscpi'elle a cons- taté qu'elle remue, se précipiter tout à coup et enfoncer ses deux crochets à travers les téguments.
Sous cette morsure cjui semble lui causer une vive douleur, la larve de Diptère réagit violemment et cherche, au moyen des crochets qui arment sa bouche, à entamer la cuirasse de la larve du Cybisteter. Au bout do quclciucs secondes, un jet do liquide noir envahit la larve de Tabanus ; ses réactions de défense s'exaspèrent un instant à ce contact, puis elle retombe inerte. En examinant au microscope binoculaire ce qui se passe du côté de la proie, on assiste à un spectacle vraiment saisissant. Tous les organes sont maintenant noyés dans une atmosphère grisâtre, mais qui reste assez transparente pour qu'on puisse observer tous les détails d'organisation. On voit alors les divers tissus, et en particulier les masses adipeuses qui tranchent })ar leur apparence blanche et opaque, disparaître peu à peu par une véritable liquéfaction. Brusquement se manifeste dans les humeurs de la proie un courant intense qui entraîne
(1) Cette larve est abomlante certaines aimées à l'Etang des Moines sur la commune du Plessis- Piiiuet. Je duis à la bieiiveillante détermination de M. Lesne, aide-naturaliste au Muséum de avjir qa'elle appartient au genre Tabanus.
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tous ces liquides vers les crochets de la larve. Des particules se détachent de tous côtés des organes, entraînées par ce cou- rant dans le tube digestif de la larve du Coléoptère. Peu à peu, la proie se vide presque complètement du liquide qu'elle con- tenait ; les organes restent ainsi « à sec » pendant environ une demi-minute, puis tout à coup, un nouveau flot de liquide noir envahit la cavité de la larve de Tabanus, et on assiste aux mêmes phénomènes que précédemment.
Les mêmes actes d'injection et d'aspiration de liquide digestif se répètent ainsi périodiquement jusqu'à ce que tous les tissus de la proie ait été entièrement solubilisés. L'enveloppe vide est ensuite rejetée ; on peut constater au microscope qu'elle ne contient plus la moindre parcelle de tissu utihsable, les petits troncs trachéens eux-mêmes ont disparu. Le résultat est abso- lument le même que celui qu'on obtient lorsqu'on traite un insecte par la potasse caustique chaude à 10 pour 100. Il va sans dire que la durée totale de la digestion est fonction du vo- lume de la proie, et aussi, dans des limites étendues, de la tem- pérature ambiante. Les différents tissus résistent aussi d'une manière très inégale au suc digestif. C'est un point sur lequel nous reviendrons.
En résumé, la larve des Dytiscides peut être, je crois, très exactement comparée aux appareils d'épuisement de nos laboratoires de chimie, à l'appareil de Soxhlet, par exemple. Ici, comme là, une circulation intermittente de liquide vient solubiliser les matières à extraire qui sont entraînées dans l'appareil où elles s'accumulent, le liquide solvant ou digérant revenant pur un instant après.
Je ferai remarquer que ce mode de digestion constitue une remarquable adaptation au milieu aquatique ; l'extraction des matières nutritives s'opère en quelque sorte au milieu de l'eau en vase clos. L'enveloppe de chitine imperméable qui isole la proie est ponctionnée et tout son contenu utilisable passe dans le système digestif de la larve de Dytiscide sans avoir subi aucun mélange ^vec leliquide ambiant.
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Afin de montrer que cette interprétation est exacte, j'ai fait de nombreuses expériences, je vais en citer quelques-unes :
a. On agite devant une larve de Dytique une Blatte dont on a sectionné la partie antérieure au-dessous du thorax.
La larve de Dytique enfonce ses crochets dans la Blatte et injecte son liquide noir, mais celui-ci s'échappe au niveau de la blessure des téguments. On voit alors la larve de Dytique changer de place ses crochets à plusieurs reprises.
Après plusieurs tentatives qui ne lui donnent pas satisfac- tion, elle semble comprencbe que cette proie ne saurait lui convenir, et elle la rejette définitivement.
h. Un cube d'albumine d'œuf coagulée au bain-marie est offert à une larve de Dytique qui injecte aussitôt son liquide noir ; mais la plus grande partie de celui-ci s'écoule à l'extérieur, l'albumine se déchire et au bout de quelques instants, la larve rejette cette proie qu'elle juge inutilisable.
D'autre part, un cube d'albumine semblable au précédent, mais enfermé dans un sac de caoutchouc très mince est offert à la même larve. Cette fois, le liquide, maintenu par l'enve- loppe imperméable opère la digestion qui s'effectue peu à peu.
Je dois dire cependant que la dissolution de cette albumine cuite par le liquide digestif de la larve est infiniment plus lente que celle des tissus frais qui sont toujours préférés.
J'ai fait avec la fibrine des expériences calquées sur celle que je viens de citer. Elles sont peut-être encore plus frappantes dans ce dernier cas, car la fibrine, en raison de sa texture filamenteuse, est absolument inutilisable pour la larve, si elle n'est pas enfermée dans une enveloppe imperméable.
Certains tissus résistent beaucoup au suc digestif des larves des Dytiscides.
Si, par exemple, on leur offre un petit morceau de muscle de Mammifère, de Mouton ou de Bœuf , enfermé dans un petit sac de caoutchouc, les larves le conservent souvent plus de vingt-quatre heures entre leurs crochets.
La manière d'opérer de ces larves varie d'ailleurs dans des
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limites assez étendues suivant la nature de l'aliment qui leur est offert. Voici lui exemple assez typique.
On donne à une larve de Dytique un petit sac de baudruche contenant des œufs ovariens mûrs de Triton crête. Après avoir injecté son liquide noir dans le sac, la larve qui n'obtient pas un résultat satisfaisant change plusieurs fois ses crochets de place. Bientôt le sac qui porte de nombreuses blessures laisse échapper le liquide noir qui s'écoule abondamment et, en raison de sa densité, va s'accumuler sur le fond du vase (1). On voit alors la larve presser le sac entre ses crochets et sa lèvre supé- rieure comme si elle voulait en exprimer le contenu. Elle répète cette manœuvre de plus en plus fréquemment ; il semble qu'elle ait reconnu que la sécrétion de liquide digestif ne pouvait lui donner satisfaction dans le cas actuel, car elle en diminue, puis elle en cesse complètement la production. Elle renonce à opérer chimiquement et préfère opérer mécaniquement sur cette substance qui peut être assez facilement réduite en une bouillie fluide par simple trituration. De plus en plus, la larve fouille en tous sens le contenu du sac au moyen de ses crochets, elle exprime ensuite le sac à la manière décrite. Celui-ci est bien- tôt complètement vide, il est alors rejeté.
Voici donc un exemple où la larve s'est presque instanta- nément adaptée à des conditions qu'elle ne rencontre que rare- ment dans la nature. Elle a su varier son mode opératoire, et le perfectionner notablement tout en faisant l'économie de ses sucs digestifs devenus inutiles.
Modifications histologiques des tissus au contact du suc digestif.
Ainsi qu'on devait s'y attendre, lorsqu'on interrompt le repas de la larve et qu'on prélève des fragments des tissus des divers organes qui ont subi un contact plus ou moins prolongé
(I) Les larvns prenant leur repas étaient toujours ininioriçécs s)it diiiis r<;au ordinaire, soit iliins II! cliloruH! do sodium à 0 ou 8 pour 1000 si ou voulait étudier histologiquomeut les tissus soumis à leur suc digestif.
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avec le suc digestif, on constate des altérations cellulaires évi- dentes. Je vais en donner quelques exemples.
Exemple I . — Du sang de chien défibriné à la sortie du vais- seau est enfermé dans un petit sac de caoutchouc. On le livre à une larve de Dytique, immergée dans le chlorure de sodium à 1 pour 100. On laisse persister le contact entre le sang et le liquide digestif pendant vingt-deux minutes. A ce moment, on éloigne la larve, on étend un peu de ce sang sur une lame porte-objet, on fixe par le mélange alcool-éther et on colore à l'hématoxyline de Bôhmer, puis à l'éosine.
Une autre portion du même sang est restée enfermée dans le chlorure de sodium pendant le repas de la larve ; il ne diffère du premier, que parce qu'il n'a pas subi le contact avec le liquide digestif. Il est traité exactement de la même manière pour ser- vir de (( témoin ».
Le sang « digéré » présente des modifications très nettes.
a. Les leucocytes ont considérablement diminué de nombre. Il semble donc que ces éléments soient plus attaquables par le suc digestif que les globules rouges.
h. Les derniers éléments ont subi une altération remar- quable. La plupart d'entre eux présentent un protoplasma clair, au centre duquel on remarque un corpuscule qui s'est intensément coloré par l'hématoxyline. On a ainsi tout à fait l'apparence d'un globule rond qui posséderait un noyau (1). La dimension du corpuscule central varie d'ailleurs beaucoup suivant le globule considéré ; sa situation à l'intérieur du glo- bule varie également. Ces différences sont probablement en rapport avec l'état d'attaque plus ou moins avancé du globule par le suc digestif (pi. I, fig. 3).
Les globules du sang témoin n'ont subi aucune altération.
Le sang des Batraciens soumis dans les mêmes conditions que précédemment au suc digestif montre des modifications d'une autre nature.
(1) Il va sans dire que je n'entends nullement avoir prouvé, par ce moyen, l'exisfcnco d'un noyau dans le globule rouge normal dos Mamniil'(''res, mais il est passible que l'altération remar- quable observée puisse être utile pour établir la constitution du globule rouge.
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A un premier degré d'attaque, le protoplasma du globule devient granuleux, parfois même vacuolaire. A un stade plus avancé, le protoplasma se gonfle, le noyau du globule s'hyper- trophie et se colore avec moins d'intensité, enfin le noyau est mis en liberté par solubilisation du protoplasma du globule
(pl. I, fig. 4),
En rapprochant les observations faites sur les globules nucléés de Grenouille et sur les globules anucléés de Chien, il semble qu'on puisse conclure que la phase d'hypertrophie du corpuscule central de ces derniers correspond au degré d'alté- ration maximum de ces globules.
Exemple 2. — On prélève un petit fragment de la substance médullaire d'un rein de Chien qui vient d'être sacrifié, on le livre à une larve de Dytique immergée dans le chlorure de so- dium à 1 pour 100. Au bout de 10 minutes, on reprend le mor- ceau qu'on fixe par le liquide de Bouin en même temps qu'un morceau témoin qui est resté plongé dans le chlorure de so- dium pendant le même temps, mais sans subir l'action du liquide digestif de la larve.
Le rein digéré présente des altérations manifestes (pl. I, fig. 5) qui consistent essentiellement en ce que les cellules épithéliales des tubes urinifères ont presque totalement disparu ; il en reste seulement çà et là quelques îlots qui se sont détachés et qui em- plissent la lumière du tube. Le tissu conjonctif du rein a beau- coup mieux résisté, cependant les cellules de ce tissu commen- cent aussi à s'altérer et en certains points tous les noyaux ont disparu ; on les trouve rassemblés en amas sur d'autres points.
Les altérations de ce tissu rénal sont d'ailleurs très inégales suivant le point considéré ; toutes les zones n'ayant pas subi au même degré le contact du liquide digestif.
Dans un morceau de rein qui avait été livré à la larve en- fermé dans une enveloppe de baudruche, les parties altérées se trouvaient surtout à la périphérie, là ou le liquide de digestion avait pu surtout exercer son action.
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Exemple 3. — Nous avons vu que le tissu musculaire de Mammifère résistait longtemps à l'action digestive du liquide des larves de Dytiscides. L'examen d'un morceau de muscle de Mouton soumis pendant vingt-quatre heures à l'action de ce suc injecté par la larve dans un petit sac imperméable, présente des modifications intéressantes (pi. I, fig. 6).
a. La striation du muscle a complètement disparu.
h. Le tissu conjonctif s'est gonflé et les faisceaux musculaiies sont maintenant plus séparés les uns des autres qu'à l'état normal.
c. De nombreux microcoques ont envahi les travées du tissu conjonctif et se sont insinués partout entre les faisceaux mus- culaires. Il semble qu'ici la digestion microbienne vienne se combiner à la digestion enzymatique. J'insiste sur ce fait que la larve tenait toujours le sac entre ses crochets au bout de vingt-quatre heures, que tour à tour, elle aspirait le liquide de digestion puis injectait du liquide « neuf ». C'est dans ces conditions que la culture microbienne s'était faite dans le tissu musculaire.
En résumé, nous voyons que tous les tissus sont profondé- ment modifiés par le suc digestif de la larve, alors qu'ils sont encore contenus dans la proie. Le fait est vrai, même pour les tissus fluides comme le sang.
La larve des Dytiscides ne se nourrit donc pas ainsi qu'on l'admet habituellement en aspirant le sang de ses victimes ; elle opère au contraire, une véritable digestion externe à son propre organisme. La digestion interne vient ensuite compléter cette digestion externe.
Les phénomènes digestifs envisagés à Vintérieur des larves des
Dytiscides.
Nous connaissons suffisamment les phénomènes qui se passent à l'intérieur de la proie.
Il nous faut étudier maintenant par quel mécanisme le liquide
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digestif est d'abord injecté dans la proie, puis réintroduit dans le tube digestif de la larve. Il nous faut connaître l'origine de ce liquide digestif, son action physiologique. Il nous faut enfin étudier le rôle de cet énorme cœcum, dépendance de l'intestin postérieur.
1° Physiologie de Vintestin antérieur et de Vintestin moyen de la larve. — L'étude des phénomènes qui vont nous occuper se font aisément sur des larves de Dyticus ou de Cybisteter do moyenne taille et qui ont mué récemment. Dans ces condi- tions, les téguments sont très transparents et au moyen da microscope binoculaire, on parvient, en disposant son animal sur un fond approprié, et en l'éclairant convenablement à suivre très exactement tout ce qui se passe à l'intérieur du tube digestif.
Prenons une larve dans les conditions requises, et suppo- sons qu'elle n'ait pas mangé depuis trois ou quatre jours. En examinant sa face ventrale, nous pourrons d'abord constater que son ventricule chylifque est rempli par un liquide noirâtre. Si la larve est bien tranquille, nous verrons des contractions péristaltiques naître au niveau du pharynx, se propager à l'œsophage, puis au ventricule chylifique à l'extrémité duquel elles s'éteignent, l'intestin restant dans un état d'immobilité parfaite. Le rythme de ces contractions est irrégulier, ou plutôt, il existe deux rythmes qui se superposent ; de sorte qu'il se pro- duit un certain nombre de contractions qui se succèdent à rai- son de douze par minutes, puis il se produit un long repos, et les contractions reprennent ensuite au rythme indiqué.
La larve de Dytique ou de Cybisteter étant en cet état, offrons-lui une larve de Chironomus qui présente l'avantage pour cette recherche d'avoir un sang intensément coloré en rouge pa-r l'hémoglobine. Nous assistons au phénomène décrit : ponction dos téguments do la proie par les crochets, moment d'attente pendant lequel le venin est sans doute inoculé, puis tout à coup, des contractions antipéristaltiques se manifestent au niveau du ventricule chylifique ; contrairement à ce qui se
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passait il y a un instant, ces contractions naissent an point de jonction du ventricule et de l'intestin, au pylore, si l'on veut. On voit le liquide noir refluer vers le haut ; il envahit l'œsophage le pharynx se dilate et se remplit à son tour, puis il se con- tracte et injecte le liquide digestif dans la proie à travers les crochets.
Alors l'appareil digestif entre en repos pour un certain temps, variable suivant le volume de la victime et aussi suivant la température extérieure. Lorsque la dissolution des tissus s'est suffisamment opérée au contact du liquide digestif, la larve aspire le suc du ventricule.
Les muscles suspenseurs (dilatateurs) des canaux de la tête entrent en contraction ; le liquide qui emplit la proie envahit le pharynx qui se teinte de rouge. Celui-ci se contracte et projette le liquide qu'il contient dans l'œsophage. L'opération précédente recommence l'instant d'après, de sorte qu'on voit l'œsophage se remplir d'une file d'index de liquide coloré. Quand il en est rempli, il naît à son niveau une contraction péristaltique qui entraîne tous ces index dans l'estomac au fond duquel ils s'accu- mulent.
Le même phénomène recommence bientôt, de sorte que l'estomac (ventricule chylifique) se remplit peu à peu de liquide coloré.
Il est remarquable que l'intestin reste tout à fait vide au cours de cette première phase de la digestion.
Lorsque la proie a été complètement vidée par une série de coups de pompe aspirante, on la voit tout à coup se remplir de liquide noir et les phénomènes précédents recommencent jusqu'à ce qu'il ne reste plus que l'enveloppe chitineuse parfaite- ment nettoyée de toutes ses parties molles.
D'où vient ce liquide noir ? Ce n'est certainement pas le liquide du précédent « épuisement », car il était très nettement coloré en rouge comme nous l'avons dit ; d'ailleurs ce liquide chargé de produits de digestion séjourne en ce moment dans la dernière portion du ventricule chylifique, celle qui est d'un
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calibre déjà rétréci et qui précède immédiatement l'intestin. Là, sans doute, s'achève la digestion.
Le liquide digestif qui est injecté dans la proie et qui va ser- vir à un second « épuisement » est sans doute du liquide « neuf » qui est sécrété par les glandes qui couvrent la paroi du ventri- cule chylifique.
Il est possible que le liquide chargé des produits de la diges- tion soit injecté dans les culs-de-sac qui garnissent le fond du ventricule et là, peu à peu résorbé ; les culs-de-sac supérieurs continuant à fournir du liquide « neuf » qui est injecté dans la proie.
Il nous faut maintenant discuter le point qui a été soulevé par de Géer et que nous avons déjà exposé page 115.
La larve peut-elle absorber ses aliments par une voie autre que celle des canaux mandibulaires ?
Il semble que la disposition de la bouche permette déjà de répondre avec certitude par la négative. Mais j'ai voulu faire quelques expériences à ce sujet.
Elles ont consisté à placer la larve de Dytique dans des condi- tions où elle serait incitée à utiliser son autre mode de préhen- sion des aliments, si elle en possédait un.
a. A certaines larves, j'ai coupé la pointe d'un des crochets.
Les larves ainsi mutilées utilisent alors uniquement le crochet intact pour ponctionner leur proie ; le moignon de la seconde mandibule est d'ailleurs très adroitement employé pour diriger et maintenir la proie au contact de la mandibule intacte.
Chose curieuse, le liquide digestif coule uniquement par le crochet intact à l'intérieur de la proie ; il ne s'en perd pas une seule goutte par le crochet coupé. Il existe donc un dispositif qui permet à volonté à la larve d'obturer un des Canaux trans- versaux. Vers le milieu de chacun de ces canaux vient en effet s'insérer une apophyse chitineuse qui doit être en relation avec ce mécanisme. La voûte molle du canal latéral doit entrer dans la gouttière sous-jacente et obturer le conduit ou au con- traire se soulever et rétablir la perméabilité suivant la position
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qu'elle occupe. Les mouvements de bascule de cette apophyse se produisent par la contraction de muscles qui s'insèrent d'autre part sur le squelette chitineux do la tête.
b. A d'autres larves, on coupe les deux crochets. Ces dernières larves se laissent mourir d'inanition même lorsqu'on met à leur disposition des proies molles comme de petits têtards de Gre- nouille.
Il semble donc bien qu'on puisse conclure que les canaux mandibulaires constituent la seule voie possible d'introduction des aliments dans le tube digestif de la larve des Dytiscides.
Avant d'aborder l'étude des phénomènes physiologiques de la digestion dans la troisième section du tube digestif, je voudrais dire un mot de ce qu'on peut appeler sans exagération : r Intempérance de la larve.
Exemple 1. — A une larve de Dytique du poids de 0 gr. 78, on donne un poisson {Phoxinus lœvis) du poids de 0 gr. 75. Elle (' épuise » sa proie de 1 h. 35 à 10 heures du soir. A ce moment, elle rejette le poisson qui n'est plus constitué que par le sque- lette recouvert de la peau flasque et d'ailleurs intacte.
La larve, à ce moment, pèse 1 gr. 15. Elle a donc gagné 0 gr. 47. Elle a donc augmenté de 60 pour 100 de son poids !
Exemple 2. — Une larve à jeun pèse 0 gr. 88.
A midi 10, on lui donne du sang de lapin défibriné contenu dans un petit sac de baudruche.
A 2 h. 35, elle a vidé le sac et pèse 1 gr. 38. Elle a donc gagné 0 gr. 50, soit 57 pour % de son poids primitif.
Elle n'est pas rassasiée, car, mise en présence d'une nouvelle enveloppe de baudruche remplie de sang, elle s'empresse d'y enfoncer ses crochets et continue à se gorger. — Par suite de circonstances indépendantes de ma volonté, il m'a été malheu- reusement impossible de prendre son poids après ce nouveau repas.
A la suite de ces repas trop copieux, les larves se trouvent quelquefois dans une situation assez fâcheuse. Lorsqu'on les place dans un vase avec des herbes aquatiques, elles s'accrochent
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avec leurs pattes à quelque fragment de tige, de manière à ce que leurs stigmates affleurent à la surface de l'eau et qu'elles puissent satisfaire à leur besoin d'oxygène qui, à ce moment, est très impérieux.
Mais si on les place dans un vase de verre à parois verticales, elles font d'inutiles efforts pour se maintenir à la surface de l'eau. Les flotteurs de la partie postérieure qui les soutiennent facilement en temps normal, sont devenus insuffisants en raison de l'augmentation du poids considérable de la larve. Celle-ci coule donc à pic et tombe sur le fond du vase où, très rapide- ment, elle est prise de phénomènes asphyxiques.
Ceux-ci se manifestent de différentes manières, et c'est un point sur lequel nous reviendrons quand nous étudierons la respiration de ces animaux. Mais disons tout de suite, qu'il se produit dans ces conditions une régurgitation des matières alimentaires; le ventricule chylifique se contractant (1), rejette à l'extérieur une partie des matériaux nutritifs qui s'y étaient accumulés.
Il semble bien qu'il s'agisse là d'un curieux mécanisme de défense, mis en œuvre sous l'influence du phénomène de l'asphyxie. La larve ayant rejeté une quantité suffisante de son trop-plein stomacal peut, en effet, flotter de nouveau.
Ce phénomène présente encore un certain intérêt à un autre point de vue. En effet, si les crochets sont en demi-adduction, c'est-à-dire dans la situation qu'ils occupent lorsque la larve les maintient enfoncés dans ses victimes, le vomissement se produit par l'ouverture située au voisinage de la pointe. Dans cette situation, le canal mandibulaire communique donc par sa base avec les canaux transversaux qu'il prolonge.
Au contraire, il arrive que la larve au moment de la régurgi- tation, écarte ses mandibules au maximum de chaque côté de la tête ; dans ces conditions, la sortie des matières alimentaires se fait aux deux coins de la bonche, c'est-à-dire aux extrémités
(1) Bien eiituiiJii, il est imposàible de décider avec certitude si lo phéuoinône est prcjcliiit par la cuntractiun des inusdeâ du tube digestif ou par ceu.\ do la paroi du corps.
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des canaux transversaux. Dans cette situation des crochets, la base de leurs canaux ne se trouve donc plus en contact avec les voies digestives qui suivent.
Intestin postérieur. — Nous ne dirons rien de l'intestin pro- prement dit ; il est identique comme disposition et structure à celui de la majorité des insectes carnassiers et de leurs larves. J'ai préféré faire porter mes investigations sur des points qui semblaient promettre une plus riche moisson de faits.
Incidemment, j'ai pu constater un fait assez curieux, mais qui avait été vu avant moi, sur d'autres insectes par plusieurs anatomistes, notamment par ]\Iarchal (1892), Léger et Du- BOSCQ (1899) et par Henneguy (1904, p. 81).
Lorsqu'on dissèque une larve dont la digestion est assez avancée dans le chlorure de sodium à 6 pour 1 .000, on constate que ses tubes do Malpighi présentent des mouvements vermi- culaires extrêmement accentués. Ceux-ci sont particulièrement intenses quand la température du liquide dans lequel l'animal est plongé est au voisinage de 30 degrés.
Rôle physiologique du Cœcmn. — Je me suis attaché au con- traire à déterminer le rôle du cœcum. Ce divorticule de Tintes- tin postérieur est toujours très développé chez toutes les larves de Dytiscides, mais dans celles de Dyticus et de Cybisteter, il atteint souvent des dimensions énormes. Quand on dissèque une de ces larves, on constate qu'il est logé immédiatement sous l'enveloppe de chitine constituée par les tergites des an- neaux ; il recouvre et masque complètement l'intestin, le Ven- tricule chylifique, l'œsophage et le pharynx. Il n'est même pas rare de le voir pénétrer dans la cavité crânienne et s'insinuer entre les grosses trachées de la région.
En somme, il est à lui seul, prescj[ue aussi volumineux que tout le reste du tube digestif.
Il m'a semblé que pour comprendre le rôle de cet appa- reil, il convenait de voir comment il se comportait aux dif- férents stades de la digestion. Voici le résultat de ces recher- ches.
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pr exemple. — Larve à jeun. — Larve de Cybistefer capturée depuis plusieurs jours et laissée à jeun.
La partie initiale de l'estomac, celle qui fait suite immédiate- ment à l'œsophage est remplie du produit de sécrétion du ven- tricule chylifique, et, à tel point qu'il s'est formé, dans cette région, une dilatation ampullaire.
La portion suivante de l'estomac est vide, ainsi que l'intestin proprement dit. C'est la disposition que nous avons déjà indiquée chez la larve à jeun ; tout est prêt pour l'injection d'une proie dès qu'elle se présentera.
Cœcum. Enorme, transpa- rent, rempli d'un liquide limpide. Sa portion distale est rétrécie et repliée sous le corps de l'organe distendu. 2^ exemple. Larve morte d'inanition. — Jeune larve de Dytique de 35 milhmè- tres de longueur, on la dis- sèque très peu de temps après sa mort.
L'intestin est vide (1). Cœcum. Il remonte très haut, il mesure 18 millimè- tres de longueur depuis son embouchure avec l'intestin jusqu'à sa partie distale.
Le rectum et la partie inférieure du cœcum sont remplis d'un
Fi(f. 10. — Larve de Dy/icus tiuirginalis. L'ani- mal est disséqué plusieurs jours aprt^s un repas copieux. Le cœcum est distendit par uu liquide transparent. : œsophage ; V. c. : ventricule chyliflque ; / .• intestin entouré des tubes de Malpi- ghi ; R : rectum ; Cœ : cœcum : A : am- poule du cœcum.
Ce
(1) Mes notes ne contiennont pas d'indication sur l'état du ventricule chyliflque. Il l'tait très probaldemont vide.
INSECTES AQUATIQUES 137
liquide noirâtre épais qui semble bien être le suc ventriculaire.
La partie distale du cœcum est gonflée par un liquide trans- parent qui tient en suspension des grumeaux noirâtres. L'exa- men microscopique révèle la présence de très nombreux micro- organismes ; Spirilles, Protozoaires, Bactéries.
Ce dernier liquide possède l'odeur désagréable qui appartient aussi aux déjections de la larve.
3^ exemple. Larve sacrifiée au milieu d'un repas. — Jeune larve à jeun depuis deux jours. On lui donne une chenille de micro- lépidoptère dont la cavité a été injectée avec une poudre vio- lette. Elle mange pendant 10 minutes. On la sacrifie alors et on la dissèque immédiatement.
L'œsophage et le ventricule chylifique sont remplis d'une bouillie jaunâtre qui contient de nombreuses particules vio- lettes (celles-ci étaient assez fines pour franchir les canaux mandibulaires).
Il n'y a donc pas de doute que ces matières alimentaires proviennent du repas qui a été interrompu.
L'intestin grêle entom'é des tubes de Malpighi est absolument vide.
Cœcum. Sa partie proximale est dilatée sous forme d'une ampoule sphérique remplie d'un liquide absolument limpide. A cette ampoule, fait suite la partie médiane qui est vide, réduite à un cordon transparent difficilement visible.
La partie distale est de nouveau dilatée sous forme d'une ampoule sphérique, contenant des granulations noires.
L'examen microscopique de ces particules révèle la présence de nombreux microcoques dont beaucoup sont colorés, d'algues vivantes en particuher de Diatomées, enfin de nombreux résidus alimentaires. Le rectum était vide.
1^ exemple. — Larve sacrifiée après deux repas successifs. —
Jeune larve de Dytique qui vient de muer et qui est à jeun depuis plusieurs jours. Elle mange une première larve de Ciii- ronomus de belle taille ; puis immédiatement après, une seconde.
Cœcum. Dès qu'elle commence son second repas, on voit par
ARCH. TE ZOOr.. EXP. ET OÊX. — 5" ^f.lUE. — T. VIII. — (II). 10
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transparence le liquide noir de la précédente digestion qui tra- verse l'intestin et vient remplir le cœcum.
5^ exemple. — Larve ayant fait un repas copieux 12 heures aujMiravant. — Larve de Dj^ique de taille moyenne. Le 25 mai, à 9 heures du soir, on lui donne d'abord une grosse larve de Chironomus, puis une chenille de Noctuelle dont on a vidé l'intestin et à laquelle on a injecté du carmin réduit en poudre fine et mis en suspension dans le chlorure de sodium à 8 pour 100.
Le 26 mai, à 9 heures du matin, on serre une ligature autour du cou de la larve et on la soumet aux inhalations de vapeurs d'éther. Elle s'endort rapidement. On la dissèque dans le chlo- rure de sodium à 6 pour 1000.
Le ventricule chylifique est rempli d'une bouillie noire. Sa dernière portion (partie cyhndrique) présente déjà une teinte rougeâtre qui révèle la présence à ce niveau dune certaine quan- tité de carmin (pi. II, fig. 8).
Le début de l'intestin est indiqué par un étranglement bien marqué au niveau duquel cessent les stries, transversales qui caractérisent le ventricule chyUfique.
\Jintestin présente une série d'index de carmin séparés par des parties vides, incolores ; il est animé de mouvements péris- taltiques énergiques.
Le rectum est rempli de carmin.
Le cœcum est boiuré de carmin à son point d'abouchement avec l'intestin, on trouve ensuite une série d'index ; la partie distale est dilatée sous forme d'ampoule sphérique également remplie de carmin.
Le rectum et le cœcum présentent sur toute leur longueur une suite de rétrécissements annulaires qui leur donne un aspect monilijorme ; on a la sensation très nette que le cœcum est un diverticule du rectum.
De temps en temps, le rectum se contracte violemment et projette du carmin dans le cœcum.
L'ampoule rectale se contracte elle-même rythmiquement et brasse le carmin qu'elle contient.
INSECTES AQUATIQUES U9
Après avoir cité ces quelques expériences choisies parmi beaucoup d'autres faites sur le même sujet, je vais essayer de tirer les conclusions qui en découlent au sujet de la phy- siologie des dernières voies digestives des larves des Dytis- cides.
1*^ Au cours du repas, le Hquide digestif retour de la proie s'accumule dans la cavité du ventricule chylifique. La digestion commencée s'achève là. La plus grande partie des phénomènes d'absorption s'y produisent aussi sans doute comme nous le verrons plus tard.
'29 A un stade plus avancé de la digestion, 12 heures après un repas copieux par exemple, il s'est produit un triage très net entre les matières digestibles qui séjournent encore dans le ventricule chylifique. au contact des sucs digestifs qui achèvent leur transformation et les substances réfracta ires (carmin), qui sont traitées comme résidus.
Celles-ci traversent rapidement l'intestin et gagnent le rec- tum qui, par des mouvements antipéristaltiques. les refoule dans le grand cœcum où elles s'accumulent.
y Si deux repas se succèdent à court intervalle, les produits du premier repas qui n'ont pas encore achevé leur transforma- tion, traversent rapidement les voies digestives situées en aval et gagnent le grand cœcum où elles séjournent jusqu'à achève- ment de leur transformation. Elles seraient ensuite refoulées par l'intestin grêle dans le ventricule chyhfique.
(Je dois cependant faire toutes réserves sur ce point que je ne considère pas comme suffisamment étabfi).
Cet emmagasinement provisoire dans le cœcum éviterait le mélange dune digestion en cours, avec une nouvelle digestion.
On sait que c'est une tendance de la physiologie récente d'admettre cette séparation des stades plus ou moins avancés de la digestion des aliments.
(Expériences siu" l'ingestion de pâtes différemment colories
qui forment dans l'estomac des sphères concentriques qui
• s'emboîtent. Estomacs multiloculaires des Cétacés, etc. C'est
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un point de physiologie que je ne veux qu'effleurer et que je me réserve de développer dans un autre travail.
4P Lorsque la digestion est achevée, les résidus s'accumulent dans le cœcum. Ils sont noyés au milieu d'une grande quantité de hquide très limpide. La défécation a lieu alors ; je l'ai souvent observée, elle se produit d'une manière très spéciale. La larve s'accroche au moyen de ses pattes à une plante aquatique : elle soulève son dernier anneau au moins à un centimètre au- dessus de l'eau, elle la recourbe en arrière et lance très loin d'elle un puissant jet de matières fécales d'une odeur très désagréable.
On peut quelquefois provoquer cet acte de défécation, en saisissant la larve au moyen de pinces par la partie postérieure.
Ce mode particulier de défécation paraît avoir un double rôle.
Le but principal est d'éviter la contamination des stigmates par les matières fécales. Ceux-ci, nous le verrons, sont situés à la partie postérieure de la larve, au voisinage de l'anus. S'ils sont touchés par les matières fécales qui contiennent tou- jours des matières grasses extrêmement septiques, c'est un arrêt de mort pour la larve. Si celle-ci est contenue dans un vase de petite dimension, elle meurt presque fatalement le sur- lendemain d'un repas copieux, surtout lorsque celui-ci est riche en graisses. Le même accident ne se produit pas chez les larves à jeun. Il ne se produit pas non plus si la larve est placée dans un bac de dimensions suffisantes et si l'eau contient des plantes vertes. Elle ne meurt pas non plus comme précédemment de septicémie si, placée dans un petit vase après un repas co- pieux, on additionne l'eau du vase d'une certaine quantité d'eau oxygénée du commerce, dont la réaction est acide, ou même simplement d'une faible quantité d'acide chlorydrique.
A la fin de la digestion, le grand cœcum qui est distendu par une quantité relativement considérable de liquide permet à la larve de faire un véritable « lavage rectal » qui entraîne au loin les matières fécales et préserve les stigmates de toute conta- mination.
INSECTES AQUATIQUES 141
C'est là, j'en ai conscience, une conclusion qui peut paraître un peu surprenante à première vue. Je ne l'ai point acceptée sans une abondance de preuves qui ont fini par entraîner ma conviction. On trouvera ces preuves énumérées successivement au cours de ce travail, lorsque j'étudierai la digestion des Dytiscides adultes, et celles des Hydrophilides et de leurs larves.
En résumé, on voit (j^ue le cœcum a des fonctions multiples ; c'est un diverticule dans lequel peut probablement s'achever une digestion déjà commencée et interrompue par l'arrivée de nouveaux aliments moins attaqués et qui ont avantage à être « travaillés » à part.
C'est un magasin dans lequel s'accumulent les matières réfractaires à la digestion. C'est surtout une ampoule contrac- tile qui se remplit de liquide à la fin de la digestion et qui sert à produire un véritable lavage rectal qui entraîne au loin les matières septiques si dangereuses pour les voies respiratoires très proches, et c'est enfin un organe de défense qui sert à éloigner un ennemi par un jet de liquide noirâtre d'odeur repoussante { I).
CHAPITRE II
DIGESTION DES DYTISCIDES (IMAGINES.) I. — Anatomie de l'appareil digestif.
A. Dytiscus marginalis. L. Imago.
Il m'a semblé qu'il y avait un véritable intérêt à comparer aux points de vue morphologique et physiologique, le tube diges- tif des Coléoptères Dytiscides à ceux de leurs larves. A première vue, ces insectes sont extrêmement différents de leurs larves
(1) Il est bien curieux de constater que la teinte noire du liquide tient prohahleinent comme nous le verrons, ;\ la présence des produits de l'action d'une tyrosiuase. Un rapprochement s'im- pose aveu le liquide noir défensif des Céphalopodes.
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aussi bien sous le rapport de l'anatomie externe que sous celui de la constitution de l'appareil digestif.
Un examen plus approfondi permet d'établir des rapproche- monts bien inattendus entre le tube digestif de la larve et celui de l'Imago. L'étude des phénomènes digestifs montrera que la parenté des deux systèmes est encore plus étroite qu'on ne pouvait le supposer.
Aperçu de l'anatomie externe. — Je serai très bref à ce sujet. Le Dytique est un animal si répandu et si fréquemment utihsé dans les laboratoires qu'il est absolument inutile d'en fournir une description exacte que tous les biologistes ont présente à l'esprit.
Je ferai seulement remarquer que sa forme extérieure est absolument différente de celle de sa larve. Tandis que celle-ci était formée de segments subcylindriques emboîtés les uns dans les autres, placés à la file et nettement distincts constituant un organisme très allongé par rapport à sa largeur, le Dytique Imago se présente sous la forme d'un animal beaucoup plus ra- massé sur lui-même, très trapu. Les différents segments abdo- minaux se sont raccourcis, élargis, ont pénétré plus profondé- ment les uns dans les autres. Ils sont recouverts par des élytres lisses ou striées longitudinalement. Le thorax court, large, s'est échancré pour recevoir la partie postérieure de la tête.
En résumé, dans l'ensemble, on a un Coléoptère à section ovale, les aspérités se sont émoussées ou résorbées. Toutes ces modifications sont le résultat d'une adaptation jiarfaite au milieu aquatique. La forme de l'animal lui permet de glisser dans l'eau avec la plus grande facilité ; le frottement dans la progres- sion en avant est réduit au minimum.
La forme des membres s'est modifiée dans le même sens. La troisième paire de pattes notamment qui est surtout uti- lisée dans la progression a subi une série d'adaptations qui en ont fait une paire d'avirons au moyen desquels l'animal se déplace dans l'eau avec une aisance et une rapidité extrêmes.
INSECTES AQUATIQUES 143
A part quelques différences accessoires, les autres Dytis- cides que nous utiliserons : Hydaticus (Acilus) (1), sont construits sur le même plan que le Dytique. Ils ont des allures et des mœurs très semblables.
Historique. — Ramdohr (1811) est le premier auteur qui, à ma connaissance, ait donné une description et une figure du tube digestif des Dytiscides. Dans la planche II de son ouvrage, il figure avec une exactitude sufïisante le tube digestif du Dyticus {Acilus, Hydaticus) sulcatus, et celui du DyticiLS striatus (2).
Il a bien vu la division en œsophage, jabot, gésier {Falten- magen), ventricule chylifique ou estomac, intestin, rectum et cœcum ou ampoule rectale.
Il figure aussi assez exactement la partie terminale de l'in- testin du Cyhisteter Rœselii {lateri-marginalis). Pour cette der- nière espèce et le Dyticus striatus, il indique bien les glandes rectales.
DuTROCHET (1818) apporte peu de faits nouveaux sur la question.
BuRMEiSTER (1832) donne une figure exacte de l'appareil digestif du Dytique, bien qu'elle soit réduite à un simple con- tour. Il a bien vu notamment que l'intestin moyen présentait deux parties distinctes à considérer : l'une, antérieure, couverte de longues villosités, l'autre, postérieure, sur laquelle ces pro- longements sont très réduits.
Lacordaire (1838) (PL 14, fîg. 2) donne un dessin assez exact de l'appareil digestif du Cyhisteter. Sa description mor- phologique est satisfaisante, mais ses connaissances histolo- giques sont erronnées sur plusieurs points comme nous le ver- rons.
Blanchard (1868) donne une description très succinte de
(1) L'Imago du Cybuteter lateri-marginalis m'a paru être infiniment plus rare que la larve ; je n'ai point utilisé cett« espèce à l'état partait.
(2) Il m'a été impossible d'ideutifler avec certitude ce dernier insecte.
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l'appareil digestif du Dytique. Il distingue nettement les diffé- rents segments ; il en donne une idée assez exacte, notamment du cœcum, mais il se méprend sur le rôle du gésier auquel il attribue à tort, nous le verrons, le rôle d'un appareil de mastication.
Plateau (Félix) (1874) nous donne un travail soigné et très documenté, une description détaillée de l'appareil digestif du Dyticus marginalis avec quelques aperçus sur le tube alimentaire de quelques autres Dytiscides (Hydaticus).
Nous exposerons et nous discuterons ses résultats en nous occupant de chaque division du tube digestif.
Bordas (1901) attribue au gésier un rôle de (( trituration ultime des aliments ». L'auteur revient à deux reprises diffé- rentes sur cette opinion à laquelle il semble tenir particulière- ment.
Bordas (1906) dans un second travail étudie Vampoule rec- tale chez divers types de Dytiscides.
Il voit bien les différences de forme qui différencient l'intestin terminal des Agabus de celui des Acilus {Hydaticus) et de ceux des Dyticus et Cybisteter.
Il indique la structure histologique de l'organe dans ses grands traits.
Enfin, il attribue à Vampoule rectale une triple fonction. Ce serait :
10 Un organe défensif au moyen duquel l'insecte peut pro- jeter un jet de matière fécale pour éloigner son ennemi ; 2P Un réceptacle pour les matières fécales ; 3° Un appareil hydrostatique, une sorte de vessie natatoire qui « permet à l'animal de se maintenir en équilibre quand'son extrémité abdominale vient respirer à la surface de l'eau. »
Je suis d'accord avec Bordas au sujet des deux premières fonctions qu'il attribue à l'ampoule rectale, mais je ne saurais admettre le rôle « d'appareil hydrostatique » pour cet organe. Les raisons de notre divergence d'opinion sur ce dernier point seront exposées à leur place.
INSECTES AQUATIQUES
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Anatomie de Vappareil digestif, a. Intestin antérieur (fig. 11).
'L'armature buccale est celle des insectes du type broyeur. Entre les deux lèvres supérieure et inférieure se trouvent deux puissantes mandi- bules et deux ma- fV . Oe choires munies de leurs palpes.
J'
ge
J
-Vc
Vc
Vient ensuite l'œsophage, long tube d'un blanc jaunâtre, qui s'é- vase à sa partie in- férieure pour for- mer une dilatation ovale à laquelle on a donné le nom de Jabot (Ja).
Un appareil très spécial termine l'in- testin antérieur ; on lui a donné le nom impropre de Gésier {Kaumageri des Al- lemands) (Ge.) vou- lant ainsi faire avec un organe du tube digestif des oiseaux un rapprochement qui ne s'imposait en aucune façon puisque, ainsi que nous le verrons, chez les Dytiscides tout au moins, les deux organes ont une fonction essentiellement distincte.
Je me suis efforcé d'étudier cet organe avec soin. Sa structure en est si compliquée que je crains que ma descriptfon, mênfe
R
Cœ
Fig.
11. — Dyticm maryiiiahs (iimgo). Appareil digesti 24 heures après un repas copieux. (Le jabot est dis- tendu par les aliments, les autres portions du tube digestif sont vides et rétractées sur elles-mêmes). Oe ; œsophage ; Ja : jabot ; Oe : gésier ; V. c. : ventricule chyliflque ; V c' : fin du'même organe ; / .• intestin en- touré des tubes de Malpighi ; R : rectum ; Cœ : cœcum; Ap : appendice cœcal.
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appuyée de figures ne puisse pas en donner une idée très claire.
Vu en place (Ge, fig. 11), c'est un organe de forme conique la base du cône étant tourné vers le haut et prolongeant le Jabot, la pointe se perdant au milieu des premières villosités du Ven- tricule chylifiqiie. De nombreuses trachées rampent sur sa face externe.
Sectionnons maintenant transversalement le jabot dans sa partie inférieure, nous verrons apparaître la base du gésier. Cette base a la forme d'un octogone dont chaque côté serait infléchi en son miheu (1) (pi. II, fig. 9). D'autre part, tous les côtés ne sont pas égaux entre eux, il y en a quatre grands et quatre petits qui alternent.
Chacun de ces côtés forme la base d'une dent triangulaire. Toutes ces dents convergent vers un centre commun en s' en- fonçant. Il y en a quatre grandes et quatre petites correspondant respectivement aux grands et aux petits côtés.
Il résulte de cette disposition un organe infundibuliforme qu'on peut comparer avec beaucoup d'exactitude à une fleur de Convolvulus (2). Les bords externes des pétales seraient enroulés sur l'extérieur et se continueraient par une membrane çhitineuse molle qui n'est que le prolongement de la paroi du Jabot : Deux dents voisines sont réunies entre elles par une mem- brane çhitineuse molle et gaufrée qui se replie en-dessous pour laisser les bords des deux dents arriver au contact. Les bords de chacune des dents sont garnis de longs poils chitineux
(pl. II, fig. 10).
J'insiste sur ce fait que tant que le gésier est au repos, les dents arrivent au contact les unes des autres par leurs bords et leurs pointes, ce n'est qu'en pressant sur le centre de l'appa- reil, ou mieux en le fendant et en tirant sur les deux extrémités qu'on déploie les gouttières qui apparaissent alors avec leur partie blanchâtre et gaufrée (pl. II, fig. 11).
(1) lyC diaiiiAtre do oet octogone est d'environ trois millimètres.
(2) Cotte comparaison semble s'imposer car je vois que Bordas (1901) s'en sert aussi.
INSECTES AQUATIQUES 147
Des muscles striées réunissent ces différentes parties entre elles.
Voici maintenant comment il faut comprendre le fonctionne- ment de cet organe. Supposons qu'un liquide contenant en sus- pension des particules solides soit renfermé dans le jabot ; il tombe dans l'organe infundibuliforme décrit, donc à l'intérieur de la corolle de la fleur de Convolvulus ; le liquide va s'infiltrer à travers les poils chitineux dans les huit gouttières qui séparent les dents entre elles. Ces gouttières forment des espaces capil- laires qui convergent vers le bas à la pointe de l'organe, c'est- à-dire à l'entrée du ventricule chylifique. L'appareil constitue donc un filtre qui arrête les particules solides sur le grillage des poils chitineux et les maintient dans le gésier et qui permet, au contraire, aux liquides de passer du jabot dans le ventricule chylifique.
En résumé, le gésier est un appareil filtrant interposé entre le jabot et le ventricule chylifique.
En réalité, sa constitution est beaucoup plus compliquée que je ne l'indique, il faudrait un mémoire spécial pour la dé- crire en détail ; je l'ai schématisée et je n'en ai pris que les parties qui sont essentielles pour comprendre son fonctionne- ment.
Nous verrons l'appareil à l'œuvi'e dans un instant sur l'ani- mal vivant.
Ventricule chylifique. Il fait suite immédiatement au gésier. C'est un organe cylindrique hérissé de villosités. Il se termine par un rétrécissement auquel fait suite l'intestin (fig. 11 Vc, V'c').
Comme dans l'organe homologue de la larve, on peut le subdiviser en deux régions : l'une antérieure, couverte de longues villosités blanches, l'autre postérieure, qui confine à l'intestin et qui porte des villosités beaucoup plus courtes (V'c').
Comme la partie homologue du tube digestif de la larve, le ventricule chyhfique est l'organe qui sécrète le suc digestif.
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Intestin. C'est un tube cylindrique pelotonné sur lui-même et entouré des tubes de Malpighi qui débouchent à son origine
(fig. 11 I)
H se jette comme chez la larve dans un tube beaucoup plus gros qui forme avec lui un angle droit.
Cette dernière partie de l'intestin est le rectum r prolongé lui-même vers le haut par le cœcum Cœ ; enfin la partie distale du cœcum se rétrécit pour constituer une sorte d'appendice.
A l'anus viennent déboucher deux glandes, les Olandes anales qui n'ont pas été figurées ici.
Il semble bien, en effet, qu'on ne puisse pas les considérei" comme une annexe du tube digestif. Dierckx (1899) a montré qu'elles avaient plutôt pour fonction de graisser les téguments postérieurs de l'abdomen, afin de les maintenir dans un état hydrojuge nécessaire pour que l'acte respiratoire s'accomplisse normalement.
Nous reviendrons sur ce point en étudiant les phénomènes respiratoires.
II. — Histologie de l'appareil digestif.
h'œsophage et le jabot ont une structure analogue. Sur une coupe transversale, en allant de l'intérieur vers l'extérieur, on rencontre successivement :
a. Un revêtement de chitine épais qui présente des caractères très particuliers qu'on saisit bien surtout en examinant l'organe étalé à plat. La cuticule chitineuse s'élève sous forme de plis saillants qui s'accentuent à mesure qu'on descend vers le jabot et qui s'anastomosent de manière à donner à la surface un aspect gaufré. Dans l'intervalle de la saillie des plis sont implantés des poils chitineux, dirigés vers les parties postérieures du tube digestif, disposés en somme pour empêcher le retour des ali- ments vers la bouche.
Cette disposition de la cuticule a été figurée assez exactement
INSECTES AQUATIQUES 149
par BuRMEiSTER (1832) et surtout par Plateau (1874, PI. I, fîg. 3, 4, 5), j'ai donc jugé inutile de la reproduire à nouveau.
Vers l'extérieur, nous rencontrons la couche de cellules chi- tinogènes ; c'est la matrice de la couche précédente. Elle est formée de cellules épithéliales disposées sur un ou deux rangs ; elles sont noyées dans la partie la plus externe de la couche de chitine à l'intérieur de laquelle elles envoient un ou plusieurs prolongements ; elles offrent quelque ressemblance avec les cellules du cartilage. Elles ne forment pas une couche continue, mais laissent entre elles des vides assez considérables (pi. II, fig. 12, Ep. chit.).
Nous trouvons ensuite deux couches de fibres musculaires striées qui atteignent une grande épaisseur dans le jabot. Les fibres intérieures ont une direction longitudinale, les extérieures une direction circulaire.
Gésier. C'est en somme une modification assez simple de la partie inférieure du jabot qui s'est différencié ainsi que nous l'avons vu déjà pour constituer un appareil de filtration. Le revêtement chitineux déjà épais dans l'œsophage s'hypertro- phie considérablement en huit zones symétriques par rapport au centre, ces zones inégales et alternantes forment les huit lames qui s'avancent dans la lumière de l'organe. Elles sont cou- vertes, comme nous l'avons déjà vu de longs cils chitineux jaunes qui, par leur intrication constituent l'appareil de filtra- tion. A la partie profonde des lames nous retrouvons, bien en- tendu, l'épithélium chitinogène.
Enfin, tout à fait à l'extérieur, une puissante musculature striée dont la direction est variable ; mais elle est formée en grande majorité de faisceaux circulaires.
Intestin moyen ou Ventricule chylifique. — La connaissance que nous avons de l'organe homologue de la larve nous permettra de nous orienter rapidement et d'abréger notre description.
Nous pouvons caractériser d'un mot le ventricule chylifique du Dytique (imago) en disant que les glandes en tubes ont pris ici un accroissement considérable. Ce sont elles qui forment
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ces villosités qui frappent tout d'abord quand on examine Forgane à Tœil nu. En s'accroissant du côté extérieur, ces glan- des ont repoussé devant elles les muscles striés qui leur for- maient un manchon externe. Une partie de ces fibres striées ont « suivi » les culs-de-sac qui s'en sont coiffés ; elles forment une enveloppe externe à chacune des villosités.
Une autre partie des muscles a résisté, les glandes en tube ont passé au travers ; ces derniers faisceaux serpentent entre les culs-de-sac glandulaires autour de l'embouchure desquels elles forment des sortes de sphincters. Cette couche circulaire est surtout développée à la partie inférieure de l'organe là où il diminue de calibre en se fusionnant avec l'intestin.
Quant aux-culs-de sacs glandulaires, ils sont composés des mêmes éléments que ceux de la larve : cellules cylindriques à plateau garni de cils chitineux jaunâtres très fins.
A leur embouchure, dans la cavité du ventricule, les glandes en tube portent des franges très élégantes (pi. II, fig. 13 et 14), qui rappellent un peu celles qu'on trouve au pavillon de la trompe de Fallope des Vertébrés.
Intestin postérieur. Très souvent vide, sa lumière devient virtuelle sur les coupes. Il est composé d'une couche de cellules épithéliales à protoplasma strié, au centre desquelles existe un noyau volumineux. Ces cellules sécrètent une épaisse mem- brane chitineuse anhyste qui les isole de la lumière de l'intes- tin. Extérieurement, nous trouvons une couche de fibres musculaires striées circulaires (pi. III, fig. 15) et enfin des fais- ceaux de fibres striées longitudinales qui ne forment pas un revêtement complet, mais qui n'existent que suivant certaines génératrices. — On compte d'ordinaire six de ces faisceaux longitudinaux qui se répartissent autour de l'intestin. Dans leur voisinage, existent presque toujours de grosses trachées.
Les tubes de Malpighi ont leur disposition habituelle. On y trouve les grosses cellules dont le protoplasma est rempli de grosses granulations et dont la face tournée vers la lumière porte des cils (pi. III, fig. 15, TM).
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Un examen attentif à l'immersion permet de voir que ces tubes sont entourés de fibres musculaires striées extrêmement ténues. Sur une coupe transversale, il semble que ces fibres apparaissent et disparaissent tour à tour du champ du micros- cope, lorsqu'on veut les suivre. Il est très probable, d'après cette apparence, qu'elles ne sont ni circulaires, ni longitudi- nales, mais disposés en spirales autour du tube de Malpighi.
Ainsi s'expliquerait le mécanisme des mouvements de torsion observés sur ces tubes lorsqu'ils sont plongés dans une solu- tion saline qui n'est pas nociv^e pour eux.
Cœcum. Sur une coupe transversale, on voit que cet organe est formé des couches suivantes en allant de l'intérieur à l'exté- rieur :
Un épithélium chitinogène composé de cellules cubiques. Elles ont sécrété sur leur face interne un revêtement de chitine très épais, formé de couches stratifiées qui limite à l'intérieur toute la cavité de l'organe.
On trouve ensuite une couche de fibres musculaires striées circulaires, ou plutôt obUques et disposées probablement en spirale autour de l'organe, puis çà et là quelques faisceaux isolés de fibres musculaires longitudinales (1). Ces fibres sont également striées (pi. III, fig. 16).
III. — Physiologie de l'appareil digestif des Dytiscides. (Imagines.)
Afin de prendre une connaissance exacte des phénomènes digestifs du Dytique à l'état d'Imago, nous lui donnerons à manger des proies de nature variée, et nous le sacrifierons à des intervalles de temps de plus en plus éloignés du début du repas. Nous pourrons, par ce moyen, saisir les différentes « éta- pes » de la digestion.
Expérience I. Un Dytique à jeun depuis longtemps reçoit
(1) On en compte ordinairement six comme pour Tintestin.
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deux larves de Gastrophilus equi. Il en mange une immédiate- ment, et la seconde aux trois-quarts, peu de temps après. Il a donc fait un repas extrêmement copieux. Mais un premier fait doit attirer tout d'abord notre attention, c'est la manière dont le Coléoptère carnassier saisit, maintient et dévore sa proie.
La proie est saisie par les pattes antérieures et les pattes moyennes qui l'amènent à portée des puissantes mandibules. Celles-ci entament sans difficulté l'enveloppe chitineuse, cepen- dant si résistante et, par la brèche ainsi faite, les tissus mous et succulents de l'intérieur du corps sont peu à peu dévorés.
Les deux paires antérieures de pattes manipulent la proie devant la bouche avec une dextérité parfaite. Lorsque l'en- veloppe épaisse de la larve complètement nettoyée des parties molles est abandonnée sur le fond du vase, on constate qu'elle a été retournée comme un doigt de gant, ce qui, étant donné son peu de souplesse et sa forme de cylindre étroit, nécessite des manœuvres très compliquées.
Quant aux pattes postérieures, aux rames, elles sont, pen- dant toute la durée du repas, presque constamment en repos, et relevées de chaque côté du corps.
La partie postérieure de celui-ci proémine à la surface de l'eau, afin de permettre un facile accès de l'air aux stigmates.
Après ce repas copieux, l'insecte qui appartient au sexe mâle se fixe à la paroi du vase de verre au moyen de ses ventouses et se maintient immobile, faisant constamment proéminer sa partie postérieure au-dessus de la surface.
Dans d'autres cas, et surtout quand l'insecte est une femelle dont les pattes antérieures sont dépourvues de ventouses, il reste immobile à la surface de l'eau, la tête plongeant à l'inté- rieur du liquide, et la partie postérieure soulevée au-dessus de la surface, en vertu de sa légèreté relative.
Au bout de 12 heures, on sacrifie l'animal, et on le dissèque dans une solution isotonique de clilorure de sodium.
On constate que le jabot est effroyablement distendu 2)ar les
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fragments ingérés de la larve d'Oestre qu'on reconnaît parfaite- ment à travers la paroi transparente de l'organe ; ils défor- ment et bossuent l'enveloppe qui les renferme.
On fend l'intestin moyen qu'on trouve rempli d'une bouillie blanche, très riche en globules gras.
Nous avons vu que l'épithélium qui garnit les culs-de-sac glandulaires de cet organe présentent de très fins cils chitineux, une sorte de bordure en brosse. Cette disposition anatomique paraît assez constante dans le ventricule chylifique des insectes et surtout de leurs larves. Les cils peuvent même dans cer- tains cas atteindre une longueur considérable, égale ou supé- rieure à la hauteur totale de la cellule (Hyménoptères).
On a beaucoup discuté sur le rôle physiologique qui devait être attribué à ces dépendances de la cellule épithéliale. Pour les uns, MiNGAZZiNi (1889), ce seraient de véritables cils vibra- tiles doués de mouvements lents et qui assureraient la pro- gression de l'aliment.
Pour d'autres, Holtz, ce seraient des sortes de pseudopodes cellulaires qui s'allongeraient momentanément pour puiser les substances digérées dans la lumière du canal alimentaire, puis qui se rétracteraient à l'intérieur de la cellule ; ce seraient donc surtout des organes d'absorption.
Enfin, d'autres hypothèses ont encore été émises : le revête- ment de cils protégerait les cellules contre les lésions cellulaires que pourraient occasionner les particules soUdes contenues dans l'intérieur du tube digestif ; ils constitueraient une sorte de zone spongieuse, qui, par capillarité, répartirait uniformé- ment sur la surface de l'intestin les liquides contenus à son inté- rieur.
J'ai cherché à me faire une opinion personnelle sur le rôle physiologique des cils des cellules de l'intestin moyen du Dytique et de sa larve. J'ai examiné des dilacérations de cet organe à l'é- tat frais et dans les conditions où on devait avoir toute chance de voir se manifester des phénomènes physiologiques du mou- vement, d'expansion ou de rétraction. J'ai bien constaté, et
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN". — 5« SÉRIE. — T. Vni. — (II). 11
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d'une manière constante, des mouvements vermiculaires éner- giques de l'intestin ou des tubes de Malpighi ; dans les mêmes conditions, de milieu et de température ; dans la même prépa- ration, il ne m'a jamais été donné de voir le moindre mouve- ment de la bordure en brosse des cellules, je n'ai jamais pu non plus déceler la moindre variation de longueur des cils.
Il semble donc bien qu'on doive tout au moins leur refuser toute action dans la progression des aliments.
Quant aux mouvements vermiculaires souvent très énergi- ques de l'intestin et des tubes de Malpighi, ils s'expliquent par la présence des fibres musculaires striées qui forment, comme nous l'avons vu, un revêtement à ces organes.
On examine l'intestin postérieur et ses annexes (cœcum et rectum), tous ces organes sont vides, le cœcum est presque entièrement rétracté.
Expérience 2. Un Dytique reçoit un repas copieux, mais il est sacrifié seulement au bout de quarante-huit heures. Le jabot est encore rempli, distendu, par les fragments chitineux de l'insecte qui composait le repas (chenille de Bombyx neustria).
Les parois du jabot se contractent énergiquement, brassant le liquide noirâtre qui baigne les fragments chitineux encore garnis de leurs parties molles.
L'insecte a été anesthésié, puis disséqué dans le chlorure de sodium tiède à six pour mille ; les mouvements de tube di- gestif sont particulièrement énergiques dans ces conditions.
On aperçoit très nettement à certains moments, que le liquide qui remplit le jabot est refoulé dans V intestin moyen à travers le gésier ; le jabot se vide presque complètement du liquide qu'il contient, il ne reste à son intérieur que les parties solides. L'instant d'après un jet de liquide noir, probablement li([uido « neuf » provenant de la sécrétion des culs-de-sac glan- dulaire envahit de nouveau le jabot. Il va continuer la digestion en cours.
En résumé, cliez l'insecte parfait comme chez la larve, la digestion de la proie se fait par le mécanisme déjà décrit, celui
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des appareils à épuisement. Chez la larve le récipient à l'inté- rieur duquel se fait l'épuisement est constitué par les tégu- ments, l'exosquelette de la victime : chez l'insecte parfait, au contraire, la proie est réduite en fragments et le liquide digestif procède à l'épuisement à Vintérieiir du jabot. C'est là la seule différence essen- tielle qui existe entre les phénomènes diges- tifs de la larve et ceux de Vimago. Dans un cas comme dans l'au- tre, le liquide chargé des produits de la di- gestion passe dans l'in- testin moyen. Là, les transformations chi- miques déjà en bonne voie s'achèvent, et là aussi, se produit sans doute l'absorption.
Dans l'expérience actuelle, l'intestin pos- térieur et ses annexes étaient complètement vides.
On voit en somme, qu'au bout de 48 heu- res, la digestion da Dytique n'est pas encore très avancée et qu'une grande partie des aliments ingérés est encore contenue dans le jabot.
Expérience 3. Une chenille de Bombyx neustrla est mangée par un Dytique mâle. Celui-ci est abandonné à lui-même pen- dant sept jours dans un vase dont l'eau est renouvelée toutes les vingt-quatre heures. Il est alors anesthésié et disséqué dans le liquide de Ringer.
Fig. 12.
— Appareil digestif de Di/dcus mnrginiilin 7 jours après un repas copieux. (Les premières portions : jabot, estomae sont vides, le cœcuni a pris la forme d'une grosse ampoule cylindrique). Lettres habi- tuelles.
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Vc.
On constate ici le phénomène inverse de celui que nous avons observé précédemment. Les premières portions du tube digestif (jabot, intestin moyen) sont complètement vides. Au contraire, le rectum et surtout le cœcum sont remplis de liquide. Ce der- nier organe a pris la forme d'une grosse ampoule cylindrique
(fig. 12). L' « appendice » est resté vide et rétracté, il ne paraît pas contenir de liquide.
La chenille dévorée contenait des feuilles ré- duites en fragments dans son tube digestif. Elles avaient été dévorées par le Dytique ; et, chose cu- rieuse, on retrouve une certaine quantité de ces débris végétaux dans le cœcum où ils nagent au miUeu du liquide qui remplit l'organe.
Le fait est d'autant plus surprenant que les parti- cules solides, comme nous le verrons dans un ins- tant, ne sembleraient pas de voir franchir le « gésier ». Expérience 4. Même expérience que la précédente. Le Dytique est sacrifié huit jours après son repas. Ici encore, les premières portions du tube digestif sont vides. Le jabot en particulier est rétracté, revenu sur lui-même. Le cœcum, au contraire, est distendu par un liquide clair, à tel point, qu'il a pris la forme d'un petit ballonnet sphérique (fig. 13). Comme dans l'expé- rience précédente, 1' « appendice » est resté vide, rétracté sur lui-même.
Fig. 13. — Appareil digestif de Di/ikus marginulls 8 jours après un repas copieux. (Les premières portio'if : jalxjt, estomac, intestin sont vides. Le ciecuni est extrêmement distendu par un liquide clair. Il a pris la forme d'un ball'innet, la partie distale est restée vide et simule un appendice).
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Le cœcum dilaté est anime de mouvement rythmiques énergiques auxquels prend part l'appendice.
Ici le cœcum ne contient aucune particule solide. Ce fait doit retenir notre attention. Il y a lieu de se demander ce que sont devenus les débris de chitine qui provenaient de la dépouille de la chenille ingérée. Il semble bien certain qu'ils ont dû résister à l'action des sucs digestifs. S'ils ont passé dans l'in- testin moyen, pourquoi ne les retrouve-t-on pas dans le rectum ou dans le cœcum?
J'ai institué quelques expériences, afin de résoudre cette question. — C'est en somme, le rôle physiologique du « gésier » qui se pose ; nous en avons dit déjà un mot en traitant de sa constitution anatomique, mais il nous faut y revenir ici et la traiter plus complètement.
Les opinions des auteurs sont très différentes touchant la fonction de cet organe.
Les anciens naturalistes comme Léon Dufour (1834), n'hésitent pas à conclure de la disposition anatomique de l'organe à sa fonction d'appareil de trituration. L'auteur revient sur cette opinion à propos de chaque Orthoptère dont il décrit le canal digestif. Il l'a résumée dans les phrases suivantes (p. 301).
« Le gésier est un organe d'une structure intérieure admi- (( rable. Sa composition, comme ses fonctions, en font une sorte '( d'appareil dentaire gastrique,' une machine à triturer, k « broyer, un véritable moulin. Les centaines de dents qui gar- « nissent ses parois internes, sont implantées sur une base K musculaire, et peuvent exécuter des mouvements très variés, <( quoique peu étendus. La pâte nutritive, déjà comminuée, « pétrie dans la bouche et le jabot, vient recevoir dans le gésier « un nouveau degré d'élaboration qui la convertit en une '( pulpe impalpable. Cette opération, presque toute mécanique <( et chimique, est puissamment favorisée par l'application '( immédiate, autour du gésier, des poches ou bourses ventri- ( culaires, qui y concentrent la chaleur vitale... »
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Milne-Edwards (1859, t. v, p. 593 et suiv.), ne paraît pas avoir une opinion bien nette sur le rôle du gésier ; il lui donne la qualification « d'estomac triturant », mais paraît lui accorder dans beaucoup de cas la valeur d'un appareil de filtration, ou d'un « appareil valvulaire disposé de façon à empêcher le « passage trop facile des aliments de l'une de ces portions du « tube digestif dans l'autre. »
Graber (1869) reprend la question et essaie, pour la première fois, de la résoudre par l'expérimentation. Il constate que les particules alimentaires végétales possèdent des dimensions plus faibles après leur passage dans le gésier. C'est pour lui la preuve que cet organe joue bien un rôle de trituration des aliments.
Plateau (1874) reprend l'étude du gésier, qu'il considère successivement chez les insectes carnivores, comme le Dytique, ou chez les herbivores (Acridiens). Il arrive à des conclusions diamétralement opposées à celles de Graber. Le gésier, pour lui, n'est nulle part un organe de trituration, c'est un appareil de filtration.
Expérience 5. Afin de me rendre compte du rôle du gésier chez le Dytique, j'ai procédé de la manière suivante.
Une larve de Gastropholus equi est vidée de son contenu. On injecte à la place des viscères une solution de gélatine tenant en suspension une poudre métallique d'aspect argenté et composée de particules de dimensions extrêmement faibles (1). On place la larve d'Oestre dans de l'eau froide, et on attend que la géla- tine ait fait prise. On donne la larve ainsi préparée à un Dytique à jeun depuis quelques jours. Il la dévore aussitôt.
On laisse l'insecte digérer son repas copieux et on le sacrifie seulement au bout de trois jours. On constate que le jabot con- tient des fragments chitineux, provenant de la cuticule de la larve d'Oestre ; on y trouve aussi de nombreux grains de ])oudre métallique. On constate au microscope que ces parti- cules sont libres, la gélatine qui les emprisonnait ayant été dissoute par les sucs digestifs.
(1) On tniiivo cc-i p)uilriM m'Iilliinio^i color.Vs do inaiiiùro trts diverses fiiez les battoirs d'or.
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On ouvre alors les portions du tube digestif situées en aval (Intestin moyen et postérieur) et on examine trè.s attentive- ment au microscope le liquide contenu dans ces organes. Il est impossible d'y découvrir la moindre particule métallique, non plus, bien entendu, qu'aucun fragment chitineux.
Répétée plusieurs fois et dans des conditions variées, cette expérience m'a toujours donné les mêmes résultats. Los poudres insolubles, de quelque nature qu'elles soient, introduites dans le jabot avec la nourriture ne semblent jamais pouvoir franchir le gésier. Celui-ci, comme le veut Plateau, semble donc bien être uniquement (tout au moins, chez les Dytiscides) un appa- reil de filtration.
Il y a cependant à faire une restriction. Nous avons vu, en effet (Exp. 3) que des débris végétaux avoient franchi cet organe et se retrouvaient dans le cœcum. D'autre part, Plateau (1874) a remarqué que des fragments de muscle cru pouvaient, chez le Carabus auratus, passer à travers le gésier et se retrouver dans l'intestin moyen. J'ai fait moi-même la même remarque chez le Dytique. Il semble donc que le gésier qui est essentielle- ment un appareil filtrant puisse exercer une sélection, sur les ali- ments et ne laisser pénétrer dans l'intestin moyen que ceux qui peuvent subir une action utile de la part des sucs diges- tifs.
Ainsi s'expliquerait la présence dans l'organe de ces nom- breux muscles qui no seraient pas destinés à une mastica- tion des aliments, comme on l'avait cru autrefois, mais bien à produire une disposition relative des pièces compliquées de cet appareil destinée à arrêter ou laisser passer tour à tour les particules alimentaires ou inertes contenues dans le jabot.
En somme, le gésier n'est pas seulement un filtre, c'est encore un appareil valvulaire. Et ce dernier est si parfait, qu'il peut à volonté constituer une fermetm'e absolument étanche.
Si, en effet, nous introduisons une fine canule par la bouche du Dytique jusque dans son œsophage, nous pouvons injecter
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un liquide coloré qui remplira le jabot, qui le distendra, au maximum, mais dont pas une goutte ne pourra franchir le gésier et gagner l'intestin moyen.
Sort des particules solides réfractaires a la digestion contenues dans le jabot.
Que deviennent les particules solides inattaquables par le suc digestif et que le gésier empêchera toujours de gagner l'in- testin moyen? C'est là une question qui paraît n'avoir été ni résolue, ni même posée par aucun des auteurs qui ont étudié la physiologie de la digestion chez les insectes.
Les quelques expériences qui suivent vont nous éclairer à cet égard.
Elles consistent essentiellement à offrir à un Dytique une proie constituée par un insecte, dont la cuticule présente des caractères assez tranchés pour qu'on puisse reconnaître au mi- croscope les particules de cette enveloppe chitineuse avec une entière certitude. On conçoit qu'on pourra alors suivre le sort de ces fragments.
Expérience 6. 23 mai, 9 heures matin. On donne à un Dyticus marginalis a' deux larves de Gastrophilus equi qui sont aussitôt dévorées. L'insecte ingère la plus grande partie des téguments de la proie.
Or les larves de Gastrophilus présentent sur leurs téguments très épais des épines chitineuses dirigées vers l'arrière ; chez les Gastrophilus equi, elles affectent une disposition très spéciale, une grande épine alternant, dans une même rangée transver- sale, avec une petite qui n'est pas située au même niveau qu'elle (fîg. 61).
Pendant les journées des 24, 25 et 26 mai, le Dytique fixé comme d'habitude par ses ventouses aux parois du vase reste immobile, comme absorbé par les phénomènes de digestion intense qui se passent dans son tube digestif.
Chaque jour, il expulse une petite quantité de liquide blan-
INSECTES AQUATIQUES 101
châtre contenant des fragments de chitine extrêmement ténus non reconnaissables au microscope.
Le 27, au matin, le Dytique baigne dans une eau trouble qui contient de nombreux fragments de chitine. Ceux-ci sont lavés, montés dans la gélatine glycérinée et examinés au microscope. On reconnaît avec une entière certitude des débris de la cuti- cule de Gastrophilus equi. Ce sont notamment les doubles dents d'inégale longueur de la cuticule et aussi des morceaux de la grande plaque stigmatic^ue qui a une structure si caracté- ristique. Ces fragments chitineux complètement nettoyés de leurs parties molles ont une dimension relativement consi- dérable. Certains mesurent 2 mm. 5 sur 1 mm. 5 et mémo au delà. Il semble donc tout à fait improbable qu'ils aient traversé le filtre si parfait du gésier, qui, comme nous l'avons vu, arrête les particules les plus ténues.
Expérience 1. Le même Dytique reçoit une larve d'Oestre injectée à la gélatine à laquelle on a incorporé une poudre métallique violette formée de particules très ténues.
Cette fois, on sacrifie l'insecte au moment où il commence à .expulser les résidus insolubles de son repas. On constate que le jabot renferme des fragments chitineux très nombreux et de dimensions très variables ; ils sont mélangés à la poudre violette qui a été incorporée à la gélatine et le tout est noyé dans le liquide noir verdàtre.
Les portions du tube digestif qui sont en aval du jabot (Intes- tin moyen, intestin postérieur et annexes) ne contiennent aucune particule de poudre métallique, ni aucun débris chitineux.
Les expériences précédentes répétées plusieurs fois donnent toujours exactement le même résultat. Il semble bien qu'on soit en droit d'en tirer la conclusion que les particules chitineuses renfermées dans le jabot ne franchissent jamais le gésier. Il faudrait admettre, en effet, qu'elles parcourent le reste du tube digestif avec une extrême rapidité, puisqu'une observation répétée ne parvient pas à les saisir au delà de l'intestin anté- rieur. Ces particules, alors qu'elles sont complètement débarras-
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sées des tissus mous par le suc digestif, sont donc re jetées par la bouche dans le milieu extérieur. Il est vrai que, malgré des observations suivies, je n'ai pu assister à cette régurgita- tion, mais elle a été observée dans des cas analogues.
Une larve de Diptère d'une admirable transparence, qui est commune au printemps, dans les eaux stagnantes, la larve de Cœethra plumicor7iis se nourrit comme les Dytiscides d'ani- maux à squelette chitineux ; elle possède aussi un tube digestif » parfaitement visible à travers les téguments et dans lequel l'in- testin antérieur est séparé de l'intestin moyen par une couronne de poils chitineux rigides, dirigés en avant. Comme l'appareil filtrant du gésier, ces poils empêchent les particules solides de pénétrer dans l'intestin moyen.
Lorsque « l'épuisement » des aliments par le liquide digestif, dans l'intestin antérieur est terminé, on voit cet organe se retourner brusquement, se dévaginer au-dehors en projetant dans le milieu extérieur les débris chitineux inutilisables. Il est probable (je dirai même certain), qu'un fait analogue se passe chez notre Dytique, mais dans ce dernier cas, il est beau- coup plus difficile d'assister à l'acte d'expulsion, en raison de la forme de l'animal, de la situation déjà décrite, qu'il conserve dans le milieu liquide, et surtout de l'opacité des téguments.
Ce rejet des reliefs inutilisables du repas n'existe pas d'ail- leurs que chez les insectes. On l'observe également chez les Sélaciens. On sait que chez les Requins, par exemple, le tube digestif est constitué par un large œsophage très dilatable, auquel fait suite un estomac. Ce dernier est séparé do l'intestin par un conduit dont la lumière est extrêmement réduite et dont les parois sont fort épaisses. Il sépare l'estomac de l'in- testin et s'oppose à la traversée des matières solides presque aussi efficacement que le « gésier » de nos insectes. Il a reçu le nom de détroit pylorique. Or les Squales ingèrent fréquemment des proies contenant de la chitine (carapaces de Crustacés). Ainsi qu'il était à prévoir, et comme l'a constaté expérimentale- ment YuNG le suc gastrique, même acidifié à 20 pour 1000
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par l'acide chlorydrique est sans aucune action sur cette chi- tine. D'autre part, celle-ci ne franchit que très exceptionnelle- ment le détroit pylorique. Yung émet donc l'hypothèse qu'il considère comme extrêmement probable, que le Requin rejette par l'œsophage et la bouche les débris chitineux nettoyés des parties molles par le suc gastrique si puissamment actif chez ces animaux. Il a constaté, dans les bacs où vivaient ces pois- sons, au laboratoire maritime de Roscofï, la présence de pelottes constituées par la chitine des Crabes dont les Squales s'étaient nourris ; il pense que ces pelotons provenaient de la régurgita- tion de ces poissons cartilagineux. Yung n'a pas assisté au rejet de ces débris. Plus heureux que lui, et sans étudier spéciale- ment ces poissons, il m'a été donné deux fois de constater de visu ce rejet de débris alimentaires insolubles par les poissons, une fois chez un Squale et une autrefois chez l'Anguille d'eau douce. Il n'y a donc pas à conserver le moindre doute sur l'exis- tence de ce phénomène.
On voit d'ailleurs qu'un rapprochement assez étroit bien qu'inattendu s'impose entre le mode de digestion des Dytiscides et ceux des Squales. Tous deux sont des animaux carnassiers qui vivent surtout aux dépens de proies à enveloppes chiti- neuses (Insectes ou Crustacés) ; tous deux déchirent leur proie en fragments relativement grossiers par rapport à leur taille. Chez tous deux, les aliments sont soumis à l'action d'un suc très actif et qui dissout, puis peptonise les parties molles. Dans les deux cas, les débris insolubles ne peuvent poursuivre leur chemin vers les segments postérieurs du tube digestif (gésier, détroit pylorique) ; enfin dans les deux cas, les reliefs inutilisables sont re jetés au dehors par la bouche.
Fonctions de l'Intestin moyen ET de l'Intestin postérieur.
Les expériences précédentes nous ont surtout éclairé sur le rôle des voies digestives antérieures.
lCi4 P. PORTIER
L'intestin moyen (ventricule chylifîque) avec ses nombreux cœcums glandulaires est certainement l'organe de sécrétion du liquide digestif qui est injecté dans le jabot.
Ce même organe est aussi très probablement le siège d'une absorption très active ; au moment de la digestion, on trouve, en effet, la lumière de l'organe, et celles des nombreuses villosités qui le recouvrent remplies d'une bouillie blanche, riche en globules graisseux. Des tissus fixés au Liquide de Flemming m'ont prouvé que les cellules épithéliales de la région se chargeaient de gouttelettes graisseuses colorées en noir par l'acide osmique du fixateur. Il n'y a donc pas de doute que l'absorption de la graisse se produit au niveau de l'intestin moyen.
J'ai cherché aussi à prouver que l'absorption des produits de digestion dos matières albuminoïdes se produisait dans cette région et, notamment, par les longues villosités tournées vers le sang de l'animal. On sait depuis les recherches de Plateau (et nous verrons bientôt que j'arrive aux mêmes conclusions), que le suc digestif des Dytiscides, comme celui des autres insectes, possède un ferment digestif identique ou très voisin de la trypsine des animaux supérieurs. Les albuminoïdes sont transformés en une série de produits parmi lesquels les acides aminés, la tyrosine, notamment. J'ai cherché à mettre en évidence un produit qui est constant et caractéristique de cette digestion tryptique, c'est le tryptophane.
On sait que, sous l'influence de l'eau bromée, ce tryptophane donne un produit de couleur brun-violet. En plongeant des tubes digestifs de Dyptiques en pleine digestion dans de l'eau bromée ou mieux en introduisant cette eau bromée dans la cavité générale d'un Dytique, disséqué quelques heures après un repas copieux, j'espérais voir la teinte violette se manifester autour des villosités do l'intestin moyen, mais sous ce rapport, mon espoir a été déçu.
Cette recherche négative n'implique d'ailleurs nullement que l'absorption n'ait pas lieu à ce niveau, mais ici, comme il
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arrive souvent à propos des insectes, la technique se heurte à des difficultés momentanément insurmontables, par suite de l'exiguïté de la taille des animaux sur lesquels on opère.
Quant aux fonctions de Vlntestin postérieur proprement dit, elles me paraissent ici, comme chez tous les insectes, bien énigmatiques. Les auteurs qui se sont occupés de la question l'ont toujours traitée bien superficiellement. Chez le Dytique en pleine digestion, l'intestin contient dans sa lumière une masse visqueuse, dont il n'est possible .de se procurer que des quantités extrêmement faibles.
Plateau (1874) pense que l'absorption commencée dans l'intestin moyen, s'achève dans l'intestin terminal. C'est possible et même probable, car il est impossible d'admettre qu'un organe d'une longueur relative aussi considérable, soit sans rôle phy- siologique.
Nous avons vu que cette partie du tube digestif était chez les Dytiscides totalement dépourvue de glandes, même unicellu- laires ; d'autre part, les cellules épithéliales sont recouvertes du côté de la lumière, par une couche de chitine très épaisse. Comment se fait l'absorption à travers cette couche chitineuse ? Sur quelles substances porte-t-elle ? Autant de questions qu'il me paraît impossible de résoudre expérimentalement par les moyens dont nous disposons actuellement.
Quant aux fonctions de Vampoule rectale, du cœcum, elles résultent clairement des expériences que j'ai déjà citées et d'autres analogues. On peut les résumer ainsi :
Chez le Dytique à jeun, depuis longtemps, et surtout chez le Dytique qui a mangé depuis peu de temps, le cœcum est vide, rétracté sur lui-même. Au contraire, à mesure que la digestion s'avance, on constate qu'il se remplit d'une quantité de liquide de plus en plus considérable et qu'à la fin de la digestion, il a pris la forme d'un ballonnet absolument rempli d'un liquide limpide. Dans cet état, il est animé de mouvements péristal- tiques énergiques dues aux fibres musculaires striées que nous avons vu exister sur sa face externe.
Ui() p. PORTIER
Au point de vue de l'état de vacuité ou de plénitude, on peut donc dire que, d'une manière générale, il y a une opposition complète entre le jabot et l'ampoule rectale. Cette dernière se remplit quand celui-là se vide.
La quantité de liquide qu'on parvient à recueillir en sacri- fiant même un assez grand nombre de Dytiques à la fin de la digestion, est si faible, qu'il est malheureusement impossible de procéder à une analyse chimique ayant quelque valeur. On peut seulement constater que ce hquide possède une faible réaction alcaline, et qu'il émet une odeur repoussante. Des matières fécales refluent, en effet, du rectum dans ce diverticule et se mélangent au liquide, ainsi que nous l'avons vu déjà chez la larve.
Plateau (1874) pense que le liquide doit être considéré comme l'urine de l'insecte. Il est difficile de se prononcer à cet égard, pour la raison que je viens de donner, mais la réac- tion alcaline constatée chez un animal essentiellement Car- nivore ne paraît guère favorable à cette hypothèse.
Pour certains auteurs, Léon Dufour (1824), Bordas (1906), l'ampoule rectale aurait une fonction hydrostatique ; ce serait une véritable vessie natatoire capable de se gonfler d'air plus ou moins, et d'entraîner le Dytique à la surface de l'eau.
Il est absolument impossible d'admettre cette manière de voir pour les raisons suivantes :
P Presque jamais l'ampoule rectale ne renferme de gaz, ce qu'il est très facile de vérifier quand on pratique la dissection de l'animal sous l'eau. Il m'est arrivé au cours de mes très nom- breux examens de constater dans quelques cas tout à fait excep- tionnels la présence d'une ou deux très petites bulles de gaz chez des animaux à jeun depuis longtemps ; chez l'animal alourdi par un repas copieux et qui, par conséquent, aurait surtout besoin d'un « flotteur », on ne trouve jamais trace de gaz.
A elle seule, cette première raison serait suffisante, mais il y en a une autre.
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20 Certains insectes qui vivent constamment sur le fond, (£ui, par conséquent, ne flottent jamais comme les Hémiptères des genres Ranatra et Nepa possèdent une ampoule rectale très développée. Il est évident que, dans ce cas, il ne peut venir à l'esprit que cet appareil ait un rôle hydrostatique.
Quel est donc la fonction de cet organe? La même évidem- ment que celui de la larve. Le liquide contenu dans l'am- poule est projeté violemment au-de- hors par la contrac- tion des fibres mus- culaires qui l'en- tourent. Le courant de liquide en tra- versant le rectum balaye les matières fécales qu'il con- tient et les entraîne loin de l'orifice voi- sin qui donne accès dans 1 ' espace qui règne sous les ély- tres et dans lequel s'ouvi'ent les stig- mates de l'animal.
Comme sa larve, le Dytique s'infecte facilement par ses stigmates, et, dans les jours qui suivent, un repas copieux et riche en graisse si on le conserve dans un récipient de faible capacité dont on no renouvelle pas l'eau fréquemment. Ici encore, ces accidents septiques sont supprimés dès qu'on ajoute à l'eau un antisep- tique, et en particulier, de l'eau oxygénée.
Accessoirement, le cœcum est utilisé par le Dytique comme appareil de défense. Il n'est pas rare, en effet, lorsqu'on saisit un de ces animaux, de voir un petit jet de liquide sortir de l'anus,
Fig. 14.
Illybius. Tube digestif destiiié à montrer la loriuo de l'ampoule rectale (Lettres habituelles).
1(58 P. PORTIER
et on peut s'assurer que ce liquide a une odeur très désagréable.
Chez le Dyticus marginalis, le cœcum forme, comme son nom l'indique, im diverticule très nettement distinct du reste de l'intestin postérieur.
Il n'en est pas toujours ainsi, et chez d'autres Dytiscides, chez les Illyhius, par exemple, l'intestin postérieur présente une dilatation dont le grand axe ne coïncide pas avec celui du rectum, mais s'en rapproche beaucoup, l'appendice fait complètement défaut (fig. 14). C'est encore un diverticule, mais beaucoup moins excentrique que chez les Dyticus. En faisant encore un pas dans cette direction, nous trouverons l'ampoule rectale des larves d'Hydrophylides, qui n'est qu'une simple dilatation du rectum comparable au jabot.
Chez les Hémiptères aquatiques, nous pourrions trouver d'autres variantes de l'ampoule rectale. Ainsi chez Nepa cinerea, nous avons un véritable cœcum tout à fait excentrique comme chez les Dytiscides ; chez le Naucoris cimico'ides, l'am- poule rectale est double, elle est composée de deux parties qui sont symétriques par rapport au rectum, l'organe total a la forme d'un cœur de carte à jouer.
Une description plus complète des variations de cet organe trouvera sa place dans un autre travail. Qu'il me suffise de dire ici que toutes ces variations de forme sont contingentes ; la structure histologique et le rôle physiologique de l'organe res- teront toujours les mêmes, quelle que soit sa forme.
Étude des phénomènes chimiques de la digestion des Dytiscides. (Larves et Imagines.)
Mes expériences sur ce sujet sont peu nombreuses et incom- plètes. Je m'étais réservé de procéder à ces recherches pendant l'été de 1910. La mauvaise saison m'a absolument empêché de mettre mon projet à exécution ; quelque effort que je fisse, il m'a été tout à fait impossible de me procurer un nombre suffi- sant de Dytiques et surtout de larves pour recueillir la quantité
INSECTES AQUATIQUES 169
de liquide digestif indispensable pour procéder à des recherches complètes.
Voici seulement les résultats que je puis annoncer actuelle- ment :
P Le suc digestif de l'insecte parfait et celui de sa larve paraissent identiques ;
2^ Ainsi que l'avait constaté Plateau (1874), la réaction de ce liquide est sensiblement neutre ;
30 Les meilleures méthodes pour recueillir le liquide digestif paraissent être les suivantes :
a. Chez la larve, on présente à l'insecte à jeun un petit sac de caoutchouc mince contenant la substance sur laquelle on veut étudier l'action du suc digestif (fibrine, empois d'amidon, etc.). On laisse la larve injecter le liquide noir, puis on éloigne aussitôt le sac. En réunissant le contenu d'un grand nombre de ces petites enveloppes, on peut faire une analyse chimique des phénomènes qui se passent sous l'influence du ferment.
b. Chez l'insecte parfait, on offre au Dytique, une proie chi- tineuse, de faible volume. Dès qu'il l'a dévorée, on le sacrifie et on isole son jabot dont on vide le contenu dans un petit tube de verre. Cette opération répétée, sur un grand nombre d'individus, fournit une quantité de liquide qui permet de pro- céder à quelques expériences.
Résultats.
Du suc de larve, recueilli comme il vient d'être dit, est étu- diée au point de vue de son action sur la fibrine crue portée au préalable à la température de 5%^ pour détruire les ferments solubles qu'elle contient.
La fibrine imprégnée de suc de larve est maintenue à la tem- pérature de 30°. Une autre partie de la même fibrine imprégnée de la même manière est ensuite portée à l'ébuUition, elle cons- titue le témoin (1).
Au bout de quelques jours, la fibrine non bouillie se désagrège
(1) Toute intervention des microorganisuies était éliminée par lo fluorure de sodium à 1 pour cent.
AP.cn. PE ZOOt. KXP. ET GfiV. — 5« SÉRIR. — T. VIII. — (II). ] 2
170 P. PORTIER
en petits fragments, puis se liquéfie et disparaît presque entière- ment.
En même temps, le liquide du flacon se colore en gris, puis en noir. L'explication de ce phénomène est évidente. Sous l'in- fluence de l'hydrolyse en milieu neutre, il se forme de petites quantités de tyrosine ; celle-ci est oxydée par un ferment soluble oxydant, découvert par G. Bertrand (1896), chez les champignons et très répandu également chez les insectes, ainsi qu'il résulte des recherches de Gessard (1904).
La tyrosine est oxydée sous forme d'une substance noire, récemment étudiée par G. Bertrand.
Le flacon témoin conserve sa fibrine intacte et son liquide incolore.
Cette expérience répétée deux fois a donné les mêmes résultats. Il semble donc bien qu'on soit en droit de conclure que le liquide digestif du Dyticus marginalis et de sa larve contient un fer- ment soluble agissant sur les matières albuminoïdes en milieu neutre pour l'amener à l'état de tyrosine.
La présence d'une trypsine est d'ailleurs généralement admise chez tous les insectes.
Résumé des phénomènes digestifs des Dytiscides. Comparaison de l'insecte parfait et de la larve.
De l'étude à laquelle nous venons de nous livrer, il résulte que les phénomènes digestifs présentent chez le, Dytique et chez sa larve un remarquable parallélisme. Ils ne diffèrent que par un point essentiel, la présence chez la larve seule d'une sécrétion toxique destinée à immobiliser la proie, et absente ^chez l'in- secte parfait.
L'intestin moyen et l'intestin postérieur sont chez les deux types presque identiques comme disposition anatomique, structure histologique et phénomènes physiologiques. Les villo- sités glandulaires de l'intestin moyen sont seulement plus déve- loppées chez V imago. Ici, en effet, les proies ingérées sont plus
INSECTES AQUATIQUES
171
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volumineuses que chez la larve ; elles exigent sans doute une quantité de liquide digestif plus considérable.
La comparaison des intestins antérieurs des deux types présente plus d'intérêt, car elle met bien en relief deux modes différents d'adapta- tion de la préhen- Qe sion de la nourri- ture dans le milieu aquatique.
Chez la larve, le liquide digestif sé- crété par l'intestin moyen est injecté dans la proie qui a été ponctionnée par les crochets. Celle- ci, presque toujours isolée du miUeu ex- térieur par une en- veloppe de chitine fait l'office de vase d'épuisement ; elle se remplit et se vide alternativement de liquide digestif, qui finit par entraîner dans l'intestin moyen toutes les parties digestibles
qui ont été solubiHsées ; là s'achève la transformation chi- mique des aliments et là aussi, sans doute, la plus grande partie de l'absorption.
Chez Viinago, la proie est déchirée par l'appareil masticateur en fragments assez volumineux qui sont introduits dans le jabot. C'est cet organe, absent chez la larve, qui joue ici, le
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Fig. 15. — Comparaison des tubes digestifs de la larve et de Vinuujo de Dytieus marginalU. Les parties ayant niêiue rôle physiologique sont traitées de la même manière au point de vue du dessiu. Lettres habituelles.
172 P. PORTIER
même rôle que l'enveloppe chitineuse de la proie. C'est à son intérieur que va se produire Vépuisetnent des tissus.
Ici encore, un appareil de filtration, le gésier, jouant le même rôle que le canal capillaire des crochets ne laisse pénétrer dans l'intestin moyen que le liquide chargé des produits solubles de la digestion.
Les deux figures ci-contre permettent de se rendre compte de la correspondance physiologique des différentes parties du tube digestif de la larve et de Vimago du Dytique.
CHAPITRE III
DIGESTION DES HYDROPHILIENS.
(Larves et insectes parfaits.)
On sait qu'à côté des Dytiques, il existe en abondance dans les eaux des coléoptères moins bien adaptés au milieu aqua- tique ; les Hydrophiliens.
Tous les entomologistes classificateurs s'accordent pour sé- parer complètement les Hydrophiles des Dytiques et Bedel (1881, p. 289) a tendance à les rapprocher des Scarabées.
Les Hydrophiles à l'état parfait sont des insectes de livrée sombre présentant des palpes maxillaires extrêmement déve- loppés, très mobiles de sorte qu'à un examen superficiel, on pourrait les prendre pour des antennes. Ce trait carac- téristique leur a fait donner par Latreille le nom de Palpi- cornes.
La forme du coi'ps et les membres sont adaptés à la progres- sion dans l'eau, mais celle-ci se fait avec beaucoup moins de rapidité et d'aisance que chez les Dj^iques. Le grand Hydro- phile et VHydrocharis (Hydrous) caràboïdes que nous aurons surtout en vue dans cette étude marchent dans l'eau plutôt qu'ils ne nagent. Ils se tiennent surtout sur le bord de l'eau au
INSECTES AQUATIQUES
173
milieu des herbes et s'envolent fréquemment le soir loin des étangs.
Il nous a semblé intéressant de comparer les phénomènes digestifs des Hydrophiliens à ceux des i
Dytiques. Nous allons le faire rapidement. i '
I. — Digestion des larves des Hydrophiliens.
P Anatomie de l'appareil digestif.
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Nous allons décrire l'appareil digestif des deux larves : celle du grand Hydro- phile {Hydrophihis piceus Lin) et celle de VHydrocharis {Hydrous) caraboïdes Lin. C'est surtout cette dernière larve que j'ai pu me procurer en abondance et c'est sur elle qu'ont été faites la plupart des observations.
Ces larves qui sont très carnassières pos- sèdent, très développée, l'armature buccale des insectes broyeurs. Les mandibules, en particulier, sont très puissantes, gar- nies de tubercules à leur partie interne. La lèvre inférieure très mobile a sa partie médiane très développée. Les palpes ma- xillaires sont aussi très mobiles et très longs. Nous verrons dans un instant l'in- térêt de ces dispositions anatomiques
(%• 16).
A la bouche fait suite un œsophage assez court, puis vient Vintestin moyen, tube cylindrique dans lequel on peut reconnaître deux portions distinctes : l'une antérieure, plus large, l'autre postérieure, plus étroite. Enfin vient Vintestin postérieur relativement très court et dont la forme et l'apparence varient considérablement
Fig. 16. — Larve A'Hydro- chnris caraboïdes Lin. Les tôgumepts dorsaux sont fendus ce qui permet d'apercevoir une partie du tube digestif. De : Rn de l'œsophage : V. c. : ventricule chyli- flque ; / .' intestin disten- du par un liquide limpide.
174 P. PORTIER
suivant le stade de la digestion auquel se trouve la larve (fig. 17). La caractéristique de ce tube digestif est de ne posséder
aucun appendice qui rappelle le cœcum des larves de Dytiscides, Nous verrons qu'au point de vue physiologique, il n'y a pas cepen- dant de différence essentielle entre les deux groupes.
20 Histologie
DE l'appareil digestif.
La structure histologique des
--Vc différentes portions présente une
extrême ressemblance avec celle
des parties correspondantes des
larves de Dytiques.
'L'œsophage diffère cependant de celui de la larve de Dytique en ce qu'il est limité à sa partie interne par un revêtement de chi- tine lisse ; aucune glande n'existe à ce niveau ; aussi, comme nous le verrons, la larve ne possède pas de sécrétion toxique capable d'immobiliser ses proies. JJintestin moyen ou ventricule chylifique possède une struc- ture analogue à celle de la larve des Dytiscides. On y retrouve en particulier les cœcums glandulaires. Ils sont très peu appa- rents chez l'animal à jeun; ils le deviennent beaucoup plus chez l'animal en pleine digestion et surtout chez celui qui est traité par des réactifs fixateurs.
Ces cœcums glandulaires ont leur axe incurvé, leur extré- mité est même souvent enroulée de sorte qu'ils présentent sur une coupe la forme d'une crosse (pi. III, fig. 17, gl.). Les cellules qui garnissent l'extrémité du tube glandulaire sont pe-
Fig. 17. — Tube digestif A'Hydrocharis carahoides (larve). De : œsophage ; F. c. : ventricule chy- lifique montrant les glandes Incluses dans les parois sous forme de gra- nules ; / ; intestin vide et rétracté.
INSECTES AQUATIQUES 175
tites, pressées les unes contre les autres et souvent à l'état de division caryokinétique, c'est le lieu de rénovation, de néofor- mation de l'épithélium de cette portion du tube digestif.
L'intestin postérieur présente sa structure habituelle. On y trouve notamment l'épais revêtement chitineux qui garnit sa surface interne.
Physiologie de la digestion.
Je l'ai surtout étudiée avec la larve do VHydrocharis {Hy- drous) caraboïdes. Lin. ; je n'ai pu me procurer que quelques larves du grand Hydrophile ; mais les phénomènes sont à peu près identiques chez les deux espèces.
Donnons à une larve d'Hydrocharis une larve de Chironomus ; celle-ci est aussitôt saisie entre les puissantes mandibules. La larve dCHydrocharis, dès qu'elle est en possession de sa proie, se dirige vers une plante aquatique ou contre la paroi du vase qui la renferme, si aucun objet ne flotte à la surface de l'eau. Au moyen de ses pattes antérieures, elle s'accroche à une aspé- rité quelconque située au-dessus de la surface, puis elle renverse sa tête en arrière sur son dos. On comprend que, dans cette situation, sa tête émerge complètement. C'est en effet, le résul- tat auquel la larve semble tendre. Si elle est maintenue dans une couche d'eau profonde et dans un vase à parois lisses et verticales, il semble qu'il lui soit à peu près impossible de prendre sa nourriture.
La proie ayant été ainsi élevée au-dessus de la surface, on voit l'appareil masticateur entrer en jeu, la chitine est perforée par les tubercules chitineux qui garnissent les mandibules et le sang rouge de la larve de Chironomus se met à couler.
A ce moment, un flot de liquide noir envahit les organes buc- caux ; c'est le liquide digestif qui a été injecté à travers l'œso- phage par l'intestin moyen. Ce liquide noir adhère par capilla- rité à la proie ; il est contenu dans une espèce de corbeille for- mée par les différentes pièces de l'armature buccale si déve-
176 P. PORTIER
loppée chez ces larves. La proie est ainsi complètement baignée dans la liqueur digestive. Après quelques instants de contact, le liquide chargé maintenant des produits de la digestion est réabsorbé ; il passe par l'œsophage, puis dans l'intestin moyen dont il gagne immédiatement la partie postérieure, ainsi qu'on peut s'en assurer sur les jeunes larves, ou sur celles qui viennent de changer de peau, toutes deux possédant des téguments d'une transparence parfaite.
Les phénomènes précédemment décrits recommencent alors dans le même ordre. Une nouvelle portion des tissus de la proie est exprimée par le jeu de l'appareil masticateur et sort de l'enveloppe chitineuse ; elle est inondée de liquide digestif, brassée pendant quelques instants avec celui-ci, puis cette bouilHe liquide est introduite dans le tube digestif par la bouche.
On voit ainsi, la larve de Chironomus se vider peu à peu de son contenu qui passe tout entier dans le tube digestif de la larve de l'Hydrophilide. A la fin, la peau de la proie, absolu- ment transparente, mais complète, est rejetée. Son examen au microscope montre qu'il y a identité parfaite entre cette dépouille et celle qui résulterait de la digestion d'une larve de Dytiscide. Le résultat est le même, mais le mécanisme de l'opé- ration diffère sensiblement.
Les mandibules ne sont pas percées d'un canal, et l'épuise- ment des tissus, leur digestion extérieure, 'préliminaire se fait dans la corbeille prébuccale.
Il est remarquable que la proie reste longtemps vivante entre les mandibules de la larve d'Hydrophilide ; ici, aucun venin ne vient agir sur elle, comme chez les larves des Dytis- cides.
La dissection des larves prises aux différents stades de la digestion, ou mieux l'étude par transparence des larves ayant subi une mue récente permet d'établir les faits suivants :
Si le repas de la larve n'a pas été trop copieux, les aliments sont contenus entièrement dans la dernière portion de l'intestin
INSECTES AQUATIQUES 177
moyen ; là s'achève la digestion chimique et là aussi se produit sans doute une absorption intense. J'ai pu le vérifier pour les substances grasses qui envahissent les cellules épithéliales de la région sous forme de sphérules colorables par l'acide osmique.
La partie antérieure de l'intestin moyen ne reste pas vide pendant longtemps ; on la voit se remplir rapidement de liquide noir sécrété par les glandes de la région. C'est un liquide (Vattente qui sera injecté dans la « corbeille buccale » dès qu'une nouvelle proie sera saisie.
L'intestin postérieur présente, nous l'avons vu, une dilata- tion à sa partie postérieure. Celle-ci s'efface chez la larve à jeun ou chez celle qui a mangé depuis peu de temps ; elle se rem- plit, au contraire, peu à peu d'un liquide transparent, à mesure que la digestion se poursuit, et quand celle-ci est achevée, l'am- poule rectale a pris la forme d'un ballonnet dont les parois dis- tendues sont devenues absolument transparentes.
Le rôle de cette ampoule rectale paraît bien être le même que celui des larves de Dytiscides. Si on saisit une larve du grand Hydrophile deux jours après un repas copieux, on voit souvent un jet puissant sortir par l'anus ; en même temps, les résidus de la digestion contenus dans l'ampoule rectale sont entraînés au loin. Ici encore, nous observons un mécanisme qui préserve de toute contamination l'entrée des stigmates très voisine de l'anus.
Accessoirement, l'ampoule rectale joue le rôle d'organe de défense et permet à la larve d'éloigner ses ennemis.
Eîi résumé, nous voyons que la digestion de la larve des Hydrophilides ressemble beaucoup à celle de la larve des Dytiscides, bien que l'anatomie de l'appareil digestif diffère notablement d'un groupe à l'autre.
La seule différence essentielle consiste en ceci : Chez les Dytis- cides, la proie ponctionnée est épuisée par l'intérieur en res- tant submergée. Chez les Hydrophilides, la proie est mangée hors de Veau ; ses tissus sont exprimés hors de l'enveloppe chi- tineuse par le jeu des mandibules et des mâchoires et un début de digestion se produit dans une sorte de corbeille, formée par
178 P. PORTIER
les appendices buccaux et l'appareil masticateur très développés . Le liquide digestif est maintenu par capillarité dans ce vase largement ouvert.
On voit en somme, que V adaptation au milieu aquatique est supérieure chez la larve des Dytiscides qui mangent dans Vea^i, et cependant à Vàbri de celle-ci. Les larves d'Hydropliilides au contraire doivent par une manœuvre incommode sortir la proie de l'eau et la maintenir dans cette situation pendant toute la durée de la préhension de l'aliment.
IL — Digestion des Hydrophilides (Imagines.)
Contrairement à sa larve, le grand Hydrophile peut être capturé en nombre suffisant ; c'est sur lui surtout qu'ont porté mes observations. J'ai aussi utilisé accessoirement son dimi- nutif V HydrocJiaris (Hydrous) carahoïdes.
Anatomie de l'appareil digestif.
Je serai très bref sur ce sujet très étudié, notamment par Burmeister (1832), pi. IX, fig. 1, 2 et 3), Vangel (1886, p. 190), Plateau (1874, p. 49).
La bouche possède l'armature typique des insectes broyeurs (fig. 18). Elle est continuée par un œsophage court qui présente à son intérieur des plis longitudinaux, ce qui lui permet de se laisser dilater par les aUments (fig. 19).
Nous ne trouvons ni jabot, ni gésier ; tout au plus trouve-t-on à la limite de l'œsophage et de l'intestin moyen une sorte de faible repli, très peu marqué, et qui ne semble jouer aucun rôle de démarcation physiologique entre les deux organes (fig. 20). D'ailleurs, comme nous allons le voir, les aliments végétaux réduits en fragments grossiers passent sans difficulté de l'œsopage dans l'intestin moyen.
Je ne puis donc m'expliquer comment Bordas (1904) peut décrire le gésier comme « représenté par une masse cylindrique « ou légèrement ovoïde, dont la cavité interne est limitée
INSECTES AQUATIQUES
170
« par une lamelle chitineuse, d'épaisseur variable, présentant
« quatre bandelettes plissées, dans l'intervalle desquelles se
« trouvent d'autres bandelettes longitudinales... L'extrémité
« postérieure de cette armature du gésier... proéraine légère-
Fig. 18. — Hijdrophilus piceus {iniajo). Pièœs de l'armature buccale isjU'es. Mx : maxillaires ; L : lèvre iuférieure ; M : mâchoires.
« ment dans l'intestin moyen, et s'y termine par quatre dents « triangulaires, etc. »
J'ai cherché en vain cet organe par de nombreuses dissections. D'ailleurs, tous les autres auteurs qui se sont occupés de la question nient son existence.
Plateau (1874, p. 50) décrivant le tube digestif de l'Hydro- phile s'exprime ainsi au sujet de l'intestin antérieur : « Cet « œsophage est large et très dilatable ; il se rétrécit graduelle-
180
P. PORTIER
« ment en approchant de l'intestin moyen auquel il passe par « une transition insensible. Il n'y a ni jabot, ni gésier. » Les parties suivantes du tube 'digestif sont constituées par
Fig. 19. — Hydrophilus piceus {imago). Le tube digestif a été déroulé. Il est légèrement_schématisé.
un très long tube pelotonné sur lui-même et qui remplit la cavité de l'abdomen. Un examen attentif permet de distinguer deux sections bien différentes dans ce tube qui possède sur toute sa longue ar à peu près le même calibre. La première portion couverte de granulations qui de- viennent très apparentes par l'emploi de réactifs fixateurs est Vintestin moyen ou ventricule chylifique.
La deuxième portion est Vintestin postérieur dont la der- nière partie élargie constitue le rectum.
Fig. 20. — Hydrophilus piceus L. {imago). Région an- térieure du tube digestif. L'œsophage et le coii.- menoement de l'intestin moyen ont été fendus lon- gitudinalement et étali-!'. L : lèvre inférieure ; Oe : œsophage ; V. c. : intestin moyen (première partie) ; « .■ repli séparant l'œso- phage de l'intestin moyen.
Histologie de l'appareil digestif.
Elle a été très soigneusement faite par plusieurs auteurs, no- tamment parVANGEL (1886).BizzozERO (1893),Rengel (1898).
INSECTES AQUATIQUES 181
I
li^ Nous ne diron? rien des segments antérieur et postérieur du tube digestif qui présentent la structure habituelle, et, en par- ticulier, le revêtement chitineux interne. L'intestin moyen doit au contraire nous arrêter, car il présente un phénomène très particulier, bien étudié histologiquement par les auteurs précédents, par Rengel en particulier, qui en a donné des figures très démonstratives.
Cet intestin moyen a la structure générale que nous lui avons vue chez les types précédemment étudiés. Les couches muscu- laires sont doublées à leur intérieur par un épithélium cylin- drique qui limite la cavité du tube digestif. Çà et là, viennent déboucher des diverticules, ceux précisément qui apparaissent à la surface de l'organe sous forme de granulations.
Tel est l'aspect chez l'animal à jeun, ou au début de la diges- tion. On voit qu'il rappelle très exactement ce que nous avons vu chez les types précédemment étudiés et en particulier chez la larve de l'Hydrophile.
Mais à mesure que la digestion se poursuit, nous voyons se produire un phénomène très singulier. Il se fait une sorte de délamination de la base de l'épithélium intestinal ; le manchon de cellules qui entoure les matières nutritives devient ainsi libre dans la lumière de l'intestin. On a donc à l'intérieur de cet appareil un cylindre formé au centre par les matières nutri- tives, et à la périphérie par l'épithélium intestinal qui s'est séparé des couches sous-jacentes.
A un stade ultérieur de la digestion, on assiste à une réno- vation de l'épithélium éliminé. Les nouvelles cellules prennent naissance au fond des diverticules ; par glissement, elles gagnent toute la surface de l'intestin, sur laquelle elles s'ordonnent en une couche palissadique unique.
A ce moment, l'intestin moyen a repris son apparence nor- male, sa disposition anatomique du début, il est prêt de nou- veau à fonctionner et à traverser les stades que nous venons d'énumérer.
J'ai vérifié par des coupes transversales de l'intestin que les
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choses se passent bien comme les auteurs précédemment cités les ont décrites.
Signification physiologique du phénomène. Mais, quelle est la signification de ce phénomène singulier, de cette mue pério- dique de l'intestin moyen, de cet enrobement des matières ali- mentaires ?
Les auteurs, cités, pour la plupart, ne posent même pas la question ; en tous cas, ils la laissent sans réponse précise. Cherchons-la. Et d'abord, ce phénomène singulier n'est pas propre à l'Hydrophile seul ; on l'a constaté également chez VHydrous, VHydrohiiLS, en somme chez tous les Hydrophilides à l'état dHmago qui ont été examinés. Il existe également chez quelques Lamellicornes, chez un Thysanoure {Macrotoma phimhea), chez les larves d'Anthrène et de Dermeste. Il existe probablement dans beaucoup d'autres cas, et peut-être même ne devrait-on le considérer que comme l'exagération du pro- cessus normal de desquamation épithéliale de l'intestin qui existe chez tous les animaux à la fin de la digestion.
Il faut ensuite nous rappeler les traits principaux de la diges- tion de l'Hydrophile et ses habitudes.
Contrairement à sa larve, l'insecte parfait est essentiellement végétarien, aussi il est curieux de constater, et Duméril (1823) l'a fait depuis longtemps, que, pendant la métamorphose, le tube digestif de Vimago se reconstruit sur un plan tout à fait nouveau ; il subit en particulier un allongement considérable ; aussi, tandis que le tube digestif de la larve ne fait presque aucune circonvolution et ne dépasse guère la longueur de l'ani- mal, celui de l'insecte adulte égale plus de cinq fois la longueur de son corps. Il y a là un phénomène inverse de celui qui se passe chez le têtard et la grenouille adulte.
Après un repas copieux, le tube digestif est rempli de frag- ments végétaux (feuilles hachées par l'appareil masticateur) sur toute sa longueur. Le gésier faisant défaut, les particules alimentaires qui sont relativement volumineuses peuvent passer facilement de l'œsophage dans l'intestin moyen. Là, elles su-
INSECTES AQUATIQUES 1S3
bissent le maximum de transformation sous l'influence des sucs digestifs, puis elles gagnent l'intestin postérieur.
Celui-ci, à la fin de la digestion renferme un cordon noirâtre, où beaucoup de débris végétaux sont encore reconnaissablcs au microscope. Les matières résiduelles de la digestion renfer- ment de nombreux microorganismes et répandent une odeur très désagréable. Elles sont donc éminemment septiques.
Au moment de la défécation, qui, étant données les mœurs de l'insecte, a Ueu souvent dans une petite quantité d'eau stagnante, on peut craindre une contamination do l'appareil stigmatique.
Ici, plus d'ampoule rectale pour projeter au loin les matières fécales, et d'ailleurs, elle serait sans utilité, les résidus de la digestion étant beaucoup trop volumineux pour être éloignés par ce moyen.
Et cependant, lorsqu'on conserve des Hydrophiles abon- damment nourris dans une petite quantité d'eau, on constate qu'ils meurent bien plus rarement d'accidents septiques que les Dytiques. On a l'explication de ce fait, en constatant que dans l'eau nagent de longs cylindres ; ce sont les résidus de la digestion soigneusement enfermés dans une enveloppe imperméable constitué par le mécanisme que nous venons d'indiquer. Les matières fécales enrobées et en quelque sorte cachetées, restent ainsi dans l'eau sous cette forme et inaltérées pendant plusieurs jours.
Nous voyons donc intervenir ici un mécanisme bien différent des précédents, mais non moins efficace pour la préservation de l'appareil respiratoire.
En résumé, par un mécanisme que l'on pourrait désigner sous le nom peut-être un peu osé ô!entérite muco-membraneuse physiologique, les excréments des Hydrophiliens sont entourés d'une enveloppe imperméable qui les isole du milieu aqua- tique ambiant, et empêche la contamination de l'appareil res- piratoire.
Ce travail étant limité à l'étude des insectes aquatiques, je ne
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puis m'étendre davantage sur les différents mécanismes de protection de l'appareil stigmatique contre les résidus digestifs. Il est probable que c'est là une des fonctions des glandes anales ; chez les Dytiscides à l'état parfait, ce rôle est sans doute impor- tant. jNIes recherches sur ce point ont besoin d'être complétées.
Enfin, je rappellerai que les larves de certains insectes sont dépourvues d'anus perméable aux excréments. On sait par exemple, que les larves d'Hyménoptères (Abeille, etc.), celles des Myrmeléon ont un tube digestif interrompu sur son trajet. Chez la larve d'Abeille, l'intestin moyen se termine en cœcum. L'intestin postérieur n'entrera en communication avec lui et ne continuera sa lumière que chez Vimago.
Chez toutes ces larves privées d'anus, les résidus digestifs s'accumulent au fond de l'intestin moyen pendant toute la vie larvaire. C'est là un fait qui ne s'observe dans aucune autre classe du règne animal.
Ces considérations ont besoin, pour être justifiées d'être appuyées d'expériences sur l'appareil stigmatique. Nous voici donc amenés tout naturellement à la seconde partie de ce tra- vail.
DEUXIÈME PARTIE
Recherches sur le mécanisme d'adaptation de l'appareil respiratoire des Trachéates au milieu aquatique.
P But du travail. — Le groupe des Trachéates composé des Arachnides et des Insectes est caractérisé par une disposi- tion très spéciale de l'appareil respiratoire. Celui-ci est cons- titué par un lacis de tubes creux, remplis d'air qui s'ouvrent d'une part au-dehors, par des orifices appelés stigmates, et d'autre part se ramifient à l'infini au milieu des organes. Les
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dernières ramifications se terminent autour, plus rarement à l'intérieur des cellules.
La caractéristique de la respiration trachéenne, c'est que l'air va à la recherche des éléments des tissus ; la circulation gazeuse, chez les Tracliéates s'est substituée en grande partie à la circulation sanguine.
Cette dernière est même si réduite chez certains types qu'elle a été niée, à tort du reste, par certains anatomistes.
La respiration trachéenne s'est développée chez des êtres vivant essentiellement dans le milieu aérien, ce qui est le cas pour l'immense majorité des Trachéates. Mais certains d'entre eux se sont adaptés au milieu aquatique. Pour capturer leurs proies, ils vivent au contact de l'eau, ou même sous la surface de celle-ci. Et on assiste alors à ce fait paradoxal d'êtres creusés de nmltiples canaux capillaires, ayant schématique- ment la structure de véritables corps spongieux et qui, cepen- dant, pénètrent impunément dans le miheu aquatique sans que celui-ci les envahisse.
Au cours de mes recherches sur la digestion des Insectes aquatiques, j'avais été vivement frappé de l'efRcacité de la protection contre l'entrée de l'eau dans le système trachéen. Les recherches bibliographiques ne m'ayant révélé aucun tra- vail d'ensemble sur la question ; aucune théorie n'ayant, à ma connaissance, été fournie de ce singulier phénomène, il m'a semblé qu'il valait la peine d'être étudié.
J'ai pensé également que la connaissance précise de ce phé- nomène d'adaptation au milieu aquatique pouvait avoir une grande importance pratique. Ayant découvert le mécanisme qui s'oppose à la pénétration de l'eau par les orifices stigma- tiques, il devait être possible de le mettre en défaut ; par consé- quent, do remplir le riche lacis trachéen par un liquide toxique capable de causer la mort rapide de l'insecte. On conçoit l'intérêt de cette question en se rappelant le rôle considérable attribué aux insectes ou à leurs larves dans la propagation des maladies infectieuses.
ARCH. DK ZOOL. EXP. ET GÉ.V. — 5' SÉRIE. — I. VIH. — lU). 13
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Il était enfin permis d'espérer d'appliquer ces procédés convenablement modifiés à la destruction de certaines larves cndoparasites (Oestres et autres Diptères), que leur épais revêtement chitineux rendait inexpugnables jusqu'ici.
Modifications anatomiques apportées au système trachéen par l'habitat aquatique.
Avant d'aborder l'étude du problème qui vient d'être posé, il me semble convenable de rappeler les modifications essen- tielles apportées au système respiratoire des Trachéates par le séjour dans le milieu aquatique. Je n'envisagerai que les types principaux, créés par cette adaptation.
A. Type holopneustique (1).
Si nous considérons un insecte aérien, nous constatons que des ouvertures stigmatiques perméables sont présentes sur tous les segments qui en portent normalement. (La tête en est tou- joursdépourvue, et souvent. le premier segment thoracique). On compte ainsi d'ordinaire de chaque côté dix stigmates. Leur situation normale est latérale ; ils sont enchâssés dans la chitine molle qui unit l'arceau ventral à l'arceau dorsal; mais, par suite d'une adaptation au miheu extérieur, ils peuvent subir un dépla- cement notable. C'est ainsi que chez les Coléoptères, et, notam- ment chez les représentants aquatiques de cette famille, les stigmates abdominaux sont devenus nettement dorsaux. Ils s'ouvrent dans l'espace rempli d'air qui est recouvert par les élytres.
B. Type hémipneustique.
Par suite d'adaptation aux conditions extérieures, un nombre plus ou moins considérable de paires stigmatiques se sont obturées. 11 en résulte des types secondaires :
a. Tijpe métapneustique. — Tous les stigmates sont clos. Seule la jmire postérieure reste perméable.
(1) Xous buivons ici la elassiflcatiou élaborée dans un mémoire fondamental de PALMEN (1877).
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C'est là une adaptation très fréquente au milieu aquatique. Beaucoup de larves (Dytique, Hydrophile, etc.) appartiennent à ce type. Lorsqu'elles veulent renouveler leur provision d'air, on voit leur partie postérieure gagner la surface et les grands stigmates qui s'y trouvent s'ouvrir largement. Pendant ce temps, tout le reste du corps de la larve, et la tête en particu- lier restent dans l'eau ; il en résulte que la préhension de l'ali- ment et la mastication ne sont pas interrompues pendant la respiration ; celle-ci, au contraire, s'effectue avec une intensité remarquable pendant ce temps.
b. Propneustique. — Tous les stigmates sont clos. Seule la paire antérieure reste perméable.
C'est la contre-partie du type métapneustique. Il sô rencontre surtout chez les pupes {Culex, Corethra). Celles-ci ne prennent plus de nourriture, la respiration s'exerce seule et ne peut venir troubler les phénomènes de préhension ou de mastication.
c. Amphipneustique. — Tous les stigmates de la zone moyenne du corps sont clos ; les paires antérieures et postérieures restent seules perméables. (Larves d'Oestrides, AsiUdes, etc.). Ce type résulte encore d'une adaptation au milieu dans lequel vit la larve ; la partie moyenne du corps reste plongée dans les subs- tances en putréfaction.
Au point de vue jihysiologique ce type se confond avec le type métapneustique. C'est ainsi que les larves de mouches sont d'abord métapneustiques, puis elles deviennent amphi- pneustiques par apparition de stigmates antérieurs ; mais il n'est pas prouvé que ceux-ci soient utilisés par toutes les larves ; il est même à peu près certain, comme nous le verrons, que les larves d'Oestre qui sont dans le même cas, n'utilisent jamais leurs stigmates antérieurs. Ceux-ci ne prennent toute leur impor- tance qu'au moment de la transformation et chez la nymphe.
Ajoutons qu'en réalité les choses sont encore plus compli- quées. Chez les larves que nous venons de citer, il y a en réalité d'abord une, puis deux, enfin trois paires de stigmates à la partie postérieure. A chaque mur apparaît une nouvelle paire
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de stigmates sur la plaque chitineuse qui renfermait la ou les paires précédentes.
On a donc à faire au point de vue anatomique à un faux type amphipneustique et au point de vue physiologique à un type métapneustique.
Nous n'insisterons pas sur ces détails ; nous n'en développe- rons que ce qui nous sera nécessaire dans le cours du mémoire.
C. Type apneustique.
Tous les stigmates sont clos sans aucune exception.
Les échanges respiratoires (1) se font à travers le tégument chitineux, soit sur toute la surface du corps dont le revêtement reste mince, soit au niveau de certaines parties différenciées. [Fausses branchies (trachéennes), vrais branchies (sanguines)]. C'est là, à certains égards, l'adaptation la plus parfaite au milieu aquatique. Elle permet aux êtres qui en sont pourvus de vivre sans crainte d'infection, dans les eaux les plus polluées.
Ce type doit d'ailleurs se subdiviser en deux autres suivant que les trachées ont persisté à l'état ordinaire de conduits creux ou bien se sont transformés en filaments pleins, ou même ont tout à fait disparu. Nous trouvons tous les intermédiaires entre ces divers états ; ils peuvent se succéder chez un même insecte au cours des différentes phases du développement.
Citons quelques exemples du type apneustique. Chez les Arachnides, les Pycnogonides, beaucoup d'Acariens marins sont absolument dépourvus d'appareil respiratoire.
Chez les Insectes, les larves seules peuvent appartenir au type apneustique.
[Larves de Corethra, Chironomus pour les Diptères, larves d'Hyméçoptères entomophages ; des Gyrinides, chez les Coléo- ptères ; de Sialis chez les Névroptères ; de Paraponyx Stra- liotula chez les Lépidoptères, etc...]. On voit donc que dans tous les ordres d'insectes, certaines larves se sont adaptées d'une
(1) Ici (j'ust l'air en solution dans l'eau qui est utilisé jiour la respiration.
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manière parfaite à la vie aquatique. Tous les stigmates étant fermés, la contamination par le système trachéen est devenue impossible comme nous l'avons fait remarquer et l'insecte res- pirant l'air dissous dans l'eau n'est plus astreint à remonter périodiquement à la surface pour faire sa provision.
Nous arrêterons là ces considérations préliminaires, renvoyant aux traités spéciaux pour plus de détails et en particulier k l'excellent travail de Palmen (1877) qui nous a beaucoup servi dans cette étude.
Généralités sur les phénomènes de respiration externe des insectes aquatiques.
Nous venons de voir quel retentissement le milieu aquatique avait sur la morphologie des insectes aquatiques et de leurs larves ; nous avons constaté les adaptations plus ou moins ])ar- faites de l'appareil trachéen à des conditions pour lesquelles il n'est nullement disposé. Nous avons vu que, d'une manière générale, la malléabilité qui permet ces adaptations est bien plus considérable chez la larve que chez V imago.
Avant de passer à l'exposé de mes recherches personnelles, il me semble indispensable de rappeler les traits qui caracté- risent les phénomènes de la respiration externe chez les Insectes aquatiques, je le ferai très brièvement.
1° L'adaptation au milieu aquatique est parfaite.
Les stigmates sont tous clos. L'insecte (presque toujours à l'état de leur larve) extrait l'air dissous dans l'eau. Il peut posséder des branchies trachéennes (Larves de Libellules, de Sialis, de Phryganes) ou des branchies sanguines (Larves de Chirono7nus). Il peut, au contraire, manquer de tous ces organes; la respiration est alors diffuse au niveau de toute la surface du tégument ; les trachées elles-mêmes peuvent s'atrophier et disparaître totalement (larves de Chironomus, Acariens, etc.).
2° U adaptation au milieu aquatique est imparfaite. Un nombre plus ou moins grand de stigmates ^a persisté ; si une
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réduction a lieu, les stigmates perméables se localisent, comme nous l'avons vu, à une des extrémités du corps, de préférence à l'extrémité postérieure.
Cette deuxième section, de beaucoup la plus nombreuse, contient tous les insectes parfaits et un grand nombre de larves. Elle peut se subdi\nser en plusieurs groupes :
a. L'insecte, grâce à sa faible densité et à la présence de poils hydrofuges à l'extrémité des pattes ou sur le corps, reste constamment au-dessus de la surface. Il progresse sur l'eau en glissant, on pourrait dire que c'est un insecte hydroplane.
Ce sont surtout certains Hémiptères qui ont subi cette adap- tation {Hijdrometra, Gerris, Velia). Sur la haute mer, on ren- contre de curieux hémiptères qui appartiennent à ce groupe {Halobates, Rheumatobates).
Dans ce cas, l'insecte, au point de vue de l'acte respiratoire, est exactement dans les mêmes conditions qu'un insecte ordi- naire, il mène une existence entièrement aérienne (1).
b. L'insecte passe la plus grande partie de son existence S021S la surface de l'eau, mais il est dans une cavité remplie d'air, de sorte, qu'ici encore, le mode d'approvisionnement du système trachéen est le même que celui des insectes ordi- naires. Ces insectes sont dans la situation des ouvriers placés dans les cloches à plongeur ou dans les caissons. Ils peuvent uti- liser des abris naturels : des pierres creuses, des cavités. Ces in- sectes existent surtout sur le bord de la mer. Ils vivent sur terre durant la basse mer, et se réfugient dans leurs cloches à plongeur naturelles dès que la mer recouvre celles-ci et em- prisonne une certaine quantité d'air pur qui suffira aux besoins de l'animal pendant la durée de la haute mer.
Je citerai un certain nombre de Carabus et surtout les Aepus {Robini, etc.).
Dans les marais, les chenilles de Nonagria (Lépidoptères), qui habitent les tiges creusées des Typha, rentrent dans cette catégorie.
(1) Les Podurelles peuvent au3si être rangées dans ce groupe,
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c. L'insecte peut construire lui-même sa. cloche à plongeur qu'il sait réapprovisionner d'air (Argyronète).
d. L'insecte procède à la manière d'un plongeur réduit à ses propres moyens. Il emporte sa provision d'air dans ses trachées et revient de temps en temps à la surface pour la renou- veler.
Larves à'Hydropliilus, Hydrocharis et, en général, de tous les Hydrophiliens.
Larves des Dytiscides. — Larves de Diptères (Culex, Stra- tiomyx), etc....
e. L'insecte est comparable à un scaphandrier. Il passe sa vie dans l'eau, à une profondeur variable. Son appareil respiratoire est en relation avec un tube creux qui vient s'ouvrir à la sur- face de l'eau et permet le réapprovisionnement gazeux. Parmi les Diptères, nous citerons les larves d'Eristalis, les larves et les nymphes de Ptychoptera. Parmi les Hémiptères, nous avons la Nepa cinerea et la Ranatra linearis.
Nous verrons aussi dans un chapitre spécial que les œufs de plusieurs insectes aquatiques puisent l'air atmosphérique au moyen d'un mécanisme semblable.
/. L'insecte est comparable à un scaphandrier muni d'un réservoir rempli de gaz qu'il emporte avec lui, sous la surface de l'eau et, qu'il épuise à mesure de ses besoins.
Quelquefois le réservoir est constitué par un fourreau cons- truit par l'insecte. C'est ainsi que des chenilles de Lépidoptères du genre Hydrocampa construisent un fourreau en accolant deux morceaux de feuilles semblables, découpés dans une plante aquatique {Nymphœa, Potamogeton ou Lemna), et en doublant l'intérieur du fourreau d'un revêtement de soie hydrofuge. La chenille qui a conservé la même apparence que les larves terrestres de Lépidoptères de la même famille, et dont les stig- mates occupent la même situation vit, fixée par ses pattes membraneuses, à l'intérieur de cette loge remplie d'air et la transporte partout avec elle.
Plus souvent, le réservoir est constitué par un revêtement
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de poils hj'drofuges qui sont implantés sur diverses parties du corps.
Chez les Dytiscides, ces poils couvrent la partie supérieure de Tabdonien et Tair est emmagasiné entre les élytres et l'abdomen (1).
Chez les Hydrophy liens, chez beaucoup d'Hémiptères aqua- tiques (Notonecta, Corixa, etc.), le revêtement de poils hydro- fuges se trouve à la partie inférieure de l'abdomen.
On a découvert en Amérique de très curieuses chenilles de Lépidoptères de la tribu des Chelonides, couvertes, par consé- quent, de très longs poils et qui vivent complètement immer- gées. Chez elles encore, la région dorsale est couverte de poils hydrofuges qui emprisonnent dans leur lacis une masse d'air qui reste adhérente sous l'eau et qui constitue une provision dans laquelle les stigmates en nombre et situation normale, puisent l'air qui sert à la respiration.
On trouvera des renseignements plus complets sur cette question dans Bar (1873), Laboulbène (1873), Berg (1875).
g. Enfin, dans un dernier groupe qui a donné lieu à de nom- breuses discussions, mais sur lequel l'accord paraît s'être enfin établi, nous trouvons des larves très singulières. Elles appar- tiennent à des Coléoptères des genres Donacia et Hœmonia. Elles vivent constamment submergées et fixées sur les rhizomes de différentes plantes aquatiques {Nymphœa, Potamogeton, etc.). Elles ne viennent jamais chercher l'air en nature à la surface de l'eau, et cependant, elles ne possèdent aucun des organes qui permettent d'utiliser l'air dissous (branchies sanguines ou trachéennes) ; elles sont nues et ne possèdent aucune couche d'air adhérente ; d'ailleurs, à la surface du corps, on ne peut découvrir aucune ouverture stigmatique.
La taille de ces larves paraît d'autre part trop considérable pour que les échanges respiratoires à travers les téguments puissent être suffisants.
Un examen attentif des larves en question permet de décou-
(1) Telle _est_tout au moins l'opinion classique ; nous verrons comment elle doit ôtre modifiée.
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vrir à leur partie postérieure une épine recourbée et très acérée. Elle est creuse, perforée près de son extrémité, et présente à sa base deux petites ouvertures qui sont en communication avec les deux trachées longitudinales qui régnent sur les côtés de la larve.
L'épine creuse est un véritable trocart au moyen duquel la larve perfore les téguments des plantes sur lesquelles elle vit.
On sait que les tissus de ces végétaux aquatiques contiennent de larges méats remplis de gaz. Le système trachéen se trouve ainsi mis en rapport par l'intermédiaire de l'épine postérieure creuse avec l'atmosphère interne de la plante qui est riche en oxygène. Par ce mécanisme des plus curieux, la larve trouve donc le moyen de résoudre ce problème en apparence insoluble : respirer au fond de l'eau de l'air à l'état gazeux.
Cette intéressante question pourra être étudiée en détail dans les mémoires suivants : Perris (1848), Schmidt-Schwedt (1887 et 1889), Devitz (h.) (1888), Sanderson (1900), Macgilli- VRAY (1903).
I. — Etude de quelques larves apneustiques.
Nous allons d'abord étudier quelques larves qui présentent un système trachéen complètement clos. Elles nous serviront en quelque sorte de témoins dans l'étude qui suivra sur le rôle physiologique des stigmates perméables.
P Nymphula stratiotata.
Nous considérerons d'abord une très curieuse chenille de Lépidoptère qui est parfaitement adaptée au milieu aquatique. Elle vit, en effet, complètement immergée entre les feuilles de diverses plantes {Potamogeton, Stratiotes aloides) qu'elle réunit par des fils de soie, car elle possède ce curieux pouvoir de filer à Vintérieur de Teau.
J'ai pu me procurer en quantité suffisante cette rare chenille
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dans un étang des environs de Paris, grâce aux très obligeantes indications qui m'ont été fournies par M. l'abbé de Joannis, ancien président de la Société entomologique de France.
Il semble que cette chenille ait été, pour la première fois, décrite et figurée par de Géer (1774, T. I, p. 517). Elle lui avait été envoyée par Linné qui l'avait trouvée sur le Stra- tiotes.
H voit parfaitement les poils chitineux creux qui naissent par touffes sur les parties latérales du corps ; il se rend compte que des trachées blanches pénètrent dans ces appendices creux et se mettent d'autre part en rapport avec les grosses trachées du corps de la chenille. Il n'hésite donc pas à assimi- ler ces filaments creux à des branchies (de Géer dit des ouïes, mais la signification qu'il attache à ce mot impropre est évi- dente). Il voit d'autre part que la chenille possède des stig- mates situés sur les parties latérales aux mêmes endroits que chez les chenilles terrestres. Les stigmates des 5'»^^ gme ^^ 7™® anneaux étant beaucoup plus gros que les autres surtout chez la larve arrivée à toute sa grosseur.
Mais, à côté de ces constatations anatomiques exactes, de Géer attribue un rôle physiologique singulier à ces appareils.
Il pense que les filaments branchiaux sont « percés au bout ; « je le crois ainsi, bien que ces ouvertures ne sauraient être « visibles à cause de leur petitesse ».
Et voici quelle conception il se fait du fonctionnement de ces organes.
De Géer suppose que « les chenilles inspirent ou qu'elles « pompent l'air par leurs stigmates, et qu'elles l'expirent ou « qu'elles le chassent par les ouvertures supposées des ouïes, « qui, dans ce cas, feraient la fonction des petits trous de la « peau des chenilles terrestres? Mais peut-être qu'elles ne « respirent point du tout par les stigmates ; peut-être que « sur les chenilles, ils sont entièrement bouchés et qu'ils ne « serviront à la respiration qu'après .qu'elles seront devenues « çrisq-hdes {sic) ».
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On voit que l'opinion du célèbre naturaliste reste un peu flot- tante au sujet du rôle phj^siologique des filaments branchiaux.
Il constate cependant un fait intéressant, c'est que les che- nilles peuvent vivre huit jours consécutifs dans l'huile et y filer.
Avant d'aborder la partie expérimentale, je compléterai sur quelques points les indications ana- tomiques de de Géer (fig. 21.) ;^
Les filaments branchiaux transpa^ \ '^
rents sont très ramifiés, beaucoup plus ^: ■ . | • , f
que chez les autres larves aquatiques s ^x- .
qu'on rencontre fréquemment dans nos S---;?^ ■ '
eaux {Sialis, Phrygana). s — ^j \^ l ^ ^
Tous les anneaux ne sont pas éga- :zr
lement bien pourvus de ces filaments ^
branchiaux. Ainsi le F^ anneau n'en S , . .':■
porte pas. Le 2^ anneau porte un seul J,
groupe de filaments (groupe dorsal).
Les anneaux suivants portent :
a). Deux groupes de filaments dor- H-
, . , Fig. 21. — Chenille de Nymphula
saux ; le groupe antérieur compose stratiotata.
j. . , rt , • n^ i. m c\c\\ 1^1- • fllameuta branchiaux qui
ordinairement de trois filaments (fig. 22) s'étaient dans leau sur les
.1 1 ' 1 1 T ' T deu.x côtés de la chenille.
est plus rapproche de la hgne médiane , , , , 1^3 t^;, p^j^, j, que le groupe postérieur composé ordi- Tt^^^:^ Z^t;;^ nairement de 5 filaments. stigmates qui sont plus petits
et qui occupent une position h). Trois groupes de filaments laté- plus ventrale ne sont pas visi-
bles sur le des.sin).
raux. Deux s'attachent sur la même
ligne horizontale, un autre s'attache plus près de la ligne
ventrale. [Il n'est pas visible sur le dessin ci-contre].
Sur les côtés de la chenille, on voit par transparence régner tout le long du corps deux tubes d'un blanc nacré ; ce sont les grands troncs trachéens longitudinaux qui envoient des rami- fications.
a. Aux différents organes du corps.
h. Aux filaments branchiaux,
196
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c. Aux stigmates. Chaque stigmate reçoit, en effet, une courte branche trachéenne. Nous y reviendrons dans un instant.
Mode de respiration de la chenille. — Il nous faut maintenant choisir entre les deux hypothèses formulées par de Géer. Il est évident que les branchies qui ont la constitution typique des or- ganes similaires des autres larves fonctionnent pour assurer Flié- matose; mais les stigmates eux-mêmes sont-ils ouverts ou fermés ?
Fig. 22. — Chenille de Nymphuhi stmtiotata. Vue de détail du 6" auueau. Ou voit les deu.x groupes de filaments branchiau.x dorsaux, deux groupes de filaments latéraux et entre les deux, le gros stigmate situé sur un mamelon. (Un groupe de tllameuts latéraux situé sur un plan plus inférieur n'a pu être représenté).
Les habitudes de la chenille qui se tient constamment immer- gée permettent déjà de supposer qu'ils sont clos, mais nous verrons à propos d'autres insectes, que ce n'est pas là une preuve péremptoire. Il se pourrait que, par suite de circonstances par- ticulières (assèchement temporaire du marais), la chenille se trouve momentanément à sec et utilise ses stigmates à la place de ses branchies devenues inutiles. L'expérience seule peut donc décider.
Expérience 1 . — Une chenille de Stratiotata est immergée dans de l'huile d'olive intensément colorée par Valcanine (1) de
(1) Cette matière colorante eat extraite de la racine do X'Alcana tinctoria.
IXSECTES AQUATIQUES 197
Grûbler. On la laisse séjourner environ cinq minutes, on l'essuie avec soin au moyen de papier buvard, et on l'examine sous l'eau au moyen du microscope binoculaire.
Grâce à la transparence parfaite des téguments, les trachées et les stigmates apparaissent avec la plus grande netteté. On acquiert la certitude absolue que les anastomoses trachéennes qui unissent les stigmates aux grands troncs longitudinaux ne contiennent pas la moindre trace d'huile colorée.
D'ailleurs, ces courtes branches trachéennes examinées avec le binoculaire à immersion à eau et à un grossissement d'en- viron 50 diamètres ne semblent pas identiques aux autres trachées (celles des organes ou des branchies) ; ce sont des cordons d'aspect mat et qui ne possèdent pas l'éclat soyeux des trachées remplies d'air.
La chenille qui a subi le contact de l'huile colorée est d'ail- leurs restée en parfait état.
Comme comparaison, prenons une petite chenille d'arpenteuse de couleur verte qui vit en mai sur le poirier. Après un traite- ment identique à celui de la chenille de stratiotata, elle sort inerte, elle semble morte.
En la disséquant sous l'eau, on constate qu'un grand nombre de trachées sont injectées d'huile rouge, en particulier, celles qui recouvrent le tube digestif. Ici les stigmates perméables ont laissé pénétrer l'huile par un phénomène de capillarité que nous étudierons plus tard et celle-ci a envahi les trachées les plus fines.
Expérience 2. — Une chenille de stratiotata est plongée dans de l'eau de savon. Après un séjour de 15 minutes, elle en sort en parfaite santé.
Une chenille de Géomètre semblable à celle de la précédente expérience sort de l'eau de savon au bout de 3 minutes d'immer- sion en état de mort apparente. Elle est inerte et a sensiblement augmenté de volume.
Expérience 3. — Une chenille de stratiotata est plongée dans un mélange d'huile d'ohve, d'éther et d'alcanine. Au bout
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d'une minute d'immersion, la chenille sort inerte, elle est anes- thésiée. L'examen microscopique permet de certifier que la matière colorante et par conséquent, l'huile qui lui sert de véhi- cule n'a nullement pénétré à travers les stigmates.
Au bout de quelques minutes de séjour dans l'eau pure, l'éther est éliminé et la chenille recouvre ses mouvements et son allure habituelle.
Expériences 4 e^ 5. — Mêmes expériences que précédemment, mais la chenille reste beaucoup plus longtemps dans le mélange éther, huile colorée.
Au bout de 20 heures de séjour, la chenille est morte, mais le système trachéen n'est nullement envahi.
Au bout de 20 jours, le système trachéen est envahi, mais ceci est de toute évidence le résultat de l'altération des tissus de la larve.
Expérience 6. — Cette fois, on emploie une méthode d'inves- tigation très différente des précédentes.
Une chenille de N. stratiotata est soumise progressivement au vide sous l'eau dans un flacon à faces parallèles à l'intérieur duquel on peut l'examiner facilement pendant tout le cours de l'opération au moyen du microscope binoculaire.
A mesure que la diminution de pression s'accentue, on voit des bulles d'air se former sur la surface du corps, notamment sur les branchies où les téguments sont beaucoup plus minces que partout ailleurs. Ces bulles prennent naissance en des points déterminés, grossissent et finalement se détachent pour tra- verser l'eau et gagner la surface libre où elles crèvent.
Les plus volumineuses se forment à l'entrée de la bouche. Si nous recommençons l'opération précédente après avoir sectionné l'extrémité d'un filament branchial, nous voyons bientôt se former sous l'action du vide une file de bulles qui sortent sans interruption et précipitamment à l'extrémité de la trachée sectionnée. C'est un phénomène très différent de celui que nous offraient les bulles qui se forment sur la surface des téguments. Ici, nous avons la sensation bien nette d'une
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communication entre le milieu extérieur et la cavité du système trachéen. Empiétant sur ce qui va suivre, nous pouvons dire que le même phénomène (chapelet de bulles) se produit à l'ou- verture des stigmates lorsqu'ils sont perméables. — Pour prendre une comparaison banale, c'est, à une faible échelle, le phénomène qu'on observe lorsqu'on presse sur une chambre à air de bicyclette placée dans l'eau et présentant un trou très petit. Il est évident que le mécanisme est exactement le même dans les deux cas, le vide opéré à la surface du liquide ou la pression directe sur l'enveloppe ayant le même effet.
Si nous revenons à notre chenille de A'', stratiotata, nous cons- tatons, et c'est là le point important, qu'il ne se forme aucune bulle au niveau des stigmates, pas même au niveau des gros stigmates des 5^, 6« et 7*^ anneaux.
Voici donc une nouvelle preuve que tous les stigmates de notre larve sont complètement clos.
Expérience 7. — Recommençons l'expérience précédente, mais prenons une chenille qui soit arrivée à toute sa taille et que, d'après l'apparence qu'elle présente, nous jugions prête à se transformer en chrysahde. Nous constaterons alors que certains stigmates et notamment les gros stigmates donnent maintenant une file de bulles. Tous les stigmates ne deviennent pas perméables en même temps, et il ne paraît pas y avoir de règle fixe à ce point de vue, j'ai même constaté que dans cer- tains cas, c'était un des petits stigmates, celui du 2^ anneau, par exemple, qui devenait perméable le premier.
C'est qu'en effet, comme l'avait bien vu de Géer, la chenille qui a atteint toute sa taille file dans l'eau entre les rameaux d'une plante aquatique une coque à double enveloppe, qui est rempHe d'air et dans laquelle elle se transforme en une chry- sahde dépourvue de branchies et présentant trois paires de gros stigmates (1) proéminents. Ceux-ci sont parfaitement perméa- bles comme je m'en suis assuré.
(1) Ils corrcsiKJiident bien aux gros stigmates de la larve, car ils sont aussi situés sur les 5« 6" et 7' anneaux de la clirysalide, ce qui correspond chez elle aux 2«, 3 et 4» anneaux abdominaux.
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Nous avons donc ici un exemple frappant d'un insecte qui, au cours de son développement, passe de la forme apneus- tique à la forme holofneustique modifiée, et nous voyons par quelles transitions ménagées et par quel mécanisme l'insecte passe d'une forme à l'autre.
En résumé : La N. stratiotata est une chenille de Lépidoptère parfaitement adaptée au milieu aquatique. Tous les procédés employés (vide, liquides capables de mouiller la chitine hydro- fuge) concourent à montrer que cette larve a des stigmates bien formés au point de vue morphologique, mais complète- ment clos et sans usage au point de vue physiologique.
A la fin de la vie larvaire, ces stigmates deviennent encore plus apparents, surtout ceux des 5^, 6^ et 7^ anneaux ; ils devien- nent perméables au moment de la transformation.
A la chenille possédant une respiration purement branchiale succède une chrysahde qui possède de gros stigmates per- méables et respire l'air en nature. Elle est contenue dans une double coque soyeuse rempUe d'air (1).
2° Larves de Phryganes.
Nous ne décrirons pas les larves de Phrygane qui sont connues de tous les naturalistes. On sait que ce sont des larves dont tous les stigmates sont clos et ont même complètement disparu. Elles portent sur les côtés des filaments délicats qui consti- tuent des branchies trachéennes typiques.
Elles construisent des fourreaux au moyen de matériaux très variables ; elles s'y enferment et n'en laissent sortir que la tête et les pattes écailleuses. Ainsi se trouve assurée la pro- tection des branchies.
(1) Il serait intéressant d'étudier par quel inécanisiuo cette coque qui est conipKHeniout immer- gée se remplit d'air et comment cet air se renouvelle. C'est un probli^me que jo n'ai i)as encore eu le loisir d'étudier. J'ai remarqué que cette coque ;V double enveloppe était toujours intime- ment soudée aux plantes aquatiques (Potamogeton) par son enveloppe extérieure. Y aurait-il 1:\ un mécanisme de soustraction gazeuse analogue à celui qui est employé par les larves de Vonu' ciaf
INSECTES AQUATIQUES 201
Soumises aux expériences précédentes, ces larves se com- portent exactement de la même manière que les chenilles de Nymphula stratiotata. Le contact des substances grasses, du savon, etc., ne leur est pas néfaste.
Quand on les soumet à l'action du vide, on observe un déga- gement de buUes gazeuses qui se produisent au niveau des téguments, mais surtout en certains points d'élection (branchies, articulations des pattes, base des poils et particulièrement au niveau de la ligne de soies qui règne sur les côtés du corps).
L'ouverture de la bouche présente un dégagement gazeux particulièrement abondant. Ce fait est général et trouve, je ijrois, son exphcation dans les très nombreuses trachées riche- ment ramifiées qui entourent l'intestin d'un lacis et pénètrent ses tissus.
Nous y reviendrons plus tard à l'occasion des larves de Libel- lules.
En résumé : Les larves de Phryganes présentent un sys- tème trachéen complètement clos, elles appartiennent au type apneustique. Ici la pupe possède également des branchies et nous n'assistons pas à la transformation observée chez la che- nille de Nymphula stratiotata.
3° Larves d'Odonates.
Nous allons maintenant étudier des larves qui appartiennent à l'ordre des Névroptères, ce sont les Odonates connues vulgai- rement sous le nom de Libellules.
Leur appareil respiratoire présente plusieurs particularités fort curieuses. Il est bien connu dans ses grandes lignes, mais certains détails : la présence de stigmates perméables, par exemple, a donné Heu entre les naturalistes à des discussions sans nombre. Il semble que jusqu'à présent, on ne soit pas arrivé à une conclusion certaine à ce sujet. J'ai pensé, qu'en raison même de sa difficulté, je devais étudier ce sujet, afin de sou-
AECH. DE ZOOt. EXP. ET OÉN'. — 5« SfiUIE. — T. VIII. — (II). 1*
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mettre à l'épreuve la technique employée dans mes recher- ches.
a. Description générale de l'appareil respiratoire des larves d'Odonates.
Lorsqu'on dissèque une de ces larves, on constate la présence de très gros troncs trachéens de couleur cuivrée dont la direc- tion générale est antéro-postérieure. On distingue trois troncs principaux étages de la région dorsale à la région ventrale et désignés, d'après leur situation ou leur distribution, par les expressions de troncs : supérieurs ou dorsaux, moyens ou viscé- raux, inférieurs ou ventraux. Ils ont été décrits et figurés avec tous leurs détails par Oustalet (1869). Le plus considérable de ces canaux aérifères est le tronc dorsal qui s'étend sur toute la longueur de la larve, pénètre dans la tête où il se bifurque, fournit des branches aux centres nerveux, des rameaux aux pattes, des anastomoses importantes aux autres troncs longitu- dinaux. En arrière, il envoie un nombre de branches considé- rable au rectum. Ce dernier segment du tube digestif est très développé chez les larves de Libellules. Il a la forme d'une ampoule pourvue de muscles striés sur sa paroi et tapissé de plis ou de villosités très nombreuses (plus de 24.000) dans sa cavité. Les dernières ramifications trachéennes sous forme d'un chevelu extrêmement fin pénètrent à l'intérieur des villo- sités chitineuses et viennent y former des branchies aériennes. Celles-ci plongent dans l'eau qui est tour à tour appelée et expulsée du rectum par les contractions de l'abdomen et par celles du rectum. Quand les mouvements de l'eau ont une sou- daineté suffisante, l'animal est projeté en avant au moment de la phase d'expulsion. Les deux appareils respiratoire et loco- moteur ont une liaison qui s'observe fréquemment dans la série animale.
Tous ces faits sont connus, je les rappelle brièvement, l'accord est à peu près fait à leur sujet.
J'arrive maintenant à la question des stigmates qui a donné lieu à tant de discussions.
INSECTES AQUATIQUES 203
Et d'abord, il semblerait que la présence de stigmates fut une superfétation chez un animal si bien pourvu de bran- chies (1).
D'autre part, la présence de stigmates paraît bien inutile chez une larve qui reste constamment submergée.
Mais laissons les probabilités déduites de la logique, et arrivons aux constatations matérielles.
Il semble bien que la question ne soit pas facile à résoudi-e, si on considère les opinions des divers auteurs qui se sont occupés de la question. Je vais passer les principales en revue, restant volontairement incomplet pour ne pas surcharger à l'excès ce travail.
Les premiers anatomistes qui ont étudié ces larves : Swam-
MERDAM (1737), DE GÉER (1774), Cu\^ER (O.) (1798), VON
SiEBOLD (1849) ne relèvent la présence d'aucun stigmate sur les téguments.
RÉAUMUR (1738, t. VI, p. 398), pense que notre « insecte qui « respire l'eau, n'a pas moins besoin de respirer l'air ; c'est de « quoi on a une preuve décisive quand on examine son corselet : « on y découvre quatre stigmates dont deux placés en-dessus « et près de la jonction du corps (2) sont surtout remarquables « par leur grandeur.... Chacun des deux autres est posé au-des- « sus de l'origine d'une des premières jambes. »
En dehors de ces stigmates thoraciques, Réaumur décrit, (mais toujours sans les figurer) des stigmates abdominaux. Il y en aurait une paire par anneau situés de chaque côté du corps, à la partie inférieure dans une gouttière longitudinale. Seuls, le dernier et l'avant-dernier anneau en seraient dépour- vus.
Enfin, fait curieux, et sur lequel nous aurons à revenir, l'excellent observateur qu'est Réaumur, note qu'on peut « huiler « les stigmates de ces nymphes sans les faire périr. »
(1) Dans le groupe des Agrionides on trouve même des lamelles branchiales externes en pluâ des branchies rectales.
(2) Il est à noter que ce sont les seuls que flgure le célèbre anatomiste.
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Carus (1827) ne mentionne pas de stigmates thoraciques, mais décrit huit stigmates abdominaux à chacun desquels vient aboutir une ramification trachéenne.
BuRMEiSTER (1832) ne signale pas de stigmates thoraciques, ni abdominaux chez la larve.
LÉON DuFOUR (1841) est très affirmatif. « Il n'existe qu'une « seule paire de stigmates et elle est thoracique ». Ils sont « logés dans l'espace hnéaire qui sépare le prothorax du mé- « sothorax. »
Malgré sa « vénération, son culte » pour Réaumur, dont il connaît bien le mémoire, Léon Dufour ne parvient pas à re- trouver ni la seconde paire de stigmates thoraciques, ni les stigmates abdominaux, et comme Sprengel s'est permis de retrouver les mêmes stigmates que Réaumur, il l'accuse de plagiat !
OusTALET (1869) traite la question des stigmates dans son travail très soigné sur le système trachéen des nymphes de Libellules.
Il combat l'opinion de Léon Dufour et trouve « deux paires « de stigmates thoraciques dans les Aeschnides comme dans les « Lihellulides, dans les nymphes comme dans les adultes. »
Mais dans les lignes qui suivent cette affirmation, Oustalet semble faire quelques restrictions au sujet de la perméabilité de ces stigmates.
Les deux grands stigmates antérieurs, les seuls admis par Léon Dufour « sont légèrement entr'ouverts et il n'y a d'autre « obstacle au passage direct de l'air dans les trachées qu'une (( membrane délicate qui voile le fond de la chambre stigma- « tique et empêche l'irruption de l'eau. »
Quant aux stigmates thoraciques postérieurs, « ils ont dans « VAesch7ia maculatissima, la forme d'un mamelon ovulaire « {sic) et non perforé (1), ayant à son sommet une ligne bru- « nâtre sinueuse suivant laquelle se fera l'ouverture. »
Remarque analogue à propos de la Lihellula vulgata et quel-
(1) Non souligné dans le toxte.
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ques lignes plus bas, l'auteur ajoute « les stigmates n'acquerront « toute leur perfection que lors de la métamorphose... »
Oustalet ne dit rien des stigmates abdominaux décrits par Réaumur.
Palmen (1877) dans son grand travail sur le système tra- chéen des Insectes traite avec détail de l'appareil respiratoire des Libellulides. Il arrive à cette conclusion que les stigmates décrits chez la larve et la nymphe sont clos et il les range dans la catégorie des Insectes apneustiques.
Hagen (1881) réfute l'opinion de Palmen dont il apprécie cependant le travail. Pour lui les stigmates thoraciques anté- rieurs sont certainement ouverts.
Dewitz (1890) est le premier auteur qui envisage la ques- tion au point de vue physiologique, mais, il est vrai, avec une méthode assez imparfaite. Il plonge dans un mélange à par- ties égales d'eau et d'alcool à 95 degrés des larves et des nym- phes de Libellules aux différents stades du développement. Dans ces conditions, quand un stigmate est perméable, il laisse échapper une file de bulles gazeuses ; si, au contraire, il est clos, le phénomène ne se produit pas.
Par cette méthode, Dewitz arrive aux conclusions suivantes :
a. ^schna. Les larves jeunes n'ont jamais les stigmates per- méables. Les nymphes adultes ont, au contraire, les stigmates thoraciques antérieurs ouverts. Placés dans l'eau bouillie, on les voit quelquefois sortir de l'eau et puiser l'air en nature par les stigmates thoraciques, ce que ne font jamais les larves jeunes.
Si, après avoir séché une jeune larve au moyen de papier filtre, on lui obture le rectum au moyen de collodion, et qu'on la place dans l'air, elle meurt bientôt. Une nymphe adulte traitée de la même manière, survit, car ses stigmates thoraci- ques lui permettent de suppléer à sa respiration rectale suppri- mée.
6. Lihellula. Ici, le système trachéen s'ouvre plus tôt que chez les iEschna. Les stigmates thoraciques deviennent per- méables chez la larve à demi-grosseur.
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De l'ensemble des travaux que nous venons de passer en revue rapidement, il se dégage une impression très confuse. On peut dire que presque toutes les opinions acceptables ont été tour à tour émises par les biologistes qui ont traité la ques- tion. Des observateurs éminents comme Réaumur, Léon Dufour arrivent à des conclusions diamétralement opposées.
Quelles peuvent être les raisons de divergences si complètes et si nombreuses?
A friori, on peut penser qu'elles sont de deux ordres :
P II est évident d'abord que, dans la plupart des cas, le pro- blème posé n'était pas suffisamment défini. On sent à la lecture du mémoire que l'auteur ne fait pas une distinction assez tran- chée entre une apparence de stigmate et un véritable stigmate ; il ne cherche pas à se rendre compte avec certitude si le stigmate est fonctionnel, s'il est réellement perforé.
2° Dans les rares cas où cette question est envisagée avec une précision suffisante, l'auteur ne possède pas la technique nécessaire pour la résoudre avec une entière certitude.
L'examen des téguments, même au moyen d'une bonne loupe, ne peut donner de renseignements certains à cet égard. Cet examen suffisant dans quelques cas particulièrement favo- rables, celui des gros stigmates thoraciques des nymphes adultes devient tout à fait impuissant dans les cas litigieux, nous en verrons des exemples frappants.
Le procédé des coupes histologiques qui, d'ailleurs, n'aurait pu être employé que par les auteurs récents, ne saurait non plus rendre de grands services dans le cas présent. Une mem- brane chitineuse d'une extrême minceur, comme celle qui est supposée par Oustalet (1869) peut passer inaperçue, ou même ne pas avoir persisté sur une coupe. D'autre part, est- on sûr, même avec des coupes en série toujours difficiles à réussir avec ces tissus de chitine épaisse, de trouver une per- foration d'un cahbre très petit, lorsqu'elle existe ?
Il est évident, pour toutes ces raisons, que la technique employée doit être plus physiologique qu'histologique^
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Un seul auteur paraît avoir envisagé la question sous cette face, c'est Dewitz (1890) et son ihémoire est intéressant à différents égards.
Ainsi, d'après ce que nous a appris l'étude de la Nymphula stratiotata, il semble bien probable que la distinction établie entre les stades jeunes et les stades avancés (larves et nymphes) soit tout à fait légitime. Nous allons voir qu'il en est bien ainsi.
Technique employée. — Je passe maintenant à la relation de mes recherches personnelles.
Deux moyens principaux sont à notre disposition pour déci- der si un stigmate est ouvert ou fermé.
P Pénétration par le stigmate lorsqu'il est perméable de corps gras ou de leurs solvants, plus généralement de liquides ayant la propriété de mouiller la chitine hydrojuge. Divers pro- cédés, inspirés de cette technique, peuvent être employés. Nous verrons dans la suite de cette étude qu'un des plus effi- caces consiste à mélanger : huile (d'olive, par exemple) avec éther et un colorant (1) des graisses dissous dans un peu d'alcool. Si on dépose ce liquide sur un stigmate (vrai stigmate), le liquide pénètre par capillarité dans la trachée et peut être très facile- ment décelé en raison de sa coloration intense.
Si on a affaire à un faux stigmate, la pénétration n'a évidem- ment pas lieu.
2° Sortie sous l'influence du vide de l'air contenu dans les trachées ; une file de bulles qui se dégagent indique la place du stigmate. Afin d'observer le phénomène d'une manière plus commode et plus précise aussi, j'ai l'habitude de fixer l'animal au moyen de fil sur un morceau de feuille de plomb. Il est ensuite placé dans un flacon de cristal taillé qu'on remplit d'eau. L'in- secte est ainsi immobilisé ; il ne vient pas surnager quand on fait le vide, et on l'examine dans d'excellentes conditions au microscope binoculaire.
(1) Les colorants les plus convenables et les plus fréquemment employés sont la cijanine ou Bleu de Quinoléine) le Sudan III et VAlcanine.
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A. — Action des liquides capables de mouiller la chitine hydrofuge.
Expérience 1. — Larve ô^Mschna à demi-grosseur, prise le matin même (16 août), à Clamart.
On la plonge dans le mélange éther, alcool, huile, cyanine.
On la laisse trois minutes.
La larve sort inerte du liquide (elle est anesthésiée. Une dis- section soignée faite dans une solution de Na Cl sous le micros- cope binoculaire ne montre pas trace de liquide bleu dans le système trachéen. On porte particulièrement son attention sur les trachées qui se rendent aux téguments voisins de l'articula- tion des pattes postérieures (1).
Expérience 2. — Nymphe à!Mschna arrivée à toute sa taille. Les fourreaux alaires sont bien développés. Les stigmates situés à l'union du pro et du mésothorax sont parfaitement visibles à la loupe et même à l'œil nu.
On plonge l'insecte trois minutes dans le mélange précédent. Il sort inerte. La dissection montre que le liquide bleu n'a nullement pénétré dans le système trachéen. Les grosses tra- chées qui partent du stigmate thoracique ne contierment pas trace de liquide. Ce stigmate est cependant perméable, car il suffit de l'entr'ouvrir avec une aiguille à dissection pour voir s'échapper à ce niveau une grosse bulle d'air qui sort de la trachée.
Expérience 3. — Nymphe à!Mschna à toute sa taille. Mêmes remarques anatomiques que précédemment. On plonge d'abord dans un mélange d'alcool à 15P et d'éther (2). On voit les stig- mates thoraciques livrer passage à quelques bulles d'air fines. Le stigmate droit donne plus que le gauche. On constate que les bulles d'air se dégagent à son angle externe.
On plonge ensuite dans le mélange coloré identique à celui qui a été employé dans l'expérience L On laisse en contact pendant une heure. La dissection montre que le liquide coloré n'a nullement
(1) On verra dans un instant la raison de cet examen.
(2) Procédé analogue à celui qui a été employé par Dbwitz (1890).
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pénétré dans le système trachéen, pas même au niveau des stigmates thoraciques certainement perméables, ainsi que la première partie de l'expérience a permis de le constater.
Conclusion. Ainsi le liquide oléo-éthéré ne pénètre nulle- ment dans le système trachéen des larves et des nymphes d'^schna. Or, ce hquide pénètre parfaitement les stigmates de tous les insectes et de leurs larves (1) ; il semblerait donc qu'on doive conclure que le système trachéen des larves et des nymphes des Odonates est clos.
Avant de tirer cette conclusion, passons à la seconde série d'expériences.
B. — Action du vide.
Expérience 1 . — Larve à!JEschna à demi-grosseur (Longueur : 35 millimètres). Aucun stigmate visible.
On soumet à un vide progressif. Aucune bulle d'air ne se dégage d'abord.
Mais quand la pression est tombée à 110 millimètres de mer- cure, on voit un chapelet de bulles se dégager en un point voi- sin de la dernière patte droite. Ce dégagement gazeux, ainsi que nous l'avons dit à propos de la chenille de Stratiotata, est tout à fait comparable comme allure à celui qu'on obtient en pressant sur enveloppe de caoutchouc remphe d'air, percée d'un trou très fin et placée dans l'eau.
Fait à noter, ce chapelet de bulles est intermittent. Bien que la pression continue à tomber au-dessous de 110 millimètres, on voit le dégagement gazeux s'arrêter un instant pour re- prendre ensuite. On a l'impression très nette que la perforation qui donne passage au gaz s'ouvre et se ferme alternativement.
Si, au contraire, on coupe une des pattes de l'animal, on voit bien encore une file de bulles gazeuses s'échapper au niveau de la blessure ; mais le dégagement gazeux commence à se pro-
(1) Le liquide _des expérienceajprécédçntes envahissait parfaitement le système trachéen des larves A'Eriitali».
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duire presque aussitôt qu'on commence à faire le vide et surtout il est continu.
Ainsi, chez cette jeune larve, sous l'action du vide, on n'ob- serve aucun dégagement gazeux sur la partie dorsale de la région thoracique, au contraire, il existe certainement une perfora- tion des téguments à la partie ventrale et un point voisin de l'articulation avec le corps de la troisième patte droite.
Le fait était si inattendu que j'avais d'abord cru à une blessure des téguments à ce niveau et mon cahier d'expériences porte encore la trace plusieurs fois répétée de cette erreur.
J'ai été obligé de me rendre à l'évidence et d'accepter la présence d'un orifice stigmatique dans la région indiquée pour les raisons suivantes :
P A cause du caractère intermittent du dégagement gazeux.
2° Parce que si on laisse remonter la pression à la valeur nor- male et qu'on fasse de nouveau le vide, le dégagement gazeux commence toujours à se produire au même degré de dépression (110 millimètres dans l'expérience précédente).
3° Enfin et surtout, parce que le phénomène est constant. Toutes les larves d'^Eschna examinées ont donné lieu à un dégagement gazeux unilatéral situé toujours dans la région indiquée. [Une seule fois, j'ai observé un dégagement bilatéral, mais toujours dans la même région.
Il me semble inutile de donner les relations des nombreuses expériences que j'ai faites sur les larves. Elles ne seraient que la répétition de ce que je viens de dire. Je me contenterai de citer deux autres expériences qui présentent des particularités intéressantes.
Expérience 2. — 4 mai 1909, Larve d'Mschna demi-gros- seur.
Vide progressif. Quand la pression est tombée à 40 millimè- tres de mercure, on voit une file de bulles gazeuses s'échapper près de l'articulation de la dernière patte gauche. Pas la moin- dre bulle dans la région dorsale.
5 mai. La même larve, conservée depuis la veille dans l'eau
INSECTES AQUATIQUES 211
ordinaire, a subi une mue. Ses nouveaux téguments sont encore très mous
On la soumet à un vide progressif. Quand la pression est tom- bée (à une valeur qui n'a pas été notée), ou voit une file de bulles gazeuses se dégager près de l'articulation de la dernière patte droite ; par conséquent, au point symétrique de celui qui donnait hier. C'est là, un fait bien remarquable et qui, joint aux arguments précédents, ne peut laisser subsister le moindre doute sur la réalité de la présence d'orifices stigmatiques dans cette région.
On place cette larve quelques instants dans l'eau éthérée. Elle est presque aussitôt anesthésiée, beaucoup plus rapidement que les larves de la même taille qui, n'ayant pas subi de mue récente, ont des téguments chitineux plus imperméables.
On soumet de nouveau au vide cette larve anesthésiée. On observe de nouveau le dégagement gazeux au même point que précédemment, mais on observe de plus que la larve se gonfle et vient flotter à la surface. Or, ce fait ne se produisait nullement sur la même larve avant qu'elle ne fût anesthésiée. Retenons ce fait, nous y reviendrons un peu plus tard.
Expérience 3. — Larve d^^schna jeune. Vide progressif. On constate ici, lorsque la pression est tombée assez bas, que le dégagement gazeux se produit d'abord à droite, puis que la raréfaction augmentant, une file de bulles prend aussi naissance à gauche. On laisse remonter la pression à la normale, puis on fait le vide de nouveau. On constate alors que les mêmes phé- nomènes réapparaissent dans le même ordre.
La larve a été disposée dans des conditions qui permettent un examen soigné au binoculaire de la région où se produit le dégagement gazeux. On constate que les deux stigmates qui « donnent » sont situés au point de jonction du métathorax et du premier amieau abdominxil, en arrière de l'articulation de la troisième patte.
Ces stigmates sont extrêmement difficiles à voir ; dès que le dégagement gazeux a cessé, il devient très difficile de les
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retrouver, même avec le microscope binoculaire, et quand on connaît exactement leur situation.
H est probable que la très petite impression chitineuse qui existe à leur niveau se soulève et devient apparente au moment où on fait le vide, et qu'elle s'enfonce de nouveau et devient presque invisible dès que l'insecte remonte à la pression normale.
On termine cette recherche par la manœuvre suivante.
Au début de l'expérience, la larve pesait 0 gr. 545. Après l'avoir soumise pour la seconde fois au vide, on laisse remonter brusquement la pression à sa valeur normale. On la pèse de nouveau après l'avoir essuyée. Elle pèse 0 gr. 523. Elle a donc perdu 22 milligrammes de son poids primitif (ce qui s'explique en grande partie, par la perte gazeuse qu'elle a subie).
Mais, et c'est là le fait que je veux mettre en évidence, il n'y a certainement pas eu pénétration d'eau dans le système trachéen par les stigmates ventraux. En efïet, une goutte d'eau de grosseur moyenne (de 20 au gramme) pèse 50 milli- grammes. On aurait donc dans ce cas, observé une augmenta- tion de poids.
La larve est très vive et paraît être en excellente santé. On la met dans un récipient isolé avec un peu d'eau, et on constate une demi-heure après qu'elle est morte. A ce moment, elle pèse 0 gr. 567. Elle a donc augmenté de 220 milligrammes.
J'ai tenu à citer cette expérience avec quelque détail, car il en est presque toujours ainsi quand une larve (ou une nymphe) ayant été soumise à un vide poussé à quelques centimètres de mercure, on laisse la pression remonter brusquement.
Quel est le mécanisme de la mort dans ce cas? Il semble bien qu'on doive l'attribuer à la pénétration de l'eau au niveau des branchies rectales formées de sacs chitineux d'une extrême minceur (à l'intérieur desquels se trouvent des trachées capil- laires). Cette chitine si fragile se trouve violentée au moment d'une brusque variation de pression, et devient lentement perméable à l'eau,
INSECTES AQUATIQUES
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Il n'est pas possible, à mon avis, d'attribuer l'augmentation de poids à une pénétration d'eau par les stigmates, au moment de la hausse subite de pression, car cette pénétration aurait lieu instantanément, avant qu'ils n'aient eu le temps de se refermer.
Le phénomène sera d'ailleurs encore beaucoup plus facile à observer sur les grosses nymphes qui possèdent de grands stigmates parfaitement visibles, même à l'œil nu.
Une dernière remarque : On remet dans l'eau cette larve morte, et on fait un vide pro- gressif dans le flacon qui la con- tient. On constate que les stig- mates ne donnent plus mainte- nant aucune bulle.
L'air emprisonné dans les ca- naux stigmatiques se dilatant sous l'influence de la dépression, on voit l'insecte se gonfler, en particulier le « masque », c'est-à- dire la lèvre inférieure articulée se déploie et devient en quelque sorte turgescente.
Si on laisse remonter la pres- sion, l'animal reprend son aspet habituel.
Les mêmes phénomènes peuvent être reproduits autant de fois qu'on le désire.
Répétons maintenant les expériences précédentes sur des nymphes, c'est-à-dire sur des larves qui ont subi plusieurs mues, qui ont grandi et ont acquis des caractères particuliers (présence de fourreaux alaires, etc.).
Expérience 4. — Nymphe de grande taille à fourreaux alaires bien développés. — Vide progressif. Au moment où la pression dans le vase est tombée à 110 millimètres du mercure, une file de bulles s'échappe du stigmate thoracique gauche. Le stigmate thoracique droit ne donne rien, même lorsque la pres-
Fig. 23. — Nymphe d.'Aeschna sp. (Par- tie antérieure). Pr : prothorax ; Mes : mésothorax ; St : stigmate caché presque entiè- rement sous le rebord du pro thorax.
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sion est tombée au niveau très bas de 10 millimètres de mer- cure.
On laisse remonter la pression à la normale d'une manière lente et progressive.
On recommence la même expérience en portant spécialement son attention sur la région qui donne naissance à la file de bulles.
On remarque que les stigmates se présentent comme deux lon- gues fentes, deux boutonnières 9 ' ' )/Jllj\ dont l'axe est sensiblement per-
"■^^^ ^ //////y pendiculaire à l'axe longitudinal
du corps. Ces stigmates situés à
.pp l'union du pro et du mésothorax
-=^M<g'^«3 „ sont, en temps normal, réduits à
une simple ligne dissimulée dans Mes un repli des téguments de sorte qu'on a beaucoup de peine à les découvrir.
A mesure qu'on fait le vide, l'air contenu dans les trachées se dilatant, les stigmates sont repoussés vers l'extérieur, ils de- Fig. 24. -Kymphed-je*cA«osp. soumise viennent de plus cu plus appa-
au vide dans leau. ^ ^ ^^
Pr : prothorax ; Mes : nu'sothorax ; rcuts, IcS lèvrCS qui IcS limitent 5/ ; stigmate devenu apparent sous
l'action du vide et laissant échapper s'cutr'oUVrcnt Ct finalement Ic une double file de bulles.
gaz contenu dans le système tra- chéen s'échappe sous forme de bulles.
Ce départ a lieu uniquement par Vangle externe du stigmate.
Tous ces faits sont constants, je les ai retrouvés chez toutes les nymphes examinées. C'est tantôt le stigmate droit et tantôt le gauche qui donne des bulles, mais il y a toujours une inégalité très frappante de perméabilité entre les deux. Lorsque le vide est poussé très loin, d'une manière très rapide, il arrive cepen- dant assez souvent que les deux stigmates livrent des bulles de gaz, mais toujours avec une abondance très inégale.
INSECTES AQUATIQUES 215
Enfin, une dernière remarque assez importante : lorsqu'on expérimente sur une grosse nymphe, placée dans d'excellentes conditions d'éclairage, on voit qu'en réalité, il y a deux files distinctes de bulles qui sortent du stigmate. C'est ce qu'on a essayé de représenter sur la figure 24.
Une dissection attentive de la région montre, en effet, qu'il y a en réalité deux grosses trachées qui aboutissent à ce stig- mate. C'est ce qu'a bien vu et bien représenté Oustalet (1869).
D'ailleurs, sur les dépouilles des nymphes abandonnées au moment de l'éclosion de l'insecte parfait, on constate la pré- sence évidente de ces deux troncs trachéens.
Quant aux stigmates thoraciques antérieurs, ils sont certaine- ment imperforés, jamais ils ne donnent naissance à la moindre bulle gazeuse sous l'action du vide.
Oustalet (1869, p. 141) est bien d'avis qu'ils sont imper- forés ( 1 ) et qu'ils « n'acquerront toute leur perfection que lors de la métamorphose. »
Jamais non plus, je n'ai constaté la présence d'aucun stigmate véritable au niveau de l'abdomen comme le voulait Réaumur.
En résumé, les nymphes d^JEschna possèdent deux stigmates véritables et deux seulement. Ce sont deux longues fentes transversales situées dans un sillon intermédiaire au pro- thorax et au mésothorax. Chacun de ces stigmates est double en ce sens qu'il conduit dans deux gros troncs trachéens. Ces deux stigmates sont inégalement pennéables.
Tous les autres stigmates décrits sont de faux stigmates ; les deux stigmates ventraux de la larve paraissent s'être fermés chez la nymphe.
Expériences sur Lihellula depressa.
Les nymphes de la Lihellula depressa sont assez abondantes dans certaines mares bourbeuses et peu profondes.
(1) Oustalet n'est d'ailleurs pas du tout d'accord avec Réaumur, comme il le croit, sur la sUua- tion de ces stigmates. Pour Réaumur, ils sont situés « au-dessus de l'origine d'une des premières jambes, assez près de la jonction du corcelet et du col ». Pour Oustalet, ils s^nt situés au-dessus « de l'origine de la troisiènu patte ».
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Ces nymphes vivent presque continuellement enterrées dans la vase ; elles ont les téguments souillés de particules terreuses et elles servent de support à de nombreux parasites.
Comme Léon Dufour (1841) l'avait déjà remarqué, leurs grands stigmates thoraciques occupent une situation ana- logue à ceux des nymphes de Libellula, mais ils sont beauœup plus apparents. Même à l'état de repos, on les distingue parfai- tement à l'œil nu, sous forme de deux longues fentes perpen- diculaires à l'axe du corps. Dès qu'on fait le vide, on voit ces stigmates proéminer et bientôt s'entr'ouvrir pour donner pas- sage à une file de bulles gazeuses. Ici encore, un des stigmates est toujours beaucoup plus perméable que l'autre.
Comme ces stigmates sont beaucoup plus grands que ceux des Libellula, on peut suivre plus facilement au moyen du bino- culaire ce qui se passe pendant qu'elles sont soumises à la dé- pression.
On constate que la sortie du gaz ne se produit qu'à partir d'un certain degré de vide, mais on voit parfaitement qu'à certains moments, bien que le vide se maintienne et même s'accentue, les stigmates se ferment et que le départ de l'air est interrompu. On a l'impression très nette que les lèvres du stigmate s'abaissent et s'adossent mues activement par des muscles.
Expériences sur les Nymphes de Calopteryx.
Les résultats sont les mêmes que sur les nymphes précédem- ment étudiées.
n y a deux stigmates thoraciques inégalement perméables. Ici encore, ils peuvent être fermés d'une manière active par des muscles spéciaux ; le départ du gaz se produit donc par « bouffées de bulles ».
On sait que ces dernières larves possèdent à l'extrémité de l'abdomen trois branchies foliacées qui sont surajoutées aux branchies rectales. Si une de ces branchies externes vient à
INSECTES AQUATIQUES 217
être blessée comme cela s'est produit accidentellement au cours d'une des expériences que je ne rapporte pas en détail, on voit, au niveau de la lésion, s'échapper une file de bulles, mais cette fois d'une manière continue, l'animal est impuissant à empêcher la sortie du gaz par cette solution de continuité. (1)
Résultats (Venseynhle. Discussion.
En résumant toutes les expériences faites sur les larves d'Odonates, nous obtenons les résultats suivants :
P L'emploi du liquide oléo-éthéré semblerait indiquer que ni les larves, ni les nymphes d'Odonates ne possèdent de stigmates perméables.
2^ L'emploi du vide progressif donne des résultats diffé- rents :
a. Les larves possèdent deux stigmates ventraux extrême- ment petits situés à la jonction du thorax et de l'abdomen. Ces stigmates sont inégalement perméables.
h. Les nymphes ne possèdent plus ces stigmates ventraux ; elles possèdent par contre de grands stigmates dorsaux à chacun desquels aboutissent deux gros troncs trachéens. Ces stigmates sont inégalement perméables.
Ainsi les deux méthodes de recherches employées nous con- duisent à des résultats qui d'une part sont en contradiction, et d'autre part, sont très différents de tous ceux déjà si nom- breux auxquels avait donné lieu l'étude de ces insectes. Il nous faut donc maintenant discuter ces deux points.
A. A propos des résultats opposés fournis par les deux méthodes, remarquons tout d'abord que le résultat négatif obtenu avec la première méthode doit disparaître devant le résultat positif obtenu avec la seconde méthode. Pour qu'il en fût autrement, il faudrait que cette seconde méthode pré-
(1) La différence dans le degré de perméabilité des stigmates ne tient probablement pas à une inégalité de perforation, mais plutôt à une inégalité dans lo degré de tonicité des muscles obturateurs. Ceci résulte d'observations dans le détail desquelles je ne puis entrer ici.
ARCH. DE ZOOL. EXP. EX OÊN. — 5» SÉRIE. — T. Vm. — (II). 1.5
218 p. PORTIER
sentât un vice quelconque que, par exemple, elle fût trop bru • taie et qu'elle produisît une perforation artificielle du stigmate normalement clos.
Or, ceci n'est certainement pas le cas pour les raisons sui- vantes :
P Si un stigmate a laissé échapper ses bulles gazeuses sous une dépression déterminée, 120 millimètres de mercure, par exemple, qu'on laisse remonter la pression lentement à la nor- male, quelques heures après ou le lendemain, en soumettant la même nymphe à une dépression progressive, on constate que le départ des bulles gazeuses a lieu 'pour le même degré de dépression, ce qui n'aurait pas lieu, si on avait créé une perfora- tion artificielle.
20 On peut provoquer la sortie par le stigmate du gaz contenu dans l'appareil respiratoire par d'autres moyens, par exemple en immergeant une nymphe dans l'alcool à 50 pour 100 ou dans l'eau tiède, ou même simplement en déprimant les téguments au voisinage du stigmate en même temps qu'on entr'ouvre celui-ci avec une pointe fine.
Donc, il n'y a pas le moindre doute à conserver ; il est certain que les stigmates décrits chez les larves et les nymphes des Odonates sont bien perforés.
B. Comment alors expliquer la contradiction existant entre les résultats des deux méthodes?
Cette contradiction n'est qu'apparente et voici pourquoi.
Empiétant sur les expériences qui vont suivre, nous pouvons dire que si les liquides, tels que l'huile ou mieux l'huile éthérée pénètrent par les stigmates à l'intérieur du système trachéen, cela tient à la constitution j^hysique du stigmate.
Celui-ci est percé au centre d'un orifice chitineux qui est limité sur son pourtour par un anneau de chitine hydrofuge, c'est-à-dire de chitine qui ne se laisse pas mouiller par l'eau ordinaire. Cette disj)osition met le système trachéen à l'abri de l'enva- hissement par l'eau environnante, mais elle a un inconvénient, c'est de provoquer l'introduction dans la trachée de tout Uquide
INSECTES AQUATIQUES 21'J
capable de mouiller la chitine hydrofuge, et cela par simple capillarité.
L'immense majorité des stigmates des insectes sont cons- truits sur ce modèle, aussi le liquide oléo-éthéré convenable- ment coloré, devient-il un véritable réactif do tout stigmate perforé.
Mais il y a quelques rares exceptions, et le stigmate des larves et des nymphes d'Odonates en fait précisément partie. Lors- qu'on examine ces organes dans des conditions favorables, lorsque surtout on pratique des coupes perpendiculaires à Taxe, on reconnaît que cet organe a ici une constitution particulière. Le cadre chitineux hydrofuge existe bien, mais il eit surmonté d'une autre zone chitineuse noïi hydrofuge ; lorsque le stigmate est fermé, cette dernière seule apparaît au niveau des tégu- ments. Dans ces conditions, une goutte d'huile ou d'un liquide analogue déposé sur la région stigmatique n'aura aucune ten- dance à pénétrer dans le système trachéen.
En somme, de par la constitution anatomiquc du stigmate, l'emploi du liquide oléo-éthéré est à rejeter, il ne peut donner dans ce cas qu'une indication fausse, si on lui demande de jouer le même rôle que chez les autres insectes.
Ainsi disparaît la contradiction entre les deux méthodes qui n'était qu'apparente.
RÔLE THYSIOLOGIQUE DES STIGMATES DES LARVES ET DES
NYMPHES d'Odonates.
On sait que les larves et les nymphes d'Odonates mènent une vie essentiellement aquatique. Elles sont constamment immergées et se tiennent même presque toujours sur le fond de mares ou flaques d'eau très polluée. Elles sont d'autre part, très largement pourvues de branchies qui doivent amplement suffire à l'acte respiratoire. On se demande dans ces conditions de quelle utihté peuvent être des stigmates destinés uniquement 'à respirer l'air à l'état gazeux.
220 P. PORTIER
Réaumur pensait que les stigmates étaient chez les larves et nymphes d'Odonates des orifices d'expiration ; l'air neuf eût été absorbé par les branchies, et Tair usé expulsé par les stigmates. L'observation la plus soutenue de larves respirant avec activité ne permet jamais de constater le plus léger déga- gement gazeux en temps normal au niveau des stigmates.
Léon Dufour a émis une autre hypothèse qui a beaucouj) plus de chance d'être vraie. Il pense que les stigmates servent aux nymphes à respirer l'air en nature dans le cas où les mares qui les contiennent viennent à se dessécher ; les nymphes de Libellula habitant des flaques d'eau très peu profondes seraient très exposées à cet inconvénient ce qui exphquerait la présence chez elles de stigmates très développés.
En fait, les larves et les nymphes retirées de l'eau vivent par- faitement et très longtemps dans l'air humide comme je m'en suis souvent assuré ; mais il n'est pas certain que, dans ces con- ditions, les branchies rectales ne puissent continuer à fonc- tionner
Il me semble possible aussi que les stigmates soient des sortes de soupapes de sûreté, destinées à laisser échapper un peu d'air lorsque la tension de celui-ci acquiert une valeur exagérée à l'intérieur du système trachéen, soit sous l'influence de la dépression atmosphérique, soit plutôt sous l'influence d'une rapide élévation de température, lorsque la nymphe passe du fond d'une mare aux bords ou à la surface chauffés par le soleil.
En fait, nous avons vu qu'on observait un dégagement gazeux dans ces conditions.
Mais, à mon avis, le rôle le plas important des stigmates (et ici j'ai uniquement en vue les gros stigmates thoraciques des nymphes) est le suivant.
Ce sont des appareils cféclosion.
Les phénomènes de la métamorphose des Odonatcs, et, en particulier, ceux de l'éclosion de la Libellule déprimée ont été étudiés, il y a longtemps déjà,par JoussetdeBellesme (1878).
INSECTES AQUATIQUES 221
J'ai assisté moi-même plusieurs fois à l'éclosion de nymphes de Libellula ou d\^schna. C'est un phénomène des phis frap- pants en raison de l'accroissement rapide de l'insecte parfait au sortir de l'enveloppe de la nymphe et de l'énorme différence de taille qui existe entre les deux états.
Ainsi la longueur totale de la nymphe de la Libellula cle- pressa est de 25 millimètres environ, tandis que celles de Vimago est de 41 millimètres, le thorax passe de 7 à 12 milU- mètres ; pour les ailes, le fait est encore plus frappant ; les four- reaux alaires mesurent 7 millimètres et les ailes développées 36 millimètres. Et, comme le fait remarquer Jousset de Bel- lesme, l'écart entre les dimensions de la nymphe et celles de Vimago est d'autant plus frappant, que le développement complet de celui-ci se fait en moins d'une heure.
Quel est le mécanisme de ce développement si remarquable et si rapide? Le même auteur nous l'a fait connaître, et j'ai pu vérifier l'exactitude des faits annoncés, mais il y a un point essentiel sur lequel je diffère d'avis avec lui.
Voici du reste, la relation d'une de mes observations d'éclo- sion,
F^* juin 1910. 9 heures du matin. Une Libellula depressa vient de quitter l'enveloppe chitineuse de la nyfliphe à laquelle elle est fixée par ses pattes. Son abdomen est extrêmement distendu et transparent. Il n'existe pas de sillon à la partie ventrale comme chez la Libellule éclose depiiis quelques heures.
Les trois paires de gros stigmates thoraciques sont parfaite- ment visibles ; les stigmates situés à l'union du prothorax et du mésothorax sont ouverts et semblent en pleine fonction.
Sous l'abdomen, on aperçoit aussi nettement une double rangée de stigmates beaucoup plus petits que les précédents. Il y en a une paire à chaque anneau. Ils sont certainement perméables, car de l'huile à laquelle on a incorporé du noir de fumée pénètre par ces orifices et gagne les plus fines ramifi- cations (1).
(1) .Té m'en suis assuré pn fixant ries nicrreaiix dp tissu? et les débitant en coupes.
222 P. PORTIER
On fixe l'animal sur le fond liégé d'une cuvette et on le dis- sèque dans le chlorure de sodium à 6 pour 1000.
Aussitôt que les téguments très mous de l'abdomen sont incisés, on voit apparaître une sorte de ballonnet dont l'enve- loppe mince, transparente, ressemble à de la baudruche. C'est la partie moyenne du tube digestif, le ventricule chylifîque extrêmement distendu par une masse d'air qui le remplit. On voit ramper à sa surface :
P De nombreuses trachées dont les fines ramifications se perdent dans ses parois ;
2P Le vaisseau dorsal situé sur la partie supérieure et mé- diane ; il est animé de contractions rythmiques.
3° Deux bandes latérales brunâtres auxquelles aboutissent de nombreuses trachées. Ce sont les ovaires, ainsi que le prouve l'examen microscopique (1).
En continuant en avant l'incision des téguments, on cons- tate que les portions antérieures du tube digestif (œsophage) sont également distendues par une masse d'air située à leur intérieur.
Le tube digestif ainsi gonflé d'air vient presser sur les organes environnants, il augmente la pression du sang, notamment à l'intérieur de l'aile qui acquiert une véritable turgescence. Jousset de Bellesme a prouvé que c'est là qu'il faut voir le mécanisme du développement rapide des divers organes de la Libellule. Si, en effet, on vient à vider d'air le tube digestif en introduisant par l'anus une tige creuse de graminée, le déve- loppement de l'insecte est immédiatement arrêté et ne repren- flra plus.
Mais par quel moyen le tube digestif peut-il ainsi s'emplir d'air? Jousset de Bellesme n'hésite pas à avancer que c'est par un phénomène de déglutition.
« Dès que la tête de l'insecte est sortie de son enveloppe,
(1) Cos. ovaires présentent, un phénomène rnmarrjnal)!^ que je ii'ai pas vu décrit; quand on vient i\ les pincer dans le ddorure de sodium, ils se contractent énergiciueincnt. T,'cxaiiien niicros- ciipi(|ue ne in'ii pas pennis^d'y découvrir de libres musculaires striées.
INSECTES AQUATIQUES 223
u celui-ci déglutit de l'air : il en emmagasine peu à peu dans « son tube digestif autant qu'il en peut contenir. C'est par la « bouche que l'air est introduit, car le thorax est gonflé à une « époque où l'abdomen ne l'est pas encore. » (p. 55).
Voici le point sur lequel je cesse d'être d'accord avec l'au- teur cité et voici pour quelles raisons :
P La bouche de la nymphe des Odonates a une organisation qui ne lui permet pas de déglutir l'air. Elle ne possède pas de parties molles et musculeuses capables d'emprisonner de l'air dans la cavité buccale.
'2P Le gonflement de l'insecte précède sa sortie de Venveloppe nymphale. On voit le thorax de la nymphe se gonfler et les téguments éclatent suivant une ligne médiane située entre les fourreaux alaires.
Or, à ce moment, la tête de Vinsecte est encore dans son enve- loppe ; donc le mécanisme indiqué par Jousset de Bellesme n'est point acceptable.
Mais alors quelle est la voie d'introduction de l'air ?
Si on examine le tube digestif gonflé, on voit en le réchnant, que, sur sa surface inférieure, rampent deux très grosses tra- chées plates. Ce sont elles qui envoient à l'organe ces nombreu- ses ramifications dont nous avons déjà parlé.
Elles vont prendre naissance aux deux gros stigmates tho- raciques déjà perméables chez la nymphe.
Voici, à mon avis, comment les choses se passent. Dès que la nymphe est sortie de l'eau et s'est solidement fixée sur une plante aquatique, ses gros stigmates thoraciques s'ouvrent et l'air est introduit par là dans le système trachéen. Les grosses trachées thoraciques les seules gonflées à ce moment portent l'air à l'intérieur des parois du tube digestif. Il se pro- duit alors sans doute un véritable phénomène de sécrétion gazeuse de la part des cellules épithéliales de l'intestin moyen, phénomène analogue à celui qui se passe dans la vessie natatoire des poissons ; l'air peut être ainsi accumulé sous pression dans le tube digestif hermétiquement clos au niveau
2-2ir V. PORTIER
de l'œsophage et de la terminaison de l'intestin moyen (1).
Il existe évidemment un moyen de prouver le bien-fondé de cette manière d'envisager le phénomène, c'est d'obturer les gros stigmates thoraciques au cours des phénomènes de la métamorphose et de voir que ceux-ci sont entravés. On pour- rait, par exemple, déposer une goutte d'huile ou de paraffine liquéfiée sur les stigmates thoraciques, soit chez la nymphe déjà fixée, soit chez r imago au moment où le thorax sort de l'enveloppe. Les circonstances ne m'ont pas encore permis de réaliser cette expérience.
Je ferai enfin une dernière remarque. Etant donné ce que nous avons vu chez la chenille de Nymphula stratiotata et ce que nous constaterons aussi sur d'autres larves, en particulier sur celle du Dytique, il ne me semble pas impossible qu'à la fin de la nymphose, tous les stigmates et même les stigmates abdominaux puissent devenir perméables. Ainsi se trouverait vérifiée et expliquée l'affirmation de Réaumur qui aurait examiné des nymphes mûres.
En faisant ces réserves au sujet des quelques points qui restent à éclaircir, on peut résumer dans les propositions sui- vantes, les faits que nous avons établis sur l'appareil respiratoire des Odonates.
Conclusions générales :
P Le système respiratoire des larves et des nymphes d'Odo- nates n'est pas clos ; il n'appartient pas au type apneustique, comme le voulait Palmen.
2P Chez la larve, il existe deux stigmates ventraux situés à l'union du dernier anneau thoracique et du premier anneau abdominal.
3" Chez la nymphe, les stigmates précédents se sont fermés. Par contre, il existe deux gros stigmates situés sur la partie dorsale du thorax dans un sillon intermédiaire au prothorax et au mésothorax. Deux grosses trachées aboutissent à chacun de ces stigmates.
(1) On constate en effet que laréplétion gazeuse du tube digestif s'arrête toujours au niveau i!i^ rinsortion, de» tutirs de >lal!)iglii. T.e rectum n'y prend jamais part.
INSECTES AQUATIQUES 225
4^ En raison de leur structure particulière, ces stigmates ne sont perméables ni à l'eau, ni aux graisses ou à leurs solvants (savon, éther..,)
C'est grâce à cette disposition que les larves et les nymphes d'Odonates peuvent peupler les mares où l'eau très polluée ne permet la vie d'aucun autre insecte à stigmates perméables.
50 Les stigmates des larves et des nymphes sont des « appa- reils de sûreté » permettant la sortie d'une certaine quantité d'air dans le cas de suppression à l'intérieur du système tra- chéen.
Les gros stigmates thoraciques des larves peuvent suppléer à la respiration branchiale en cas de dessèchement des mares,
Leur principale fonction se manifeste au moment de la méta- morphose. Ce sont des stigmates cféclosion.
On voit que les conceptions morphologiques et physiologiques auxquelles j 'aboutis diffèrent beaucoup de celles des nombreux auteurs qui ont étudié la question avant moi.
Elles me paraissent devoir être préférées, car elles sont le résultat d'une technique bien supérieure à celle qui avait été utilisée jusqu'à présent.
IV. — Étude de larves et insectes parfaits respirant toute leur vie l'air en nature au moyen de stigmates.
Jusqu'ici, nous avons étudié soit des types de Trachéates apneustiques extrayant au moyen de branchies l'air dissous dans l'eau, soit un type de transition : les larves et nymphes de Libellules qui sont pourvues en même temps de branchies et de stigmates, mais qui n'utilisent jamais ces derniers dans les conditions normales.
Nous allons maintenant expérimenter sur des types (larves et imagines) pourvus d'un système trachéen fonctionnant normalement et constamment pour l'approvisionnement de Vair en nature.
Plan du travail. — Nous allons voir que les insectes aquatiques
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que nous allons étudier, ainsi que leurs larves ont des orifices stigmatiques qui s'ouvrent à la surface de l'eau ou tout au moins très près de celle-ci. Deux questions vont surtout nous occuper :
1° Comment se fait-il que l'eau ne s'introduise jamais dans le système trachéen à travers ces stigmates. Par suite de remous, de clapotis, il doit arriver fatalement que l'eau vienne à couvrir le stigmate ouvert aux différents temps de l'acte respiratoire et en particulier au moment de l'inspiration. Y a-t-il dans ces cas, introduction d'eau dans le système trachéen comme cela se passe chez un vertébré qui « boit un coup » pour employer une expression vulgaire, mais juste et imagée.
Sinon, quel mécanisme prévient à coup sûr cet accident fâ- cheux ?
2° Nous avons déjà rappelé incidemment que les corps gras (huile) avaient la propriété de pénétrer les stigmates des insec- tes. Le fait était déjà connu d'AmsTOTE qui admettait que les insectes ne respirent pas, mais qui avait vu cependant qu'ils meurent dès qu'on huile leurs stigmates. Il a été retrouvé par Malpighi, Spallanzani, Réaumur.
En vertu de leur faible densité, les corps gras se localisent à la surface de l'eau ; les huiles s'y étendent sous forme d'une mince pellicule, les particules imprégnées de substances grasses (grains de pollen, noir de fumée, etc.), flottent sur la surface, et, en vertu d'un phénomène capillaire bien connu, sont attirées par les corps flottants de mêmes propriétés physiques. Il résulte de ces remarques que les stigmates des insectes aquatiques qui s'ouvrent au contact de la surface ont beaucoup de chance de se trouver en rapport avec des substances qui sont capables de les pénétrer ; de là, des occasions sans cesse renouvelées d'asphyxie ou de contamination qui sont loin d'exister au même degré chez les insectes aériens.
Il nous faudra donc chercher par quels moyens les insectes aquatiques parviennent à lutter victorieusement contre ces causes de destruction.
P Larves de Dytiscides. — Nous commencerons par étudier
INSECTES AQUATIQUES
227
st.
aux deux points de vue que nous venons d'exposer les larves des Dytiscides, et nous choisirons parmi elles trois espèces communes dans les étangs des environs de Paris : Dy- ticus marginalis. L., Hyda- ticus sulcatus L., Cyhisteter laterali marginalis de Géer. Toutes ces larves appartien- nent au type métapneus- tique.
A. Description anato- mique de Vappareil respira- \j '^%- toire.
a. Vue d^ensemble. Lors- qu'on a ouvert une de ces larves et qu'on a enlevé les -j-^ téguments dorsaux, on voit jpj apparaître de chaque côté du corps deux longs rubans Cœ brillants, ce sont les grosses trachées longitudinales. (Tr. fig. 25 et fig. 26.) Elles pré- sentent des particularités très frappantes.
1° Elles sont énormes par rapport à la taille de la larve ;
'2P Elles ne sont pas cylin- driques comme toutes les trachées, mais leur section transversale est elliptique.
2P Leur calibre va en crois- sant lorsqu'on s'éloigne des stigmates postérieurs et qu'on les suit vers la partie antérieure de l'insecte. C'est là un fait très remarquable et tout à fait en désaccord avec ce qui se passe
St.
Oe
Fi^. 25. — Hydaticus gulratus L. Larve montrant les systèmes digestifs et respiratoire, œsophage ; V. e. : ventricule eh.vlifi(iue (in- testin moyen); T. M. : Tubes de Malpighi entourant l'intestin postérieur; Cas .'Cœeum; Tr : grosses trachées longitudinales; hi : Bi- furcation de cette trachée au niveau du pre- mier anneau; Tr. i. : branche trachéenne destinée à l'intestin postérieur et aux tubes de Malpighi; St : stigmates postérieurs ; st : stigmates latéraux (faux stigmates); FI cerques ou flotteurs.
228
P. PORTIER
chez les insectes terrestres. Là, en effet, le tronc trachéen qui
part d'un stigmate se divise en branches d'un calibre plus faible qui se subdivisent elles- mêmes à la manière d'un arbre qui se ra- mifie ;
40 Ces gros troncs trachéens présentent une tendance à la mé- tamérisation. Ce carac- tère s'accentue au ma- ximum chez la larve de Cyhisteter où la tra- chée longitudinale pré- sente un étranglement très accentué au ni- veau du début de cha- cun des anneaux ;
50 Enfin, ces énor- mes rubans trachéens plus ou moins aplatis présentent la striation caractéristique de ces organes due, comme on le sait, à la présence du fil spiral, mais elles ne sont jamais d'un blanc pur ; elles sont grisâtres ou d'une cou- leur cuivrée. Nous avons fait une remar- que analogue au sujet des grosses trachées des Libellules. Anastomoses. — Ces grosses trachées longitudinales «ont iso-
Fig. 26. — Larve de Cybiste'er UHeri-marglnalis. Ce : œsophage \V.c.: ventricule chyliflque ; / ; intestin : R : rectum; Cœ : pœcuiu; Tr : grosse traclifp lon- gitudinale; trl.tr2: bifurcation anti^rieure de la grosse trachée ; St : stigmate.
INSECTES AQUATIQUES 229
lées l'une de l'autre sur la plus grande partie de leur trajet, mais elles sont réunies par des anastomoses transversales à la partie antérieure (au niveau de premier anneau) et à la partie postérieure (au niveau du dernier ou des deux derniers an- neaux (1) ).
Trachées secondaires. — Les deux gros troncs longitudinaux fournissent sur leur parcours des branches secondaires qui se rendent aux différents organes et tissus du corps.
Parmi celles-ci, il en est de remarquables qui doivent nous arrêter.
a. Du côté externe, les gros troncs envoient dans chaque
l'. — V;/liciis iiiiiri^hm/is L. Larve au moiiient de la métamorphose eu nymphe vue de prj- lil de manière à. montrer la situation des stigmates latéraux qui deviennent perméa- bles à ce moment. T .• tête. Los différents anneaux sont désignés par leurs numéros d'ordre. Chaque anneau, excepté le pre- mier, porte un stigmate. Celui du troisième anneau est très petit et reste imperforé. Le 11» anneau porte les gros stigmates terminaux (non visibles sur le dessin).
anneau un court diverticule rectiligne qui va s'insérer sur la chitine au niveau d'une tache stigmatiforme. Ce sont bien là, en effet, de faux stigmates latéraux qui restent imperforés pen- dant la durée de la vie larvaire.
Ces faux stigmates existent sur les côtés de tous les anneaux excepté du premier, qui n'en porte pas. Celui du troisième anneau est très petit. Le stigmate du onzième ou dernier an- neau est terminal et perforé, il forme l'entrée de la grosse trachée latérale.
h. Du côté interne, les trachées principales envoient une très grosse branche secondaire qui va se distribuer à l'intestin pos-
(1) Cette disposition varie dans les diffireats genres. ■ .
230 P. PORTIER
térieur, mais surtout aux tubes de Malpighi, qui entourent cet organe.
D'autres branches beaucoup moins importantes se distribuent aux différentes zones du tube digestif.
Mode de terminaison des grosses trachées latérales.
En arrière, elles se terminent comme nous l'avons vu aux grands stigmates postérieurs, nous reviendrons dans un instant sur la disposition anatomique détaillée de cette région.
En avant, les troncs longitudinaux se comportent de la ma- nière suivante :
Au niveau du premier anneau qui est beaucoup plus long que les autres et présente une forme conique, les troncs principaux après s'être envoyé une anastomose transversale se subdivisent.
Chaque tronc donne ainsi naissance à deux gros troncs lon- gitudinaux parallèles et situés dans un même plan vertical ; ils pénètrent dans la tête et se distribuent au système nerveux et surtout aux puissantes masses musculaires de la région.
Trois autres troncs plus grêles se détachent également de la trachée principale, près de la bifurcation précédente ; le plus gros plonge vers le ganghon sous-œsophagien ; les deux autres se distribuent à la paroi du corps.
En résumé, chez la larve métapneustique des Dytiscides, les deux grosses trachées longitudinales commencent aux stig- mates terminaux ; elles se dirigent en avant en s' élargissant progressivement.
Au niveau du premier anneau, elles se subdivisent en plu- sieurs branches qui se distribuent à îa tête.
Sur leur trajet, les deux gros troncs principaux envoient vers l'extérieur de courtes branches rectilignes qui se rendent aux faux stigmates ; vers l'intérieur différentes branches qui se distribuent aux organes voisins (muscles et tube digestif). Parmi ces branches, l'une d'elles présente un développement énorme, c'est celle qui se rend à l'intestin grêle et aux tubes de Malpighi.
INSECTES AQUATIQUES
231
Apjxireil stigmatique postérieur.
Il est très important pour nous de nous arrêter quelques ins- tants sur cet appareil et de le décrire avec soin, car il présente une structure très remarquable, et c'est son étude qui nous donne la clé des phénomènes que nous aurons à envisager. o.n St I
FiR. 28. — Dytwus marginalis L. Région stigmatique de la larve représentée au moment où l'in- secte respire tranquillement à la surface de l'eau. FI, FI : flotteurs ou cerques ; St : stigmate largement ouvert ; l : appareil d'occlusion (lanio mobile se déplaçant parallèlement :\ l'ouverture stigmatique) ; t ; tubercule avec poils tactiles ; an : anus ; tr : grosse trachée longitudinale gauche.
1° Larve de Dytique. — Nous allons d'abord étudier l'appareil stigmatique postérieur chez la larve du Dytique.
Pour ce faire, la meilleure méthode consiste à maintenir quelque temps sous la surface de l'eau une larve qui a fait peu de temps auparavant un repas copieux. On la place ensuite dans un petit vase à parois verticales disposé sous l'objectif du microscope binoculaire. Dans ces conditions, l'insecte vient respirer avec avidité à la surface, et on peut examiner à loisir sa partie postérieure.
232
P. PORTIER
Voici comment elle est constituée (fig. 28). On aperçoit deux longs flotteurs fl, les cerques, sortes d'appendices chitineux coniques garnis sur leurs côtés de poils chitineux. La chitine qui constitue tout cet appareil ne se laisse pas mouiller par l'eau (1) ; lorsque la larve étale à la surface ces flotteurs, l'eau est déprimée à leur contact et leur résistance à l'enfoncement
est suffisant pour maintenir Tr la larve et l'empêcher de couler au fond.
Au-dessus des flotteurs, se trouve l'extrémité posté- rieure du corps, celle-ci est constituée par une sorte de tronc de cône fermé par un diaphragme de chitine mince, gaufrée, hydrofuge et qui rappelle tout à fait la baudruche par son appa- rence.
A droite et à gauche s'ou- vrent les deux grands orifices stigmatiques de forme ellip- tique qui sont percés dans ce diaphragme. Chacun d'eux est Umité sur son pourtour par un ourlet de chitine plus ferme que celle de la région voisine ; à la partie supérieure du stigmate, le rebord de chitine s'accentue sous forme d'une petite lame tranchante (peu visible sur le dessin).
Sur le bord externe de chaque stigmate existe un petit tubercule noir t qui porte deux poids tactiles.
Quand on regarde de face le stigmate largement ouvert lors d'une respiration active, on voit, dans la profondeur, une sorte
0
Fis?. -9- — Di/liciis mtirffiniilis L. (Larve). Tradiée et appareil stigmatiquc isolés. 0 : ouverture du stigmate; P : Toil scnsitif ; Cut : Cuticule chitineuse faisant partie du revêtement général de 1 1 larve ; n et 6 ." Pre- mière portion de la trachée formée d'une chitine mince, molle se plissant et se repliant facilement sur elle-même. Elle est revêtue à son intérieur d'un lacis de fda- ments chitineux formant un revêtement spongieux. F : Appareil de fermeture ; Tr : Véritable trachée à fll spiral.
(1) Ijo D' Bhocher (1910) dans nu travail tout récent donne une explication ditfi rente du l>hénomènc. Do nouvelles recherches mo paraissent ucecssaires pour ({ue je puisse me faire une opinion forme sur le bien fondé de sa théorie.
INSECTES AQUATIQUES
2:53
de cloison verticale, incomplète, de lame 1 c[ui s'insère sur le côté interne de la trachée et qui s'avance vers le côté externe. Chose curieuse, cette lame n'occupe pas une situation fixe, elle disparaît quelquefois comme si elle se perdait dans la paroi interne de la trachée ; à d'autres moments, elle s'avance au contraire, comme un rideau qui masque de plus en plus la lumière de la tra-
chée en glissant en arrière de son ori-
B
.n
sp-
fice, et qui même peut l'obturer com- plètement. On re- marque que les mouvements de ce rideau vertical sont soumis à un rythme qui est synchrone avec celui de la respiration; il sem- ble bien que la phase d'inspiration coïn- cide avec l'état de rétrécissement de la trachée.
Des stigmates, on voit partir les gros- ses trachées longitudinales tr. qui se dirigent vers la partie antérieure de l'animal.
Voici à peu près tout ce que nous révèle l'examen extérieur de la larve. Nous allons maintenant utiliser la dissection et les coupes pour prendre une idée exacte de la conformation inté- rieure de cette région stigmatique.
Supposons qu'un explorateur de taille adaptée à celle de la trachée pénètre par l'ouverture du stigmate. Voici les diffé- rentes zones qu'il rencontrera en s'avançant le long de ce tube.
Fig. 30. — Di/ticus marginalis (Larve). Revêtement chitiiieux interne de la premii^re portion de la trachée (entre l'ou- verture stigmatique et l'appareil d'occlusion). A : Un fragment du revêtement chitineux a été isolé par dissooiation. On voit les fllaments de chitine jaunâtre anastomosés et formant par leur réunion un tissu spongieux.
Les mêmes filaments en place dans la partie de la tra- chée correspondant à l'appareil de fermeture. On voit le pa.ssage graduel entre le tissu spongieux sp et le til spiral // caractéristique des trachées ordinaires.
B
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN.
5' SÉRIE. — T. Vni.
(II).
le
234
P. PORTIER
Tr,
D'abord une paroi formée d'une chitine jaunâtre, mince, se
plissant, se chiffonnant facilement, pourrait-on dire (fig. 29).
En y regardant de près, il verra que la surface intérieure de
ce conduit n'est pas lisse, mais est constitué par un lacis, une
intrication de filaments jaunâtres anas- tomosés les uns avec les autres (fig. 30). Dans cette zone, la paroi intérieur du tube trachéen est donc garnie d'unc^ sorte de couche spongieuse dont les canaux sont d'une extrême finesse.
En continuant à s'avancer vers les parties profondes de la trachée, notre explorateur rencontrera une sorte de défilé. En ce point, en efiFet, la trachée est comprimée, rétrécie par un anneau cliitineux très épais et très dur, c'est r appareil de fermeture (fig. 29 F.) sur lequel nous allons revenir dans un ins- tant.
Dès qu'on a franchi ce défilé, la tra- chée s'élargit subitement, et, en même temps, la structure de la paroi change. Les filaments du tissu feutré s'ordon- nent en lignes parallèles de plus en plus nettes, le tissu spongieux se raréfie et progressivement fait place au fil spiral caractéristique de toutes les trachées de calibre gros ou moyen du corps des insectes (fig. 30 fl). On voit donc que le tissu chitineux spongieux dont la j)ré- sence à l'entrée des trachées est constante chez les insectes aquatiques, n'est qu'une modification du fil spiral caractéris- tique de toutes les trachées.
Appareil de fermeture. — Il nous faut maintenant revenir avec quelque détail sur l'appareil de fermeture.
Tr.
Fig. 31 . — Cyhisteter laterali-mur- ginalis de Gcer (Larve). Ex- trémité inférieure de la tra- ciiée principale drjife. Tr, : portion de la tracliée par- tant du .stigmate ; Tr, .- por- tion de la tracliée située au-delà de l'appareil de fer- meture ; a, : arceau chiti- neux externe de l'appareil de fermeture ; A^ : arceau interne ; M : muscle pro- duisant l'occlusion par sa contraction.
INSECTES AQUATIQUES
235
Fig. 32. — Cyhisteter (Larvt ). Appareil d'occlusion de la trachée droite h l'entât do repos (Schéma) Tr : trachée ; «, .• arceau chitineux externe ; a2 : arceau chitineux" interne ; api. ap'2 : apo- physes antérieure et postérieure de l'arceau interne ; M : muscle d'occulsion relâché.
Il a été décrit par Krancher (1881, p. 557 et fig. 24). Mais le texte et la figure qui l'accompagne sont bien peu clairs ; j'ai donc repris l'étude de x
cet appareil. J'aurai surtout !
en vue celui de la larve de Cyhisteter, mais je me suis assuré que la disposition anatomique et le fonction- nement de cet organe sont les mêmes chez les diffé- rentes larves de Dytiscides ; elles ne diffèrent que par des détails insignifiants.
L'appareil d'occlusion a une structure très simple. Il est composé de deux ar- ceaux chitineux très durs ai et a2 (fig. 31) qui comprennent entre eux la trachée.
L'arceau ai comprend à peu près une demi-circonférence, l'arceau a2, un segment de cir- conférence bien plus restreint, mais à rayon beaucoup plus grand.
L'arceau a2 porte à ses extré- mités deux apophyses api,ap2, aux pointes desquelles s'atta- chent les extrémités d'un mus- cle M. (fig. 32).
Les deux arceaux sont indé- pendants en ce sens qu'une macération dans la potasse caustique les livre toujours séparés l'un de l'autre, mais sur le vivant, ils sont réunis l'un à l'autre à leurs extrémités par des brides de tissu conjonctif élastique.
--a.
Fig. 33. — Jlème appareil d'occlusion eu action. Le muscle M s'est contracté et la trachée a été écrasée entre les deux arceaux chitineux.
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La simple inspection des figures ci-contre permet de se rendre compte du mode de fonctionnement de cet appareil. La fig. 32 représente l'appareil au repos. Le muscle M est relâché. En vertu de leur élasticité, les deux arceaux ont pris leur forme normale, leur courbure est minima et la trachée comprise entre eux est largement perméable. La figure 33 représente, au con- traire, l'appareil en fonction. Le muscle M, s'étant raccourci, a tiré sur les deux apophyses et la courbure de l'arceau as s'est beaucoup accentuée ; l'arceau ai tiré par l'intermédiaire des brides fibreuses a suivi. L'espace compris entre les deux arceaux va donc toujours en diminuant à mesure que le raccourcissement du muscle s'accentue. Pendant ce mouvement, la trachée se trouve comprimée, écrasée et finalement elle est obturée d'une manière complète.
Le mécanisme de fermeture rappelle étroitement celui qui est employé dans certains de nos appareils médicaux pour fer- mer un tube de caoutchouc par écrasement.
Je terminerai par les remarques suivantes :
a. Les deux arceaux constituant l'appareil d'occlusion ne sont évidemment qu'une modification très simple du fil spiral tra- chéen ; le fait est d'ailleurs admis par les auteurs qui ont étudié cet appareil chez d'autres insectes où l'adaptation est moins évidente qu'ici.
b. La zone de la trachée qui se trouve comprise entre les ar- ceaux et qui subit l'écrasement a une structure spéciale. Elle est milice et ne possède pas de fil spiral, mais plutôt une trame, un entrecroisement de fils chitineux très fins ; cette texture lui donne une résistance beaucoup plus grande que celle des parties qui sont constituées par le fil spiral habituel. En somme dans le territoire de l'appareil d'occlusion, la trachée est plus facilement dépressible et offre plus de résistance à la déchirure.
c. Maintenant que nous connaissons l'appareil de fermeture, nous nous expliquons parfaitement le phénomène que nous avons observé dans la profondeur de la trachée à travers l'ou- verture béante du stigmate.
INSECTES AQUATIQUES
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Cette cloison mobile qui partait de la face interne de la tra- chée pour se diriger vers la face externe n'était autre chose que l'arceau a2, qui repoussait devant lui la paroi correspon- dante de la trachée dont il s'était coiffé pour s'insinuer dans l'arceau ai.
Nous connaissons maintenant suffisamment l'appareil stigma- tique et ses annexes chez la larve du Dytique. Nous allons rapi- dement passer en revue le même ap- pareil chez quelques autres larves de Dytiscides, et nous verrons que les différences que nous rencontrerons seront de peu d'importance; le plan général reste partout le même.
2° Larve d"" Hydaticus sulcatus. L. L'appareil trachéen est construit sur le même plan que celui de la larve du Dytique (fig. 34).
L'extrémité postérieure de la larve présente deux flotteurs, mais ceux-ci ont des dimensions relatives plus faibles que dans le type précédent et ils ne sont pas garnis de poils chitineux sur les côtés.
Les stigfaates s'ouvrent à l'extrémité postérieure du dernier anneau. Les trachées qui en partent présentent la disposition précédemment décrite. On distingue parfaitement par trans- parence la prétrachée Tri dont les parois sont garnies de tissu chitineux feutré ; elle se présente sur le vivant comme un petit segment de cylindre transparent. En s'avançant vers la partie antérieure de la larve, on trouve alors la vraie trachée Tn, reconnaissable immédiatement à sa teinte foncée et au fil spiral très accentué.
Entre les deux se voit Vappareil de fermeture F qui se pré- sente comme un trait noir très accentué. A la partie interne de la trachée se voient bien les apophyses chitineuses sur
Fig. 34. — Hydatlcus sulcatus L. Der- nier anneau de la larve. St : stigmate ; Tri : prt-trarhée ; TfZ : trachée à 111 spiral ; F : appareil d'occlusion de la tra- chée ; FI : flotteur.
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P. PORTIER
An.
lesquelles s'attachent les tendons du muscU d'occlusion... 30 Larve de Cybisteter laterali-marginalis de Géer. Ici encore, nous trouvons les différents segments précédem- ment décrits ; ils sont admirablement visibles par transparence cliez les jeunes larves (fig. 35).
Au stigmate (St) fait suite la prétrachée (Tri) qui a une lon- gueur relative plus considérable que dans les types précédents.
L'appareil d'occlusion (P) est typique, il a été décrit précédem- ment.
La vraie trachée à fil spiral Tr2 ne s'élargit pas aussi rapidement que dans les types précédents ; elle conserve sensiblement le même calibre dans les deux anneaux postérieurs de la larve. Ce fait tient, je crois, à la forme même de ces anneaux qui sont à peu près cylindriques.
A la jonction du dernier et de l'avant-dernier anneau, on distin- gue parfaitement Vanastomose transversale (An) qui réunit les deux trachées longitudinales.
Enfin, à la jonction des deux anneaux précédents, on voit se détacher de la trachée longitudi- nale une grosse trachée secondaire qui a à peu près le même calibre que la trachée principale ; c'est la trachée intestinale (Tr i) qui se rend, comme nous l'avons vu, au tube digestif et aux tubes de Malpighi.
On remarquera que la portion initiale de cette trachée intesti- nale donne naissance à une trachée d'un calibre beaucoup plus fai- ble; une nouvelle anastomose transversale unit ces deux rameaux.
St
Fig. 35. — Cybisteter luterali-marginalis de Géer. Les 3 anneaux postérieurs de la larve. St : stigmate; Tr\ : prétrachée- Tr2 : tracliée à fil spiral ; An : ana.stomose réunissant les deux trachées longitu- dinales ; Tr i. : gnisse raniifliation trafhéeune se rendant au tiilje di- gestif; P : appareil de fermeture.
INSECTES AQUATIQUES
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On remarquera enfin que la larve du Gyhisteter ne possède pas trace des appendices chitineux si développés chez la larve du Dytique et chez celle de V Hydaticus et que nous avons décrits comme flotteurs, ou cerques. Cette absence tient au genre de vie de la larve du Gyhisteter qui habite sur le bord des étangs, ou dans des pièces d'eau de faible profondeur, le plus souvent au milieu des herbes aquatiques; d'autres fois, elle reste étendue sur la vase recouverte seulement par un ou doux centimètres d'eau.
Dans ces conditions, la larve St
est toujours supportée par un >
corps résistant et elle prend une position qui lui permet de main- tenir ses stigmates à une petite distance au-dessus de la surface de l'eau (1). Son absence de flot- teurs la rend^ absolument inca- pable de se maintenir longtemps à la surface d'une eau profonde sur laquelle rien ne flotte ; dans ces conditions, elle se maintient quelque temps à la surface en nageant au moyen de ses pattes et des deux anneaux postérieurs qui possèdent une articulation très mobile sur le troisième anneau et qui se meuvent dans un plan sagittal. (Comme on le voit sur la figure 35, ces deux anneaux sont garnis sur leurs parties latérales de poils chitineux qui augmentent singuliè- rement l'efficacité du mouvement précédemment décrit.) Mais la larve ne peut soutenir longtemps ces efforts de natation ; fatiguée, elle coule bientôt au fond où elle se noie.
st
Fig. 36. — Cybisieter laterali-marginalis de Géer. Extrémité postérieure de la larve.
ouverture stigmatique entouré d'un mince rebord chitineux denté et garni de poils tactiles fins; t : tu- bercule avec poils tactiles ; Tr ; dé- but de la grosse trachée longitudi- nale gauche vue par transparence.
En résumé, on voit, comme je l'avais annoncé, que toutes les larves des Dytiscides étudiées possèdent des appareils respira-
(1) Cette situation est bien indiquée dans la ftsture 9 qui est la reproduction d'une photographie faite d'après nature.
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toires construits sur le même modèle. Chez toutes, en particu- lier, on retrouve la même disposition de l'appareil stigmatique : Ouverture stigmatique creusée dans un mince diaphragme de chitine hydrofuge ; prétrachée dont la paroi interne est for- mée de filaments chitineux feutrés ; appareil d'occlusion qui partout est un appareil de compression, d'étranglement, pour- rait-on dire, qui est ouvert à l'état de repos en vertu de la simple élasticité de ses parties, et qui se ferme par la constric- tion d'un muscle spécial ; enfin, large trachée à section ellip- tique succédant à la trachée à section circulaire et à calibre' plus faible qui part du stigmate.
Étude expérimentale du rôle de l'appareil stigmatique, de la pré- trachée et de l'appareil d'occlusion.
Expérience 1. — Une larve de Dytique est très occupée à manger une proie. Les stigmates soutenus à fleur d'eau par ses flotteurs sont largement ouverts. Stigmates et flotteurs étant formés de chitine hydrofuge, la surface de l'eau est légèrement déprimée à leur contact. Approchons des orifices stigmatiques un pinceau en contact avec l'eau et efforçons-nous de couvrir d'eau, de noyer ces orifices. Au contact de la lame liquide qui arrive sur le stigmate, nous voyons la chitine mince qui le forme se déprimer, le volume de la prétrachée diminue donc ; il en résulte qu'elle expulse une partie de son contenu gazeux, et nous voyons en effet, une bulle d'air se présenter à l'orifice du stigmate et rester adhérente à ses bords. Si la compression du prestigmate est trop forte, la bulle s'échappe dans l'eau et vient crever à la surface, mais elle est aussitôt remplacée par un autre qui adhère à l'orifice.
Il arrive d'ailleurs assez souvent qu'une larve en se déplaçant plonge dans l'eau ses stigmates ouverts. On les voit alors garnis chacun d'une bulle d'air. Dès que les stigmates reviennent à la surface, leur membrane hydrofuge apparaît instantanément sèche et l'insecte reprend sa respiration normale.
INSECTES AQUATIQUES 241
Ainsi, voici un premier point établi : une larve de Dytique peut plonger dans l'eau ses stigmates ouverts sans qu'une seule goutte de liquide pénètre dans ses trachées.
Ce fait tient d'abord à la constitution physique du stigmate formé d'une chitine hydrofuge qui ne se laisse nullement mouiller par l'eau, et ensuite à la présence d'air dans la pré- trachée qui, dans ce tube capillaire, joue le rôle d'un obturateur gazeux. Cette fermeture gazeuse s'oppose avec autant d'effi- cacité à la pénétration du liquide qu'une fermeture liquitl(^ s'oppose à la pénétration ou à l'échappement d'une masse gazeuse. Il est évident d'ailleurs que le mécanisme intime est identique dans les deux cas.
Cependant une objection se présente à notre esprit. Le méca- nisme précédemment indiqué ne va-t-il pas se trouver en défaut si l'envahissement du stigmate par l'eau se produit pendant une phase d'inspiration. Dans ce cas, aucune bulle d'air ne viendra se présenter à l'orifice stigmatique, et l'eau aspirée ne va-t-elle pas franchir la barrière de chitine hydrofuge pour pénétrer dans la prétrachée.
A l'état normal, les mouvements d'inspiration et d'expira- tion sont difficiles à saisir car ils sont peu accentués ; ils ne se révèlent guère à nous que par les mouvements déjà décrits de l'appareil d'occlusion. Mais nous pouvons les accentuer dans de grandes proportions par le procédé suivant.
Expérience 2. — Une larve de Dytique vient de faire un repas très copieux composé de jaune d'œuf. On la met dans un vase dont les parois verticales ne présentent aucune aspérité. Alour- die par son repas excessif, la larve ne peut plus se maintenir à la surface de l'eau ; ses flotteurs sont devenus insuffisants. Elle tombe bientôt sur le front. On l'y laisse quelques instants, puis on la retire et on la dispose sur le front d'un vase plat con- tenant une quantité d'eau assez faible pour que ses stigmates émergent facilement.
On voit alors la larve faire des mouvements respiratoires éner- giques auxquels toute la surface du corps paraît participer. Par
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transparence, on voit très nettement les gros troncs trachéens longitudinaux se dilater et se resserrer. Ces violents mouve- ments respiratoires se renouvellent environ seize fois par minute.
Pendant que la larve respire avec cette intensité, déposons une goutte d'eau sur ses orifices stigmatiques. Nous verrons qu'instantanément les phénomènes mécaniques de la respiration si accentués sont suspendus. Il y a là un réflexe d'arrêt des plus remarquables.
Le contact de l'eau avec la région stigmatique et en particu- lier avec les poils tactiles produit à coup sûr l'arrêt subit des mouvements respiratoires même lorsque l'insecte est dans un état de dyspnée intense.
Le phénomène est absolument comparable à celui qu'on observe chez un vertébré dont on imprègne d'eau les narines. L'expérience réussit parfaitement, on le sait avec des animaux terrestres comme le Lapin, même après trachéotomisation. On obtient une suspension de la respiration d'une durée encore plus considérable lorsqu'on s'adresse à des animaux aquatiques comme le Canard.
On sait que, dans tous ces cas, les voies centripètes du réflexe sont constituées par des fibres du Nerf trijumeau.
Il existe sans doute chez nos larves des terminaisons ner- veuses très impressionnables par le contact de l'eau et qui jouent un rôle analogue aux terminaisons du trijumeau dans la muqueuse nasale des vertébrés.
L'assimilation avec les mammifères aquatiques peut d'ail- leurs être poussée plus loin, ainsi que les expériences suivantes vont nous le montrer :
Expérience 3. — Considérons encore une larve de Dytique dont les stigmates sont ouverts à fleur d'eau. Si, au lieu de faire arriver sur les orifices une goutte d'eau, nous les excitons mécaniquement avec un corps solide : poils de pinceau, tige de graminée etc., nous voyons les orifices se froncer, puis dis- paraître, la chitine hydrofuge elle-même cesse d'être apparente à l'extérieur.
INSECTES AQUATIQUES
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La fermeture des orifices stigmatiques rappelle un peu celle des orifices garnis de sphincters, et on sait que tel est le cas pour les narines des mammifères aquatiques. Cependant ici, le mécanisme est plus compliqué. Il peut être schématisé bien que d'une manière imparfaite par les dessins ci-contre.
La figure 37 représente la région stigmatique épanouie ; les stigmates sont largement ouverts à la surface de l'eau entourés de leur bordure de chitine hydro- fuge (C. hy.).
La figure 38 représente la même région à la suite de l'excita- tion ; les stigma- tes se sont plis- sés, l'ouverture s'est rétrécie, effacée (beau- coup plus que Fig. 37 cela n'est repré- senté) et, en mê- me temps, la ré- gion stigmatique s'est invaginée à l'intérieur du corps, par suite de la contraction de muscles rétracteurs M. R.
Par suite de cette modification, la chitine hydrofuge n'est plus en contact avec le milieu extérieur. C'est là le point essentiel sur lequel je désire appeler l'attention. La partie postérieure de la larve est maintenant limitée entièrement par la chitine « mouillable » semblable à celle qui constitue l'ensemble des téguments.
La fermeture de l'appareil respiratoire de la larve est main- tenant tout à fait comparable à celle de l'appareil respiratoire
Schéma destiné à montrer le mode de fermeture de l'ap- pareil stigmatique de la larve de Dylicus marginalis. La partie postérieure de la larve est épanouie, les stigmates sont largement ouverts au milieu du diaphragme de chitine hydroluge. St, St : stigmates ouverts ; / / appareil de fermeture ; Tr : trachée longitudinale à fil spiral ; Chy ; chitine hydrofuge ; C. m. : chitine ordinaire (mouillable) de la paroi du corps ; M. R. : muscle rétracteur ; FI : flotteur.
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d'un vertébré aquatique : occlusion gazeuse doublée d'une occlusion par sphincter.
Ce mode de fermeture par rétraction de l'appareil stigma- tiquc est général chez les larves de Dytiscides. Il est très facile à observer chez les jeunes larves de Cybisteter dont le dernier anneau est transparent. On voit parfaitement chez elle le déplacement de l'appareil d'occlusion à l'intérieur du fourreau cliitineux rigide du dernier anneau, déplacement qui matéria- lise clairement la rétraction des M p parties molles hydrofuges à l'in- térieur du corps.
Nous allons maintenant dé- crire quelques expériences qui mettront bien en évidence un des avantages du mécanisme que nous venons d'ex- poser.
Expérience 4. — Une jeune larve de Dyticus marginalis dont les téguments sont transparents est soumise dans l'eau à un vide progressif au moyen d'une trompe à eau.
Vers 2G centimètres de pression, des bulles commencent à s'échapper des stigmates. Elles s'échappent par intervalles, au moment où la larve approche ses stigmates de la surface ; dans d'autres moments, aucune bulle ne s'échappe ; il est à présumer qu'alors l'appareil d'occlusion est fermé.
Quand la pression est descendue à 5 millimètres de mercure, on laisse brusquement et d'un seul coup remonter la pression à la normale. La larve reçoit un choc violent ; elle est un ins-
Fig. 3S. — Contre partie de la figure schématique précédente. Les muscles rétracteurs se sont contractés invaginant la partie I)()stérieure de la larve, attirant à l'intérieur la chitine hydrofuge qui n'est plus en rapport avec le milieu exté-' rieur. La région terminale de la larve est constituée uniquement par de la chitine « mouillable ». Mêmes lettres que dans la figure 34.
INSECTES AQUATIQUES 245
tant sidérée, mais elle se remet rapidement et ne paraît nul- lement malade. L'examen des trachées au microscope binocu- laire montre qu'elles ont conservé leur aspect nacré ; il semble donc bien qu'aucune goutte de liquide n'ait pénétré à leur intérieur.
On recommence la même expérience sur la même larve. Les résultats sont les mêmes. Mais cette fois, le dégagement des bulles gazeuses par les stigmates postérieurs commence déjà à la pression plus forte de 160 millimètres de mercure. Il est à présumer que les muscles de l'appareil d'occlusion sont fati- gués.
La même expérience est recommencée à plusieurs reprises sur des larves de Dyticus, Hydaticus, Cybisteter, mais cette fois en mélangeant à l'eau du carmin pulvérisé d'une manière très fine.
Les résultats sont invariablement les mêmes ; l'examen sur le vivant ou sur la larve disséquée (trachées isolées) permet d'affirmer que jamais une seule goutte d'eau ne franchit l'ori- fice stigmatique.
L'explication de ce fait est évidente quand on connaît la dispo- sition de l'appareil stigmatique. Au moment de l'augmentation brusque de la pression, l'eau tend à pénétrer par l'orifice stigma- tique et à envahir la prétrachée, mais, dans ce mouvement, l'eau refoule devant elle le diaphragme de chitine hydrofuge si facilement dépressiblc et la fermeture étanche s'établit d'elle- même et automatiquement. Elle est même d'autant plus éner- gique que la hausse de pression est plus forte ; nous en donne- rons une preuve plus tard quand nous étudierons l'action de la pression sur les insectes aquatiques.
Afin d'établir le bien-fondé de notre explication, nous allons faire l'expérience suivante.
Expérience 5. — Prenons une larve de Dyticus et d'un coup de ciseaux, amputons l'extrémité postérieure du corps pendant qu'elle est immergée.
Nous constatons d'abord un fait inattendu, c'est que, malgré
246 P. PORTIER
l'absence de l'appareil stigmatique, l'eau n'envahit pas le système trachéen. Les deux trachées longitudinales sectionnées se sont en effet rétractées à l'intérieur du corps ; en même temps, leurs bords se sont accolés étroitement en raison de la forme elliptique de leur section et il s'est formé par ce mécanisme une occlusion étanche des deux gros tubes trachéens.
Sur l'insecte ainsi mutilé, nous faisons le vide. A mesure que l'air contenu dans l'appareil respiratoire se dilate, nous voyons les deux grosses trachées sortir, à la partie postérieure du corps et dépasser d'une quantité appréciable l'enveloppe de chitine.
Bientôt des bulles d'air s'échappent par l'extrémité sectionnée des trachées. On continue à faire le vide jusqu'à ce que la pres- sion soit tombée à 10 millimètres de mercure ; on la laisse alors brusquement remonter à la normale. Cette fois, l'examen microscopique montre que l'eau a envahi les trachées ; elles ont perdu leur aspect brillant, satiné ; si l'eau contenait des grains de carmin, ceux-ci se sont introduits avec l'eau à l'inté- rieur des trachées.
Cette expérience met bien en évidence un des rôles de l'appa- reil stigmatique ; nous allons voir qu'il en a d'autres.
Nous avons vu précédemment qu'un des mécanismes qui empêchaient la pénétration de l'eau par le stigmate ouvert était la présence, autour de l'orifice, de chitine hydrofuge.
Si cette explication est bonne, l'application sur le stigmate ouvert d'un liquide capable de mouiller la chitine hydrofuge doit avoir comme conséquence l'envahissement de la prétra- chée par ce liquide.
L'expérience réussit, en effet, il suffit de déposer une goutte d'huile colorée par l'alcanine sur les stigmates ouverts d'une larve de Dytiscide pour voir aussitôt ceux-ci et la prétrachée envahis à coup sûr.
C'est le phénomène bien connu dont nous nous sommes déjà servis pour décider de la perméabilité de certains stigmates.
Si l'huile doit son pouvoir de pénétration à sa qualité de
INSECTES AQUATIQUES 247
mouiller la chitine qui entoure le stigmate, ce même pouvoir doit appartenir à d'autres liquides : eau de savon, étlier, pétrole, etc., etc..
L'expérience prouve bien qu'il en est ainsi, et on peut s'assurer que les liquides précédents pénètrent par les stigmates ouverts. S'ils ont été convenablement colorés, on peut suivre leur trajet à l'intérieur du système trachéen.
Ainsi, c'est bien une simple loi de capillarité qui s'oppose ou permet la pénétration du liquide dans le système trachéen suivant la nature du liquide choisi.
Mais il est un autre fait qui doit maintenant attirer notre attention. Lorsqu'on enduit d'un corps gras les stigmates d'un insecte terrestre (chenille, coléoptère, etc.), on voit celui-ci perdre en quelques minutes tout mouvement ; il reste complètement inerte, en état de mort apparente.
Si, au contraire, le liquide introduit dans le système trachéen est de l'eau savonneuse, celle-ci est peu à peu résorbée dans les tissus et l'insecte revient à la vie, ses trachées étant rede- venues perméables à l'air.
Ainsi le contact de tous les stigmates d'un insecte aérien avec une graisse liquide ou un liquide do propriétés physiques analogues (huile de pétrole) suffit pour amener sa mort d'une manière certaine. Mais, remarquons-le, dans la nature, l'occa- sion d'un tel accident doit être d'une extrême rareté.
Au contraire, comme nous l'avons fait remarquer, l'insecte aquatique dont les stigmates sont en contact avec la surface de l'eau pendant la plus grande partie de son existence est très exposé à l'accident que nous venons de signaler, les substances grasses en vertu de leurs propriétés physiques restant loca- lisées à la surface de l'eau. H était donc à présumer que les insectes aquatiques devaient avoir subi une adaptation qui devait leur permettre de lutter contre cette cause de destruc- tion.
Nous avons déjà étudié un de ces mécanismes : la fermeture de tous les stigmates et la production de branchies.
248 P. PORTIER
Mais nous devons nous demander si les insectes aquatiques pourvus de stigmates ouverts ne possèdent pas, eux aussi, un mécanisme leur permettant de lutter efficacement, tout au moins dans de certaines limites contre l'envahissement de leur système trachéen par les substances grasses.
L'expérience va répondre à cette question.
Expérience 6. — Une larve de Dytique occupée à dévorer une proie présente ses stigmates ouverts à la surface de l'eau. Nous déposons à leur entrée une goutte d'huile. Celle-ci est. aussitôt absorbée, elle pénètre dans les trachées par capillarité. On voit alors la larve qui, sans lâcher sa proie, fait de violents efforts pour expulser l'huile qui emplit et obture ses prétra- chées. La membrane hydrofuge bombe à l'extérieur, puis se creuse l'instant d'après, indiquant de violents efforts d'expi- ration et d'inspiration qui ne parviennent pas à aboutir.
Après quelques instants de repos, les phénomènes précédents reprennent avec plus d'intensité. La larve est prise d'une véritable « toux trachéenne », mais ces efforts n'aboutissent pas à l'expulsion de l'huile.
Bientôt, la larve de Dytique quitte sa proie ; elle semble très mal à son aise ; elle se recourbe et passe rapidement son extré- mité postérieure entre ses crochets comme si elle cherchait à se débarrasser d'un corps étranger.
Elle entre en fureur et frappe à plusieurs reprises de ses cro- chets la proie qu'elle vient d'abandonner. Nous voyons alors se produire les vomissements aphyxiques qui ont été décrits à propos des phénomènes digestifs.
La larve semble très malade. On la met dans une petite quan- tité d'eau propre de telle manière qu'elle puisse facilement amener ses stigmates à la surface de l'eau.
Peu à peu, les phénomènes précédents s'amendent sans que la moindre trace d'huile soit expulsée au-dehors ; on a l'impression que ses trachées redeviennent peu à peu perméa- bles. Le lendemain et les jours suivants, la larve est en parfaite santé et mange de nouvelles proies avec avidité.
INSECTES AQUATIQUES 240
Ainsi, voici un fait acquis et que j'ai vérifié bien des fois : une larve aquatique à système trachéen métapneustique a ses deux stigmates complètement obturés par de l'huile. Elle présente des phénomènes de dyspnée très accentués, mais, contrairement aux insectes aériens, elle ne présente pas de phé- nomènes paralytiques, elle ne meurt pas, mais se remet com- plètement et rapidement.
L'expérience précédente ne nous apprend presque rien sur le mécanisme par lequel l'insecte parvient à rétablir la perméa- bilité de ses trachées ; c'est ce point important qu'il nous faut élucider maintenant.
Expérience 7. — Une goutte d'huile d'olive dans laquelle on a broyé du carmin est déposée sur les stigmates ouverts d'une larve de Cyhisteter. On a la preuve que le liquide a pénétré dans ce fait que les parois internes de la prétrachée sont teintes de rouge. La larve ne paraît pas d'ailleurs s'en inquiéter beaucoup ; elle se contente de soulever l'extrémité postérieure de son corps très au-dessus de la surface de l'eau, moyen de défense, très fréquemment employé par ces larves, lorsqu'elles ont constaté la présence d'un corps gras à la sur- face de l'eau ; et moyen évidemment très efficace pour éviter une nouvelle contamination.
Une nouvelle goutte d'huile au carmin est déposée sur les stigmates ouverts. Cette fois, la larve réagit vivement ; elle secoue violemment la partie postérieure de son corps comme si elle espérait par ce moyen se débarrasser de l'huile qui adhère à sa région stigmatique. Au bout d'un instant, elle se couche sur le flanc droit. On voit alors avec une netteté par- faite à travers les téguments transparents un long index d'huile rouge qui a pénétré dans le tronc trachéen gauche ; il est animé d'un mouvement de va et vient sous l'influence des efforts d'inspiration et d'expiration.
Au bout de vingt minutes, l'index s'est éloigné du stigmate, a gagné une partie plus profonde de la trachée, et, par consé- quent, nous le savons, une partie beaucoup plus large. On voit
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET OÊS. — 5« SÉRIE. — T. VOT. — (H). 17
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nettement que l'huile rouge s'est localisée sur les bords inférieur et surtout supérieur de la trachée. Quant à la région centrale de la trachée, elle ne contient plus d'huile, la perméabilité du conduit est rétablie. On voit des bulles d'air sortir par les stigmates ; la larve recouvre peu à peu ses allures habituelles et se conserve en bomie santé.
Afin de pénétrer d'une manière plus intime le mécanisme par lequel se rétablit la perméabilité des trachées obturées, il nous faut recommencer l'expérience précédente, mais en sacri- fiant l'animal de manière à pouvoir examiner au microscope sa région stigmatique et ses trachées. C'est ce que j'ai fait sur de nombreux exemplaires appartenant à des espèces variées ; je me contenterai de donner le résultat de ces recherches. ^
Si on sacrifie la larve après le dépôt sur ses stigmates ouverts, d'une petite goutte d'huile tenant en suspension des grains colo- rés (cinabre ou carmin), on trouve que l'huile est toute entière restée dans la prétrachée. Elle s'est étalée sur les parois de ce tube capillaire. On retrouve les grains colorés au milieu des mailles de la chitine feutrée. Beaucoup d'entre eux paraissent même, au bout d'un certain temps, englobés par des phago- cytes.
Il est facile de concevoir le mécanisme par lequel l'huile s'étale sur les parois ; c'est encore par un phénomène de pure capillarité. Le manchon de chitine spongieuse qui entoure la lumière du tube joue, si on veut, le rôle d'une enveloppe de papier buvard qui absorbe le liquide et rétabht la perméabilité du conduit.
Ce mécanisme de défense est largement suffisant dans l'immense majorité des cas. Il explique que le dépôt, sur les stigmates d'une petite quantité d'huile, njamène pas de trou- bles bien graves chez nos larves.
Examinons maintenant le second cas. Voici une larve qui a reçu sur les stigmates deux grosses gouttes d'huile à quelque temps d'intervalle. On la sacrifie au bout d'une demi-heure.
Le microscope nous montre d'abord que, comme précédem-
INSECTES AQUATIQUES 251
ment, les parois de sa prétrachée sont saturées d'huile rouge. Mais, cette fois, tout n'a pu être absorbé à ce niveau, le surplus a filé dans la partie profonde et large de la trachée. C'est là que nous le retrouvons. Et c'est maintenant aussi que nous allons comprendre l'utilité de la forme très particulière de la grosse trachée latérale de ces larves. Comme nous l'avons vu, cette grosse trachée n'est pas tabulaire, cylindrique ainsi que se présentent les trachées des insectes terrestres ; elle est au contraire aplatie, presque rubannée. Une section transver- sale de ce conduit donne une idée encore plus exacte de sa forme. La figure 39 montre que la section pré- sente en haut et en bas des prolongements / \
a et b qui sont les coupes de deux goid- / \
tières. On comprend ce qui se passe quand / \
un index de liquide obture l'entrée de la | I rn
trachée. Les phénomènes d'inspiration \ /
le font pénétrer dans les parties plus \ /
profondes et plus larges, il chemine ainsi \ /
de proche en proche, occupant des par- ww_ b
ties de plus en plus larges. ™
Pendant cette progression, l'index de Fig .39. — schéma d'une tra-
^ ^ chée de la larve de Dy-
liquide va toujours en s'épuisant, car une "scide (coupe transver- sale). partie reste par capillarité dans les gout- tières beaucoup plus étroites que la partie centrale. Il arrive donc un moment où tout le liquide s'est localisé dans ces espaces capillaires supérieur et inférieur, et alors le milieu m de la trachée est redevenu perméable. Lçs phénomènes respiratoires peuvent s'accomplir de nouveau.
Il en va tout autrement pour les trachées des insectes ter- restres. Ici, du stigmate part une grosse trachée qui, après avoir envoyé des anastomoses aux trachées analogues des stigmates voisins, se divise en trachées do plus en plus petites à la manière d'un tronc d'arbre qui donne des rameaux de section toujours plus faible à mesure qu'on s'éloigne de la base. Il en résulte que si la trachée stigmatique se rempht de liquide, celui-ci
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en pénétrant plus profondément dans l'arbre respiratoire vient obturer toutes les trachées secondaires.
Pour comprendre la dififérence essentielle qui sépare le sys- tème trachéen de nos larves de celui des insectes ordinaires, on peut encore prendre la comparaison suivante. Le système trachéen des insectes ordinaires est assimilable à un entonnoir dont l'orifice évasé représenterait le stigmate et le tube la tra- chée. Celui des larves aquatiques est assimilable au même entonnoir retourné, le stigmate étant à l'extrémité du tube. Le liquide qui s'écoule par ce tube s'étale sur la partie évasée à laquelle il adhère par capillarité et la perméabilité de l'appa- reil se trouve rétablie.
Le mécanisme décrit n'est pas le seul dont la larve dispose pour lutter contre l'obstruction de son appareil stigmatique. J'ai vu parfois très nettement que l'huile colorée introduite dans les trachées longitudinales est expulsée au-dehors par les efforts expiratoires énergiques, les accès de toux que nous avons décrits. Mais ce phénomène est plus rare que celui que nous avons indiqué en premier lieu. On parvient également à déboucher les trachées d'une larve envahies par l'huile en sou- mettant cette larve à l'action du vide ; celui-ci agit comme la toux pour expulser l'huile au-dehors.
Intoxication et infection des larves aquatiques par les stigmates.
Il est évident qu'on peut utiliser la propriété qu'ont les liquides précédonnnent énumérés de pénétrer à travers les stigmates pour produire l'intoxication ou l'infection des diffé- rents insectes (aquatiques ou aériens).
Voici quelques expériences faites sur les larves de Dytiscides.
Expérience 1. — Une larve de Cyhisteter occupée à dévorer une larve de Libellule reçoit sur son appareil stigmatique ouvert une goutte d'huile d'olive dans laquelle on a broyé de la poudre de Pyièthre. On sait, d'après ce qui précède, qu'une
INSECTES AQUATIQUES 253
seule application d'huile pure faite dans ces conditions, n'en- traîne jamais la mort de la larve. Celle-ci, en effet, ne présente aucune gêne respiratoire, elle se contente d'élever ses stigmates au-dessus de l'eau, afin de les préserver d'un nouveau contact avec le corps gras, mais elle continue tranquillement son repas.
Quelques heures après, on trouve la larve morte sur le fond du vase.
Des expériences analogues dans lesquelles on remplace la poudre de Pyrèthre par diverses essences donnent toujours le même résultat.
On connaît d'ailleurs l'application importante qui a été faite de cette pénétration des corps gras dans les trachées pour la destruction des larves aquatiques. Dans ce cas, la mort est sur- tout causée par un phénomène d'asphyxie, l'huile répandue à la surface de l'eau pénétrant dans l'appareil stigmatique à chaque incursion de la larve à la surface. La nature du corps gras (ou de l'hydrocarbure) employé n'est d'ailleurs pas indif- férente, car on a remarqué, par exemple, que l'huile de pétrole amène une destruction plus rapide des larves que l'huile à brûler.
Laveran (1900) est le premier savant qui se soit livré à une étude attentive du phénomène, et il a bien vu que l'huile pé- nètre à l'intérieur des trachées et que la mort des larves n'est pas due à l'agglomération des soies des siphons comme on le croyait jusqu'alors.
Je ne traiterai pas ici d'une manière complète des modes de destruction employés contre les insectes nuisibles. Je ferai simplement remarquer que presque toutes les formules préco- nisées dans ce but renferment un des liquides auxquels nous avons reconnu la propriété de pénétrer par l'ouverture stigma- tique (huiles diverses, vaseline, paraffine, benzine, savon, etc.). Ces substances peuvent être employées seules ou servir de véhi- cule à des substances toxiques (poudre de Pyrèthre, naphta- line, jus de tabac, etc.). Mais, quand on parcourt la liste de ces formules, on a l'impression qu'elles ont été élaborées d'une ma-
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nière empirique et sans comprendre leur mode d'action, aussi sont-elles de valeur très inégale.
Dans un des plus récents traités d'entomologie agricole, celui'de Guénaux (1909), on lit (p. 448) : « Le savon est un insec- « ticide de premier ordre ; il entre dans la plupart des émulsions; « on l'emploie encore avec diverses substances insecticides... « Le savon agit comme insecticide par ses sels alcalins, qui dis- « solvent le revêtement chitineux des Insectes. »
On voit d'après ces dernières lignes qu'un auteur très docu- menté sur la question est loin de comprendre le mode d'action du savon. Je ne connais d'ailleurs aucun ouvrage où la théorie des insecticides soit correctement exposée.
Les phénomènes d'infection par les stigmates paraissent avoir été encore moins étudiés que ceux d'intoxication. Me réservant de traiter plus tard ce sujet avec le développement qu'il mérite, je citerai ici seulement les expériences suivantes :
Expérience 2. — Un Hydaticus sulcatus {Imago) avait été tué par l'application d'huile à la partie postérieure de l'abdo- men. Il était resté quelques jours dans un vase rempli d'eau où il avait subi un début de putréfaction.
On jette l'eau sans laver le vase ; on remplit d'eau propre et on y installe plusieurs larves du même coléoptère aquatique {H. sulcatus). Quelques heures après, l'une d'elles est morte ; on constate que ses tissus fourmillent do bactéries allongées.
Ainsi, en quelques heures, de l'eau contenant des traces de substance grasse et des bactéries adaptées aux tissus de l'espèce en question a produit chez une larve une infection mor- telle.
La larve morte est broyée dans de l'eau contenant une petite quantité de savon.
On dépose une goutte de ce Uquide sur la région stigmatique de deux larves d'^. sulcatus au moment où elles viennent res- pirer à la surface.
Douze heures après, les deux larves sont mortes. D'autres toutes semblables placées dans un vase sur la môme table, mais
INSECTES AQUATIQUES 255
n'ayant pas été traitées par l'eau de savon sont restées en par- faite santé.
Deux autres expériences exécutées dans des conditions ana- logues donnent le même résultat.
Au cours d'excursions faites dans le but de me procurer les matériaux indispensables à mes recherches, j'ai eu l'occasion d'observer le fait suivant.
Une mare située au milieu du village de VeUzy (non loin de Versailles) contenait au commencement de juin 1909 une pro- digieuse quantité de larves d'H. sulcatus. Pendant que je faisais ma provision d'insectes, des laveuses s'installent sur le bord de cette mare et procèdent à leur travail en utilisant, bien entendu, du savon. Le surlendemain, j'eus l'occasion de repasser par le même endroit. Des milliers de larves d'^. sul- catus étaient mortes, étendues sur la vase ; malgré des recherches répétées, il me fut impossible d'en prendre une seule vivante. Au contraire, un assez grand nombre d'insectes parfaits de la même espèce avaient résisté.
Les faits précédents incitent à se demander si, dans certains cas, l'addition de savon à l'eau de certaines mares pour la des- truction des larves de Moustiques no conviendrait pas mieux que l'addition d'huile de pétrole.
Nous le répétons, c'est une question qu'il était utile de poser, mais qui sort du cadre de notre étude actuelle.
Action des graisses et de leurs solvants sur les stigmates fermés.
Dans toutes les expériences précédentes, j'ai eu bien soin d'indiquer que l'application des liquides employés était fait sur les stigmates ouverts. C'est là, en effet, un point essentiel ; c'est ce que les expériences suivantes vont nous montrer.
Expérience 1. — Une larve d'Hydaticus sulcatus est saisie avec ime pince. On constate au moyen du microscope binocu- laire que les stigmates postérieurs sont fermés par le mécanisme qui a été analysé en détail précédemment, c'est-à-dire que la
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prétrachée s'est enfoncée, que la chitine hydrofuge s'est phssée et invaginée ; elle n'est plus maintenant visible à l'extérieur du corps.
H en est toujours ainsi quand une larve est inquiétée, saisie avec une pince, etc.
Nous plongeons les derniers anneaux de la larve tenue avec la pince dans de l'huile d'olive colorée intensément en rouge par l'alcanine.
Nous laissons l'insecte dans cette situation pendant quelques minutes, puis nous l'abandonnons dans un vase rempli d'eau propre. Au bout de quelques instants, il vient respirer normale- ment à la surface, et on peut constater que son système tra- chéen n'a été nullement envahi par l'huile colorée.
Pendant que la larve respire à la surface, nous faisons une application d'huile sur ses stigmates ouverts, et, cette fois, nous constatons une pénétration évidente de l'huile dans le système trachéen.
Plusieurs expériences semblables donnent le même résultat.
Expérience 2. — Une jeune larve de Cyhisteter est saisie avec une pince et plongée dans un mélange d'huile colorée à l'alcanine et d'éther. On la laisse environ deux minutes dans le liquide. On dissèque la larve dans l'eau et on peut constater que l'ou- verture stigmatique n'a été franchie par aucune goutte de liquide coloré.
Je dois cependant faire remarquer que dans le liquide oléo-éthéré le séjour de la larve ne doit pas être trop prolongé, sans quoi le liquide finit par pénétrer dans le système trachéen. Nous verrons plus tard l'explication de ce phénomène.
En somme, nous voyons que quand le stigmate est fermé par invagination de la chitine hydrofuge, le stigmate n'est plus envahi par les corps gras et leurs solvants.
C'est bien la disparition de la chitine hydrofuge qui abolit le pouvoir de pénétration des dits liquides ; il est facile de le prou- ver en opérant sur les insectes terrestres.
Chez ceux-ci, en effet, les stigmates sont constitués par une
INSECTES AQUATIQUES 257
fente, entourée d'un cercle de chitine hydrofuge (peritrème). Celui-ci est immuablement fixé à l'extérieur de l'animal, et ne peut jamais être rétracté à l'intérieur.
Chez ces insectes, l'application de corps gras ou de leurs solvants faite, même au moment où ou excite l'animal, est toujours suivie de pénétration dans la trachée.
A la vérité, dans ce cas, le liquide ne dépasse pas l'appareil d'occlusion, mais il franchit toujours le stigmate, c'est la preuve que celui-ci ne possède pas de mode de fermeture capable de s'opposer à la pénétration des corps mouillant la chitine hydrofuge.
Dans toutes ces expériences, nous voyons de nouvelles preuves de l'exactitude du rôle purement physicpie que nous avons attribué à la membrane de chitine hydrofuge.
En résumé :
1° Les stigmates des insectes aquatiques se défendent contre la pénétration de l'eau ambiante par un phénomène physique (capillaire) doublé d'un phénomène physiologique (réflexe d'occlusion).
2° La pénétration des corps gras et de leurs solvants à travers le stigmate ouvert a pour cause le même phénomène capillaire. C'est là, pourrait-on dire, le revers de la médaille.
3° C'est encore par un phénomène capillaire (différence de calibre de deux tubes) que la larve rétablit dans la majorité des cas la perméabilité de sa trachée obturée par le liquide.
4° L'appareil stigmatique rétractile de la larve des Dytiscides lui permet de subir impunément la présence des corps gras et de leurs solvants. Dès que la chitine hydrofuge n'est plus en contact avec l'extérieur, la pénétration ne peut plus se faire.
Il en résulte un grand avantage pour la larve qui peut se dé- placer avec ses stigmates fermés, les élever sensiblement au- dessus de la surface de l'eau en s'accrochant à quelque plante aquatique, et seulement alors, leur rendre leur perméabihté.
C'est là un mécanisme de défense remarquable souvent employé par ces larves, en particulier par celles des Cybisteter,
258
P. PORTIER
II. - Larves des Hydrophilides.
Nous allons maintenant répéter sur les larves d'Hydrophilides les observations et expériences que nous avons faites sur les
larves de Dytiscides.
Nous verrons que si l'ana- tomie de l'appareil respiratoire et les manœuvres de l'insecte pour se préserver contre l'in- troduction de liquides nocifs diffèrent dans les deux groupes, le résultat final est à peu près \e même.
Nous étudierons surtout les larves de
V Hydrophilus piceus L., de
VHydrocImris caraboides L. et de VHydrobius fuscipes L.
A. Anatomie générale de l'ap- pareil respiratoire de ces larves.
Le plan général de cet appa- reil reste le même que chez les larves de Dytiscides. Ici encore, nous avons toujours des larves métapneustiques.
Des gros stigmates posté- rieurs partent des trachées longitudinales qui vont en s'élargissant à mesure qu'on s'avance vers la partie anté- rieure de l'animal. C'est ainsi que chez la larve du grand Hydrophile (fig. 40) {H. piceus), les trachées près des stigmates ont (1) un V2 mm. de largeur ; au milieu du corps, elles ont 2 mm, V2 ; puis
(1) Il s'agit Ici (l'une larve à deiui-grossour.
Fig. 40. — Larve ouverte A' Hydrophilus piceus L. montrant la disposition gé- nérale des appareils digestifs et res- piratoire. Oe : (Ksophagc ; T'. e. : intestin moyen (ven- tricule chyliflque) ; R : rectum ; Tr : trachées longitudinales ; Tr, : parties postérieures rétrécies de ces trachées qui partent des stigmates; An: anas- tomose antérieure des trachées longi- tudinales.
INSECTES AQUATIQUES
259
elles vont de nouveau en diminuant et au point où elles se bifurquent près do la tête, elles n'ont plus que 1 mm.
Les trachées conservent une forme cylindrique ou ovale ; elles ont beaucoup moins de tendance à s'aplatir que chez les larves de Dytiscides.
Les deux gros troncs longitudinaux sont ici aussi réunis par des anastomoses transversales à la partie antérieure et à la partie postérieure du corps.
Il n'y a point de faux stigmates apparents sur les parois latérales du corps, et pas non plus naturellement de ramifica-
B.s
tions trachéennes qui se rendent à cette région" des téguments com- me on en voit chez les larves de Dytiscides.
Appareil
sti g viatique
postérieur.
C'est ici que nous allons trou- ver une diffé- rence essentielle avec l'appareil homologue des larves de Dytis- cides.
Si nous observons une larve d'Hydrocharis, nous voyons qu'au moment où elle arrive à la surface, la partie postérieure du corps s'ouvre suivant une fente transversale. On ne saurait mieux comparer ce fait qu'à une bouche d'abord fermée et dont les deux mâchoires : supérieure et inférieure se séparent l'une de l'autre.
l.s.
Fig. 41. ^ Jli/ârochnris caraboides L. Appareil stigmatique postérieur de la larve ouvert.
mâchoire supérieure ; l. i. : mâchoire inférieure écartée de la précédente et découvrant l'intérieur de l'atrium sti(ç- niatique B. s. : St : stigmate au fond et sur le cô^ de l'atrium ; t : tubercule de la mâchoire inférieure ; fl : flotteur.
260
P. PORTIER
La cavité de la bouche apparaît comme tapissée par un revê- tement de chitine hydrofuge.
Enfin, de chaque côté, profondément situés et séparés l'un
de l'autre par une crête médiane, se trouvent les deux stigmates (fîg. 41 St.).
La mâchoire inférieure (1. i) porte les deux ap- pendices chitineux ( fl ) qui ici encore jouent le rôle de flotteurs ; mais ils sont proportionnelle- ment moins développés que ceux des Dytiscides et non garnies de soies.
Chez les larves d'Hydrocharis et d'Hydrobius, la coupe de chitine hydrofuge située à la partie postérieure est largement suffisante pour maintenir l'animal à la surface de l'eau par un phénomène purement capillaire. Les trachées jouent également le rôle de flotteurs et on voit souvent, dans les petites mares, ces larves qui nagent sous la surface et très près d'elle en se servant de leurs
St
Fig. 42. — Même appareil que celui de la figure pré • cédente, mais fermé. Les deux mâchoires (1. s.), (I. i.) se sont rapprochées et sont fermées hermétiquement l'une sur l'autre suivant la fente F.
antérieu-
pattes res.
La grosse larve de VHydrophilus piceus paraît, au contraire , inca- pable (tout au moins quand elle a acquis une certaine taille) de se maintenir à la surface de l'eau par capillarité, au moyen de la coupe de chitine hydrofuge. On ne prend d'ailleurs jamais cette larve que très près du bord des étangs, au milieu des herbes aquatiques. A terre, elle se déplace avec une très grande rapidité, et il
, — Wydrophilus picrus L. Appareil stieniatique postérieur ouvert, de la larve. Les deux lèvres ou mâchoires supé- rieure {L s) et inférieure (/. i) sont écartées l'une de l'autre. — On remarquera les tubercules qui garnissent la partie interne de la mâchoire inférieure. >S. t : stigmates ; Fl : flotteurs ou cerques.
INSECTES AQUATIQUES 2G1
est à présumer qu'elle doit sortir de l'eau, surtout la nuit.
Dès que les larves d'Hydrophilides sont inquiétées, elles
rapprochent l'une de l'autre les deux mâchoires de la partie
postérieure ; la mâchoire infé- ^ ^ ,
, / . TT\ I s
rieure est, chez toutes les es- p /^ ~"^
pèces, garnie de tubercules de li /^/-Sw^^^V
forme compliquée bien que de 7^-^ ^^^^Sr
situation fixe; ils correspondent ywf^ ^^'^N
à des dépressions qui existent ^-^^ ,^ _ „g„„ ^pp„,i, ^,,,3 ,,„.i j, ,^
aux points correspondants de "«"';" p^^^'^J;"*"- '"'"^ "'"f- '-7. ''7''
^ ^ mâchoires : l, s; l, i, se sont appliquées
la mâchoire supérieure. Quand ''"■'« *'"■ ''«"^'"® amenant une fermeture
^ liermétinue de la coupe sti«mati<iue. F :
elles sont appliquées l'une sur f«"te ^^^^ suivant laquelle les deux
lèvres se sont réunies.
l'autre les deux mâchoires en- grènent donc ensemble et réalisent une fermeture absolument hermétique. Remarquons qu'une fois la coupe fermée, la larve est limitée de toutes parts, et particulièrement en arrière, par un revêtement ininterrompu de chitine non hydrofuge.
Fonctionnement de V appareil stigmatique postérieur.
Il sera facile à comprendre maintenant que nous connaissons celui des larves de Dytiscides. Je ne rapporterai pas le détail des très nombreuses expériences que j'ai faites sur le sujet, et je vais me contenter d'en donner le résultat.
P Mécanisme s'opposant à la pénétration de Veau dans le système trachéen.
C'est comme chez les larves de Dytiscides un phénomène purement capillaire : la présence de la coupe ouverte de chitine hydrofuge. L'eau n'arrive jamais au contact des stigmates qui sont au fond de la coupe. Si l'eau agitée vient à envahir la coupe, elle roule sur elle sans y adhérer, il y a inhibition brusque, instantanée, des phénomènes mécaniques de la res- piration, et la coupe se ferme rapidement isolant les stigmates de l'eau environnante.
Ici, d'ailleurs, existe aussi un appareil de fermeture de la
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trachée, analogue, semble-t-il, à celui des larves de Dytiscides, mais que je n'ai pas eu le loisir d'étudier en détail.
2P Mécanisme de défense contre les corps gras et leurs sol- vants.
Supposons qu'une larve du grand Hydi'ophile respire tran- quillement à la surface de l'eau. Nous déposons une goutte d'huile tenant en suspension du noir de fumée au milieu de la coupe ouverte de chitine hydi'ofuge. Cette huile est immédiate- ment absorbée par les ouvertures stigmatiques. Cependant, la larve no semble pas en éprouver de bien grand inconvénient ; elle continue à respirer normalement (environ 16 fois à la minute). Mais en regardant attentivement les ouvertures stig- matiques, on voit bientôt qu'elles ne se comportent pas toutes deux de la même manière
Le stigmate gauche, par exemple, est libre, ouvert, on a l'impression que l'air pénètre facilement par cette ouverture à chaque inspiration. Au contraire, le stigmate droit est rempli d'huile incolore. A chaque expiration, on voit le diaphragme d'huile qui couvre ce stigmate bomber vers l'extérieur. Jamais, par contre, on ne le voit se creuser, même au moment de l'inspiration.
L'huile s'écoule donc peu à peu par le stigmate droit. Au bout d'une demi-heure environ, l'huile paraît avoir été complète- ment évacuée, car maintenant, à chaque expiration, on voit une bulle d'air qui vient crever à travers le diaphragme d'huile qui couvre le stigmate droit ; des gouttelettes d'huile sont pro- jetées dans l'eau qui entoure le stigmate.
Voici, semble-t-il comment on peut reconstituer la série des phénomènes qui se sont accomplis. L'huile déposée dans l'atrium de chitine h3'drofuge pénètre à la fois par les deux stigmates dans les deux grosses trachées longitudinales. Par l'anastomose transversale postérieure, l'huile de la trachée gauche passe toute entière dans la droite. Voici donc la trachée gauche dont la perméabilité est entièrement rétablie.
La larve aspire alors uniquement par cette trachée gauche ;
INSECTES AQUATIQUES 26.^
elle expire aussi par cette trachée, mais à chaque expiration (probablement par suite d'une demi-fermeture du stigmate gauche), l'huile contenue dans la trachée droite s'écoule à l'extérieur. Elle est ainsi peu à peu évacuée dans l'eau environ- nante sans pouvoir envahir le stigmate droit dont elle est séparée par une crête, comme nous l'avons vu.
Je vais prendre une comparaison dont l'exactitude aura peut-être de la peine à racheter la vulgarité. Les peuples sau- vages qui ne connaissent pas le mouchoir et même certains individus qui n'appartiennent pas à l'aristocratie des peuples civilisés se libèrent de leurs mucosités nasales par un mécanisme identique à celui de notre larve. Je pense qu'il est inutile d'in- sister.
Il nous reste à expliquer une particularité que nous avons signalée en passant. Le liquide qui, à son entrée, contenait en suspension de nombreuses particules (noir de fumée) sort lim- pide. Il s'est en effet, débarrassé de ces granules à son passage dans la prétrachée où il a rencontré le revêtement de chitine poreuse sur lequel il s'est filtré ; on peut retrouver le noir de fumée au milieu des filaments de chitine auxquels il adhère (1).
Nous avons bien spécifié que les phénomènes précédem- ment décrits se manifestent lorsqu'on dépose dans l'atrium stigmatique une quantité modérée d'huile (une goutte ou deux au plus).
Dès qu'on renouvelle davantage le dépôt d'huile et surtout si on emploie de l'huile contenant une matière étrangère toxique (essence, ou même simplement alcanine), la larve manifeste de façons diverses la gêne que lui cause la présence du corps gras dans l'atrium stigmatique.
Dès que l'huile est en contact avec la chitine hydrofuge qui garnit l'atrium, on voit la larve fermer celui-ci et se livrer à une sorte de mastication qui aboutit à l'expulsion immédiate de la plus grande partie du liquide introduit. La larve recourbe aussi très souvent sa partie postérieure et frotte la région stig-
(1) J'ai observé d'ailleurs souvent le même fait chez les larves des Dytiscides.
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matique contre les parois du vase ou contre les aspérités des corps étrangers qui se trouvent à sa portée (plantes aquati- ques, etc.). Elle se débarrasse ainsi de l'huile qui adhère à la fente stigniatique qui se trouve à l'intersection des lèvres supé- rieure et inférieure.
Enfin, souvent la larve dont la région stigmatique a été im- prégnée d'huile à maintes reprises essaye de se préserver d'un nouveau contact en élevant et maintenant au-dessus de la surface de l'eau sa région stigmatique, ainsi que nous l'avons vu faire aux larves des Dytiscides.
En tous cas, la résistance de toutes ces larves d'Hydro- philides à l'invasion des corps gras dans le système trachéen est des plus remarquables. Elle est encore beaucoup plus considérable que celle des larves de Dytiscides. Il est pratique- ment impossible d'amener la mort d'une de ces larves en inon- dant d'huile à maintes reprises son appareil stigmatique.
Lorsque les larves sont placées dans l'eau de savon, elles se défendent d'une manière un peu différente contre l'envahissa- ment de leur appareil respiratoire. On les voit expulser par les stigmates une file de bulles d'air qui forment en arrivant à la surface de petites bulles de savon. Ce flux de gaz qui peut persister pendant plusieurs minutes constitue un moyen de défense très énergique.
Cependant, si le séjour dans l'eau de savon dure trop long- temps, elles meurent d'infection au bout d'un jour ou deux
Ici encore, quand l'Atrium stigmatique est fermé par rappro- chement des deux mâchoires, des deux valves, la larve peut être impunément plongée dans l'huile ou les liquides analogues ; la chitine hydrofuge n'est plus en rapport avec le milieu exté- rieur, le phénomène capillaire qui conditionne la pénétration du corps gras ne peut plus se produire.
En résumé : P Les larves des Hydrophilides ont un appareil respiratoire caractérisé par la présence d'un appareil stigma- tique construit sur un modèle très différent de celui des larves de Dytiscides.
INSECTES AQUATIQUES 265
Les stigmates ne font plus partie de la surface extérieure du corps ; ils s'ouvrent au fond d'une sorte d'atrium limité par deux valves, l'une supérieure, l'autre inférieure. Cet atrium est garni d'une chitine hydrofuge ; il doit être considéré comme une simple modification du diaphragme de cliitine hydrofuge sur lequel sont placés les stigmates des larves des Dytiscides.
2'' Le mécanisme qui s'oppose à l'entrée de l'eau dans le système trachéen est le même que celui qui existe chez les larves de Dytiscides. Il est dû à un phénomène purement capil- laire.
30 La pénétration des corps gras et de leurs solvants est la contre-partie du même mécanisme.
La larve lutte contre cet inconvénient par divers moyens dont le plus fréquent et le plus original, consiste à faire passer tout le hquide absorbé dans une seule trachée (par l'anasto- mose transversale) et à le chasser par la pression de l'air établie ensuite à l'intérieur du système trachéen.
Ce mode de défense confère à la larve une résistance très grande contre ces agents de destruction. Du reste, dans la nature, on remarque que les larves d'Hydrocharis et d'Hydro- hius vivent parfaitement dans des mares d'eau très polluée où les larves de Dytiscides ne sauraient subsister.
40 Les deux valves de Vatrium étant rapprochées, la ferme- ture de celui-ci est hermétique et les corps gras no peuvent plus pénétrer dans le système trachéen.
III. Étude des Dytiscides à l'état d'imaginés.
A. Aperçu anatomique. — Si nous enlevons les élytres et les ailes qui recouvrent d'un étui chitineux l'abdomen d'un Dylkiis ou d'un Hydaticus, nous trouvons sur les côtés du corps une rangée de stigmates au nombre de huit chez l'Hyda- ticus. Ce sont des orifices irrégulièrement ovales enchâssés dans une bande de chitine souple, hydrofuge. Chacun d'eux est formé d'un péritrème typique hmitant une ouverture garnie de
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET OÊX. — 5« SÉRIE. — T. Vm. — (H). 18
23G
P. PORTIER
longs poils chitineux barbelés, formant un appareil filtrant
très parfait à l'entrée du stigmate.
Ceux-ci ne sont point tous de la même taille (fig. 45). Le
premier a une taille assez considérable, puis viennent cinq
autres plus petits, enfin l'avant - dernier , et sur- tout le dernier dissimulé sous un repli ont une taille relativement con- sidérable.
De ces stigmates par- tent des trachées munies à une certaine distance d'un appareil de ferme- ture. Mais, pour les gros stigmates, ces trachées se renflent en vésicules blan- ches qui, pour les deux derniers, atteignent un volume relativement énorme.
Le milieu de la partie supérieure de l'abdomen est formé d'une chitine recouverte de longs poils assez clairsemés et hy- drofuges (fig. 45).
Les ély très doublées des ailes forment au-dessus
de cet, abdomen un étui imperméable ouvert seulement à la
partie postérieure du corps.
B. Fonctionnement normal de Va'ppareil rcsjnratoire. Plaçons notre insecte dans l'eau ; quand il veut respirer,
il amène à la surface sa partie postérieure ; l'ouverture située
entre le dernier anneau et les élytres s'agrandit ; on voit
Fig. 45. — Hi/datkus sulcatus L. Les élytres et les ailes ont été enlevées pour montrer la dispo- sition des stigmates. A ; téguments de l'abdomen recouverts de poils clairsemés hydrofuges ; B : Bande de chitine molle dans laquelle sont enchâssés les stig- mates ; .S'I à SS : Stigmates ; P : Dessus du dernier anneau formant un plan inférieur à celui des anneaux précédents.
INSECTES AQlATlgL'ES
267
l'abdomen s'allonger, puis se rétracter comblant et élargissant tour à tour l'espace situé entre le fourreau des élytres et l'abdo- men. Il y a là un véritable piston qui, par son jeu, aspire, puis expulse l'air atmosphérique dans l'atrium stigmatique qui recouvre la surface su})érieure de l'abdomen.
En somme, nous voyons que notre insecte qui, au point de vue anatomique est un insecte holojmenstique est véritable- ment métajmeustique au point de vue physiologique. Bien qu'il diffère extrê- mement de sa larve au point de vue du nombre et de la dis- tribution des stig- mates, il se com- porte exactement comme elle pour les phénomènes res- piratoires quand il est plongé clans le milieu aquatique. Nous insistons sur ce dernier point ; car dès que l'insecte
ouvre ses élytres et s'envole dans l'atmosphère, il se comporte comme tous les insectes aériens.
Cette disposition des élytres offre de multiples avantages à l'insecte. On le voit, en effet, comme sa larve, prendre ses repas dans l'eau sans interrompre l'acte respiratoire. Sa partie pos- térieure vient, en effet, normalement affleurer à la surface de l'eau. Ici, le phénomène n'est plus produit par des flotteurs ; il est dû à la faible densité de l'animal qui l'amène à surnager dès qu'il est au repos. La situation particulière qu'il occupe dans l'eau (tête enfoncée sous l'eau et partie postérieure proé- minente) tient à la présence dans les derniers anneaux des grosses vésicules trachéennes que nous avons déjà signalées.
Fig. 46. — llydtiticus sulcatus L. L'iiis('<t(' a éti' scftioiiiK- en travers par le milieu de ralxlonicn afin de montrer la disposition de l'espace sous-élytri?al (Atriuin). tête ; Th : thorax ; F : partie supérieure des élytres ; C : coupe de l'abdomen A : atrium (espace compris entre les élytres, doublée des ailes, et la partie supérieure de l'abdomen).
T
268 P. PORTIER
La présence d'un espace non négligeable situé entre l'abdomen et le fourreau formé par les élytres a encore un avantage qui n'est pas négligeable. Il constitue un réservoir gazeux qui permet à l'insecte de séjourner pendant un temps fort long sous la surface de l'eau. Comme je l'ai dit, au début de cette étude, le Dytique est un scaphandrier qui emporte un réservoir d'air sur son dos (1).
Plateau (1872) a fait autrefois de nombreuses observations sur ce sujet. Il a montré qu'un Dytique immergé dans l'eau et sans contact possible avec l'atmosphère pouvait survi\Te pendant 36 heures ; mais, à la vérité, l'insecte sort de l'eau en état de mort apparente. Il ne se rétablit qu'au bout de 5 heures, et encore d'une manière incomplète, car ses pattes natatoires restent paralysées et il meurt après avoir langui 48 heures.
J'ai repris ces expériences, mais dans un but spécial. Je dési- rais voir l'état du système trachéen après une asphyxie poussée à ses dernières limites, mais sans avoir entraîné la mort de l'animal.
Comme dans les expériences de Plateau, le Dytique était placé dans un petit vase entièrement remph d'eau et ne ren- fermant pas la moindre bulle d'air. Ce petit vase couvert d'une mousseline était immergé dans un autre beaucoup plus grand et rempli d'eau également. La température de l'eau était de 7 à 8 degrés.
Au bout de 24 heures, le Dytique est bien vivant, il continue à nager dans l'eau. Ce n'est guère qu'au bout de 35 heures qu'il reste immobile sur le fond de vase sur lequel il est tombé au bout de 30 heures environ.
On le tire de l'eau au bout de 46 heures. On remarque que les derniers anneaux de son abdomen sont en extension maxima, les organes génitaux sont eux-mêmes apparents. Ce sont des
(1) Le fait u'est cependant p.-us certain et d'après les derniers travaux de Hrocher (1909), il est possible que seule la paire stigniatique postérieure serve il l'inspiration du l'air, la provision de gaz situées sous les élytres servirait uniquement de flotteur à l'insecte.
INSECTES AQUATIQUES 269
remarques qui, déjà avaient été faites par Plateau. On pourrait dire que le Dytique est tombé en état de mort apparente dans le stade d'expiration forcée.
On dissèque l'insecte dans du chlorure de sodium à 8 pour 1000.
On remarque les faits suivants :
P Le vaisseau dorsal est animé de pulsations énergiques.
29 Les trachées ont conservé leur aspect nacré, brillant ; elles ne contiennent pas trace d^eau, mais elles sont revenues sur elles-mêmes, aplaties ; leurs parois sont accolées comme un tube de caoutchouc à parois minces dans lequel on a fait le vide.
La même expérience répétée plusieurs fois donne toujours le même résultat.
Ainsi, même dans cet état d'asphyxie extrême, l'eau ne pénètre pas dans le système trachéen de l'insecte. Il y a là un fait curieux à retenir.
C. Mécanisme s' opposant à Ventrée de Veau dans le système respiratoire. Lutte contre V envahissement des corps gras et de leurs solvants.
P L'eau ne peut pénétrer par l'ouverture de l'atrium stig- matique pour les raisons qui ont été déjà exposées à maintes reprises ; fermeture capillaire hydrofuge, fermeture gazeuse.
La moindre observation permet d'établir l'existence de cette dernière. On voit presque toujours une bulle d'air qui se main- tient adliérente au pourtour de l'orifice atrial quand l'insecte plonge et se promène dans l'eau.
Il est même curieux d'observer le manège des Dytiques qui, pendant l'hiver, se promènent sous la glace des étangs. On les voit nager çà et là à la recherche d'un peu d'oxygène qui s'est fait rare dans ces conditions.
Dès qu'ils rencontrent une bulle enfermée sous la glace, ils soudent avec elle la bulle qui est adhérente à l'entrée de l'atrium. L'insecte semble apprécier très rapidement la qualité du <jnz
270 P. PORTIER
qui constitue le petit réservoir qu'il explore ; le plus souvent, il s'en éloigne rapidement ; d'autres fois, il reste à son contact pendant plus d'un quart d'heure ; sans doute, celle-ci est riche en oxygène.
20 Nous l'avons vu déjà incidemment, les Dytiscides à l'état d'imago sont plus résistants vis-à-vis des liquides capables de mouiller la chitine hydrofuge. A priori, ce fait semble para- doxal, et son explication ne se présente pas immédiatement à l'esprit. En effet, ici l'entrée de l'atrium, physiologiquement analogue à l'entrée des stigmates de la larve en diffère par un point essentiel. Nous n'avons plus chez l'insecte parfait, cette zone de chitine hydrofuge très mince qui peut s'invaginer à l'intérieur, laissant la surface du corps composée uniquement de chitine ordinaire. Il semblerait donc que tout corps gras nageant à la surface de l'eau dût pénétrer par l'atrium à l'intérieur du système trachéen. Il n'en est rien et voici comment l'insecte procède pour éviter cet accident.
Au moment où il arrive à la surface, son extrémité postérieure est garnie de la bulle gazeuse (fermeture gazeuse). Cette extré- mité est très rapidement soulevée sensiblement au-dessus du niveau de Veau; il semble même que ce soulèvement soit d'au- tant plus accentué que la surface de l'eau soit plus souillée de matières capables d'envahir le système respiratoire.
Il est probable que l'insecte a le pouvoir de refouler l'air contenu dans ses trachées à l'intérieur des vésicules de la partie postérieure et surtout de relâcher les muscles de son corps, de manière à augmenter de volume, et, par conséquent, à dimi- nuer de densité ; une expérience que je citerai ci-dessous va nous en donner la preuve.
Les résultats sont d'ailleurs tout différents si on dépose le corps gras directement sur Ventrée de Vatrium. Il y a alors pénétration instantanée et fatale dans l'atrium et de là, dans les trachées. Il semble que nous retombions sur le cas des in- sectes aériens ; la disposition des trachées par rapport aux stigmates étant la mémo que chez ceux-ci.
INSECTES AQUATIQUES 271
Cependant, en y regardant de près, on voit que l'organisme des Dytiscides possède encore quelques moyens de défense qui ne sont pas négligeables.
C'est ainsi que le dernier anneau est formé par une large plaque située sur un plan inférieur à celui des autres anneaux. Les substances hydrofuges introduites par l'entrée de l'atrium se localisent par adhérence sur cette plaque garnie de poils clairsemés qui forment une sorte d'épongé hydrt)fuge. Si la quantité do liquide (huile) est plus considérable, elle peut péné- trer jusqu'au dernier stigmate, mais elle n'obstrue pas, en général, la dernière trachée en raison de ses dimensions consitlé- rables.
Si la quantité de liquide introduite est encore plus abondante (cas qui ne se présente jamais dans la nature), tous les stig- mates sont envahis, l'animal succombe, mais après avoir résisté bien plus longtemps qu'un insecte terrestre.
Voici, par exemple, la relation d'une expérience.
Un Dyticus marginalis. L. étant tenu à la main, on dépose successivement plusieurs gouttes d'huile d'olive à l'entrée de l'atrium et sur la terminaison postérieure du dernier anneau.
L'insecte remis à l'eau présente des mouvements de défense assez particuliers ; il essuie avec ses pattes natatoires la région postérieure qui a été imprégnée d'huile ; il fait même proéminer en arrière et en dehors de l'atrium les derniers anneaux qu'il essaye de nettoyer comme il vient d'être dit.
Pendant trois quarts d'heure environ, il se livre à cette ma- nœuvre presque sans interruption.
Ensuite, ses allures se transforment peu à peu, il reste de longs moments à la surface sans mouvement. Il paraît désé- quilibré ; il ne possède plus son attitude normale ; c'est mainte- nant la partie antérieure des élytres qui vieut en contact avec la surface ; il est probable que les vésicules postérieures en partie remplies d'huile sont des flotteurs moins parfaits que d'ordinaire.
272 V. PORTIER
Bientôt, le Dytique semble augmenter de densité, il nage maintenant entre deux eaux sans faire aucun mouvement. Chose curieuse, il semble que l'insecte puisse modifier sa den- sité à volonté ; on le voit, en effet, de temps en temps, mon- ter ou descendre lentement dans le liquide, sans qu'il fasse le plus léger mouvement de natation ; ses mouvements de descente correspondent sans doute à des phases de contrac- tion de ses muscles qui compriment le gaz contenu dans les trachées.
Enfin, l'animal gagne peu à peu le fond sur lequel il s'immo- bilise et meurt.
En résumé, les Dytiscides adultes possèdent un appareil respiratoire mor'pliologiquement Jioîojmeustique.
Pendant leur séjour dans l'air, cet appareil est physiologi- quement^holopneiistique.
Pendant leur vie aquatique, leur respiration devient phy- siologiquement métapneustique, l'extrémité seule de l'espace sous-élytréen se mettant en contact avec l'atmosphère et probablement même la dernière paire de stigmates servant seule à l'introduction de l'air (Fr. Brocher),
La défense contre l'envahissement de l'eau est due aux moyens habituels : chitine hydrojuge, présence de gaz sous pression dans les espaces capillaires.
La défense contre les particules grasses est due à ce que, pendant la station à la surface, l'entrée de l'atrium se trouve sensiblement au-dessus du niveau de l'eau, en raison du faible poids spécifique de l'insecte.
Les corps gras introduits directement par l'entrée de l'atrium sont retenus par le feutrage hydrofuge du dernier anneau qui. au point de vue de la capillarité, joue le même rôle que le man- chon de chitine spongieuse de la prétrachée des larves.
La dilatation vésiculeuse de la dernière trachée contribue aussi à la défense contre les corps gras.
INSECTES AQUATIQUES 273
IV. — Étude des Hydrophiliens à l'état d'imaginés.
Nos études porteront sur les deux espèces qui nous ont déjà servi :
Hydrophiliis picens L. et Hydrocharis cardboïdes L.
Le système respiratoire de ces insectes diffère profondément de celui des Dytiscides. Comme ces derniers, ils possèdent une double série de stigmates abdominaux situés à la partie supé- rieure de l'abdomen et accessibles seulement quand on a écarté les ailes et les élytres de l'insecte.
Ils sont également insérés dans une bande de chitine mince, molle, hydrofuge qui règne de chaque côté du corps. Ici, c'est le stigmate antérieur qui présente le développement le plus con- sidérable.
Mais, et c'est là un point essentiel, ils possèdent, en outre, une paire de gros stigmates ventraux. Ceux-ci ne sont pas très faciles à découvrir. Pour les voir, il faut saisir l'animal et incliner la tête en arrière, on fait ainsi « bâiller » à la partie ventrale l'articulation qui sépare le prothorax du mésothorax. On découvre alors au fond de cette fissure une membrane jau- nâtre, souple qui réunit les deux segments précités en même temps qu'elle leur laisse une certaine mobilité.
Dans la zone antérieure, où cette membrane s'attache au prothorax, on remarque deux taches ovales jaunâtres, for- mées par des poils chitineux hydrofuges. C'est en écartant ces poils qu'on trouve les stigmates, (St. fig. 47). De chacun de ceux-ci part une grosse trachée qui se dirige en arrière ; on l'aperçoit par transparence à travers la membrane articulaire. (Tr. fig. 47).
D'autres dispositions anatomiques sont encore en rapport chez ces insectes avec les phénomènes respiratoires.
La face inférieure du thorax (méso et meta) est revêtue d'un fin duvet hydrofuge qui s'étend sur le premier segment abdo- minal et qui forme deux zones sur les bords latéraux de la fa-re
274
P. PORTIER
inférieure de l'abdomen. Il empiète aussi sur le prothorax et la tête (1).
Les antennes (fig. 48 An.) ont une forme très remarquable. Les quatre derniers articles sont très développés et forment une file de disques, de massues réunies les unes aux autres, par de minces pédicules. Ces articles sont également recouverts
de fins poils hydrofuges.
Chose remarquable, ces antennes ne semblent pas avoir le même usage que celles des autres insectes ; elles sont presque constam- ment réchnées sous la tête, en arrière de l'œil.
Les longs appendices grê- les et mobiles qu'on aper- çoit de chaque côté de la tête de l'insecte et qu'un examen superficiel pourrait faire prendre pour les an- tennes sont les palpes maxil- laires. Cette apparence est si remarquable ; elle a tant frappé les entomologistes qu'elle a valu à ces insectes le nom de Palpicornes (Mulsant 1844) (fig. 48. P. mx).
Voyons maintenant quel est le fonctionnement de cet appa- reil respiratoire. Il a été étudié avec soin, il y a longtemps déjà par Nitzsch (1811).
Dès que l'insecte est plongé dans l'eau, on voit les parties re- couvertes du duvet hydrofuge devenir brillantes, prendre un aspect miroitant, ce qui tient à ce qu'une couche d'air adhère à ces parties ; nous essayerons tout à l'heure de voir par quel
Fig. 47. — Hydrocharis carahoïdes L. Ç . L'insecte est vu par la face ventrale. An : antenne ramenée en deliors des périodes respiratoires sous la partie latérale de la tête ; St : stigmate ventral situé sur la partie molle qui joint le prothorax au méso thorax ; Tr : grosse trachée partant du stigmate ventral ; P : palpe maxillaire ; Pr : prothorax ; Mes ; mésothorax.
(l) La topographie de ce revêtement hydrofuge diffère par quelques détails chez les deux espèces <!tudiées ; ceci ne nous arrêtera pas, la signiflcation physiologique restant la même.
INSECTES AQUATIQUES
275
mécanisme. La plus simple observation indique que ce plastron gazeux possède une grande adliérence car, quels que soient les mouvements auxquels se livre l'Hydrophile, on ne voit jamais la plus petite bulle de gaz s'échapper du réservoir dont novis venons de parler.
Lorsque l'insecte est sous la surface de l'eau, il va sans dire que toute communication entre son réservoir gazeux et l'at- mosphère est interrompue ; par quel procédé va-t-il établir
mx
Fig. 48. — Tête û'Hydrophilus piceus vue par la face inférieure.
An : antenne; /*. mx : palpe maxillaire (très développé et simulant une antenne) ; P. I. : palpe labial ; L. i. : lé\Te inférieure ; L. s. : lèvre supérieure ; Mx : maxillaire.
cette communication qui lui permettra de se réapprovisionner en oxygène?
Par une manœuvre très différente de celle des Dytiques. Ce n'est plus ici la partie terminale de l'abdomen qui vient se mettre en contact avec l'atmosphère gazeuse, c'est la partie latérale de la tête et du thorax. On verra, par exemple, l'insecte s'accrocher à une plante aquatique et s'incliner de manière à rapprocher de la surface le côté droit de son thorax ; en même temps, son antenne droite quitta le sillon qu'elle occupe d'ordinaire et prend une position très particulière qu'il n'est guère facile de décrire ; elle forme une courbe à concavité externe, son extrémité formée des articles dilatés tournée vers
276 P. PORTIER
le bas. Qu'un effort de l'insecte la rapproche encore de la sur- face, et voici qu'en raison de la tension superficielle, une solution de continuité se forme au milieu de la masse liquide et qu'il s'établit une communication entre l'atmosphère extérieure et la pellicule gazeuse qui adhère au corps de l'animal.
Je sens tout ce que ma description a d'insuffisant, je pour- rais peut être l'éclairer par quelque comparaison, je préfère annoncer que l'Hydrophile s'est chargé lui-même de nous fournir un appareil qui fonctionne d'après le même principe que son antenne ; c'est la coque dans laquelle la femelle renferme ses œufs ; nous la décrirons dans quelques instants.
En somme, si le mécanisme que je viens d'exposer n'est pas parfaitement clair pour celui qui n'a pas vu l'insecte à l'œuvre, le résultat obtenu ne saurait faire le moindre doute, l'atmos- phère gazeuse, la bulle de savon si on veut qui adhère au corps de l'insecte est maintenant en communication avec l'air exté- térieur par un tube capillaire formé en partie par de la chitine hydrofuge, et en partie par une lame liquide qui s'appuie sur cette chitine hydrofuge. L'Hydrophile va donc respirer par ce tube comme un scaphandrier utilise le sien.
Quel est le chemin suivi par l'air « neuf » qui pénètre dans le système trachéen de l'insecte?
Jusqu'à une époque récente, l'opinion admise à ce sujet était celle de Nitzsch (1811) : l'air pénétrait d'abord par les stigmates thoraciques ventraux, mais filait aussi en partie sous les côtes de l'abdomen le long de la hgne garnie de poils hydrofuges ; de là, passant sous les élytres, il gagnait la partie supérieure de l'abdomen et les stigmates qui s'y trouvent.
Brocher (1908, p. 191) réfute cette opinion. Pour lui, ce sont uniquement les stigmates ventraux thoraciques qui servent à l'introduction de l'air dans le système trachéen ; les stigmates abdominaux sont, eux, destinés à l'expiration ; l'air usé qui en sort, s'accumule d'abord entre la partie inférieure des élytres et la partie supérieure de l'abdomen et déborde ensuite sous les élytres pour conlcHirnei" les côtés de l'abdomen et venir~se join-
INSECTES AQUATIQUES 277
dre au revêtement gazeux de la partie inférieure du corps. Comment le gaz suit-il ce chemin compliqué et paradoxal au lieu de s'échapper dans l'eau et de venir jusqu'à la surface, en vertu de sa faible densité, c'est ce que nous essayerons d'expliquer dans un instant.
M. Brocher fonde son opinion sur un certain nombre d'expé- riences qui me paraissent devoir entraîner la conviction.
C'est ainsi qu'un Hydrophile auquel on obture les stigmates thoraciques ou dont on enlève le revêtement gazeux sternal ( I ) meurt bientôt d'asphyxie si on le force à séjourner dans Teau ; l'obturation des stigmates dorsaux par un corps gras ne pro- duit pas les mêmes accidents.
J'ai fait aussi quelques expériences qui m'ont donné des résul- tats analogues.
Expérience ] . — Hydrocliariscaraboïdes. v A midi, on dépose une grosse goutte d'huile sur les stigmates thoraciques et on replace l'insecte dans l'eau. Bientôt, la masse d'air emprisonnée sous ses élytres semble augmenter son volume ; l'insecte arrive à la surface et soulève successivement ses élytres comme s'il voulait maintenant utihser ses stigmates abdominaux. Il explore le vase dans lequel il est enfermé, et, dès qu'il rencontre un objet qui dépasse le niveau de l'eau, il s'empresse de monter sur lui. Il passe ainsi toute la journée Jiors de Veau ; rejeté à l'eau, il en sort aussitôt.
Il semble que l'huile ait envahi par capillarité la plus grande partie de son revêtement hydrofuge ; peut-être même a-t-elle gagné la face dorsale.
Le lendemain, à 9 heures du matin, on constate que l'insecte est tombé au fond de l'eau. Il réagit encore faiblement quand on l'excite, mais il est incapable de se tenir fixé à un corps soUde. Il meurt une heure après.
Expérience 2. — On opère encore sur une femelle d'Hydro- charis caraboïdes, mais cette fois, on ne dépose qu'une très petite goutte d'huile sur les stigmates thoraciques. Immédiatement,
(1) Par frottemeat avec un liquide éthéro-alcoolique.
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comme dans le cas précédent, l'insecte s'empresse de sortir de l'eau et se tient toute la journée fixé à une branche qui sort du vase. Si on le jette à l'eau, il en sort aussitôt.
Deux jours après, il paraît respirer normalement et a repris son allure habituelle.
Expérience 3. — On recommence l'expérience précédente, mais après avoir déposé une très petite goutte d'huile sur les stigmates thoraciques, on place l'animal dans un vase à moitié rempli d'eau, à parois absolument verticales et sans aucune aspérité. Dans ces conditions, après avoir flotté un cer- tain temps à la surface, il tombe entre deux eaux, puis, sur le fond sur lequel il remue sans cesse. Il semble qu'il fasse des efforts considérables, mais infructueux pour gagner la surface.
Le lendemain, on le trouve inerte sur le fond du vase.
Expérience 4. — On coupe les deux antennes à une femelle d'Hijdrocharis caraboïdes. Si on la place dans un vase dont elle puisse sortir, elle ne manque pas de le faire rapidement ; si, au contraire, l'insecte est placé dans un vase à parois verticales et lisses, il manifeste sa gêne par des mouvements continuels et il ne tarde pas à mourir.
En résmné, dès que les stigmates thoraciques ne peuvent plus fonctionner normalement (obturation directe ou section des antennes), les Hydropliilides manifestent un grand état de souf- france et meurent si on les maintient dans le milieu aquatique.
Placés au contraire dans le milieu aérien, il semble qu'ils puissent faire usage de leurs stigmates abdominaux et, si la quantité d'huile introduite dans le système trachéen n'a pas été trop considérable, ils se rétablissent peu à peu.
J'arrive donc à la même conclusion que le D^ Brocher en ce qui concerne le rôle inspiratoire exclusif des stigmates thoraciques, chez les insectes parfaits du groupe des Hydio- philides maintenus dans le milieu aquatique (1).
(1) 11 est à uoter que ces niêiues insectes à l'état normal restent de lougues heures immobiles fixés sous l'eau aux plantes aquatiques.
INSECTES AQUATIQUES 279
Je désire faire une dernière remarque touchant le mécanisme respiratoire des Hydrophiliens. On sait que chez les insectes adultes, le renouvellement de l'air à l'intérieur des trachées est produit par des mouvements alternatifs d'expansion et de constriction des segments de l'abdomen. Miall (1903, p. 78) décrit le même mécanisme chez l'Hydrophile ; j'avoue ne les jamais avoir observé nettement comme chez le Dytique.
Par contre, il existe au thorax de ces animaux une disposi- tion curieuse que je n'ai vu signalée par aucun auteur. Non seulement le prothorax est mobile sur l'ensemble formé par le méso et métathorax, mais les différentes pièces qui composent ces deux derniers segments ne sont pas soudées entre elles comme chez les autres insectes, mais présentent aussi un cer- tain degré de mobilité entre elles. On peut parfaitement cons- tater le fait chez l'insecte placé sur le dos.
Il est probable qu'il y a une relation entre cette disposition anatomique et l'existence des stigmates thoraciques ventraux, seuls utilisés pour la respiration dans le milieu aquatique. Il est difficile de s'en rendre compte avec certitude puisqu'on ne peut apercevoir les pièces mobiles stornales quand l'insecte respire à la surface de l'eaa. On y parviendrait peut-être en plaçant sur le fond du vase qui le contient un morceau de glace dans lequel on examinerait par réflexion le plastron ventral de l'insecte pendant l'acte respiratoire.
Étude expérimentale du revêtement hydrofuge.
Les Hydrophilides sont les premiers insectes qui nous aient offert un revêtement hydrofuge de quelque étendue et facile- ment accessible. Essayons de tirer parti de cette circonstance favorable pour soumettre le phénomène à l'expérience et pour en donner une explication rationnelle.
Prenons un Hydrocharis caraboïdes dont le revêtement gazeux sternal paraisse intact sous l'eau. Nous sortons l'insecte de l'eau, nous séchons soigneusement au papier Joseph les
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portions du tégument mouillées ; nous frottons le plastron sternal gauche avec un petit morceau de papier imprégné d'éther. Après avoir laissé l'insecte dans une boîte pendant quelques instants, afin de permettre à l'éther de s'évaporer, on le plonge sous l'eau.
On constate qu'à l'endroit frotté, et là seulement, la couche gazeuse fait défaut.
L'insecte est retiré de l'eau et placé dans une boîte sur du papier Joseph.
Une demi-heure après, on le plonge sous l'eau, le revêtement gazeux se montre de nouveau au niveau de la place frottée, mais il s'évanouit rapidement. L'insecte est mis de nouveau à sec.
Deux heures après, on le place sous l'eau. Cette fois, le revête- ment gazeux existe très marqué et sans lacune sur le sternum ; il persiste sur la place frottée comme sur les zones voisines.
On répète la même expérience, mais, après avoir traité à l'éther une portion des téguments « hydrofuges ^\ on laisse l'insecte dans l'eau ; on constate que, dans ces conditions, le revêtement gazeux qui a disparu au point frotté ne se repro- duit pas, ou du moins très lentement et très incomplètement.
Pour faire disparaître la couche brillante du tégument hydrofuge, il suffit même souvent de le frotter énergiquement, au moyen de papier sec ou imbibé d'eau ; le résultat est d'ail- leurs moins net dans ce cas qu'avec l'éther.
De ces expériences et d'autres analogues, on peut, cerne sem- ble, donner l'explication suivante du phénomène :
Au niveau des téguments hydrofuges existent des poils courts et serrés (1) qui sont enduits d'une substance non miscible à l'eau. Celle-ci ne peut donc pénétrer dans les espaces capillaires, tels que E (fig. 49), situés entre deux poils voisins ; elle forme alors une lame liquide qui s'appuie sur les extrémités des poils et se laisse même déprimer à leur niveau. Cette lame empri-
(1) Cos poils suut parfaiteincat discernables à la loupe.
INSECTES AQUATIQUES
281
, — Coupe schématique du tégument d'un insecte aquatique au niveau du revêtement hydrofuge. T : tégument chitineux ; Hy : hj'poderme ; P : poils chitineux, dépendance du tégument ; E : espace capillaire compris entre deux poils voisins ; Gl : glandes unicellulaires sécréant un liquide qui vient » hydrofugcr » les poils ; L : lame liquide qui s'appuie sur l'extrémité des poils hydrofuges.
sonne entre elle et le tégument T une couche d'air qui est formée par la réunion de colonnes identiques à E.
Si maintenant, on vient à dégraisser les poils P au moyen d'une substance convenable c,
(éther), l'eau pénètre dans /^ r\ /^ rs r?\ r\ r\ ^^
les espaces capillaires qu'elle peut mouiller : elle prend la place de l'air dans les espaces E et l'aspect bril- lant du tégument s'éva- nouit.
Si l'insecte est hors de l'eau, le produit de sécré- tion fourni par les glandes Gl vient de nouveau lubri- fier les poils et le revête- ment gazeux réapparaît.
Si l'insecte est au con- traire immergé, le produit de sécrétion insoluble dans l'eau ne peut pas se répandre sur les poils qui sont mouillés et l'accident ne peut pas se réparer. On trouve dans ce cas un liquide blanchâtre visqueux qui s'est concrète sur la zone dégraissée.
Chez un insecte normal, une goutte d'huile déposée sur le tégument hydrofuge pénètre immédiatement dans les espaces capillaires et aboUt le revêtement brillant.
Quant à l'existence des glandes Gl, elle n'est pas hypo- thétique. Il ne faut pas songer à la constater tout au moins in situ chez l'Hydrophile, dont les téguments, surtout au ni- veau du thorax, atteignent une telle épaisseur qu'il est impos- sible d'y pratiquer des coupes minces. Mais la plupart des Hémiptères aquatiques possèdent sur certaines parties de leurs téguments un revêtement hydrofuge très semblable à celui des Hydrophilides. Chez la Nèpe, en particuHer, il existe sur la face dorsale de l'abdomen. J'ai pu, chez un insecte de cette
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET OÉK. — 5» SÉRIE. — T. Vm. — (H).
IJ
282 P. PORTIER
espèce qui venait de muer, pratiquer des coupes après fixation • dans le liquide de Bouin. Elles m'ont démontré l'existence sous l'hypoderme de glandes unicellulaires semblables à celles qui ont été représentées dans la figure 47. Je dois cependant faire remarquer qu'il m'a été impossible de déterminer avec certitude la situation du canal excréteur de la glande ; il a été figuré ici schématiquement.
Quel est le rôle physiologique de ce revêtement gazeux ? Tous les auteurs s'accordent à en faire un réservoir dans lequel l'animal vient puiser au moyen de ses stigmates lorsqu'il est sous la surface de l'eau et que la provision d'oxygène contenue dans ses trachées est épuisée. Pour le D^ Brocher (1908), cette opinion ne saurait se soutenir, puisque le gaz adliérent au plastron sternal serait composé des gaz d'expiration prove- nant des stigmates dorsaux. Aux preuves déjà fournies, il ajoute la suivante* Au moyen d'un petit aspirateur (compte- goutte), il soutire l'air du revêtement ventral (1) ; il voit bientôt le plastron brillant se reformer aux dépens du gaz situé sous les élytres.
Ainsi le réservoir gazeux rempli d'air « usé » ne saurait donc être utilisé pour la respiration de l'insecte. Pour le D^ Brocher à l'opinion duquel je me rallie, le réservoir gazeux des diffé- rents insectes (Hydrophiliens), Notonectes, Corises, etc.), aurait le rôle d'un flotteur, ce serait si l'on veut une ceinture de sauve- tage qui maintiendrait ou même porterait l'insecte à la surface de l'eau. On peut en donner la preuve en privant l'animal de cette réserve, soit par le vide, soit en traitant par l'éther ses poils hydrofuges ; on voit alors l'insecte tomber sur le fond du vase.
Il me reste à exposer une dernière question qui aurait pu s'offrir à nous à propos des insectes déjà étudiés, mais que j'avais réservée pour la traiter ici, car le phénomène dont je vais parler se présente chez les Hydrophiliens avec une parti- culière netteté.
(1) Chez rHyiiroiiliile et surtout chez d'autres insectes voieiii» qui s'y prêteut mieux.
INSECTES AQ L ATlt^ UES
•2S'6
Supf)osons que nous ayons fixé un Hydrophile sur une lame de plomb, de manière à ce qu'il soit maintenu sur le fond du vase et qu'il ne puisse plus venir surnager à la surface de l'eau. Faisons un vide progressif au moyen d'une trompe à eau ; nous voyons alors le revêtement gazeux se dilater de plus en plus à mesure que la pression baisse. Mais, fait très remarquable, le gaz ne s'échappe pas en bulles montant dans le liquide et venant crever à la surface. Il semble que la couche gazeuse soit maintenue au contact du revêtement hy- drofuge par une adhérence extrê- mement mar- quée. Lorsque la pression est tom- bée très bas ; à quelques centi- mètres de mer-
Fig. 50. — Xotonecte vu par la face ventrale et examiné en dehors de l'eau. L, L" : crêtes lat^^rales d'implantation des longs poiU chitincux ; M : crête médiane ; G G' : gouttières garnies d'nn lin duvet hydrofuge ; S S. : stigmates. Les longs poils cliitineux sont rabattus sur les crêtes d'implantation et par consé- quent presque invisibles.
cure, par exem- ple, on voit quel- ques bulles se sé- parer du revêtement après s'être étirées ; le 'phénomène se produit surtout aux points où l'insecte frotte son tégument avec ses pattes.
En somme la couche gazeuse donne tout à fait l'impression d'une substance visqueuse ; on pourrait la comparer comme apparence avec beaucoup d'exactitude à une masse de métal à l'état pâteux.
Le phénomène est général pour tous les insectes qui possèdent un tel revêtement gazeux ; il s'observe également avec une très grande netteté chez le Notonecte. Chez cet Hémiptère, le prin-
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P. PORTIER
cipal réservoir gazeux siège à la face ventrale de l'abdomen. Celui-ci présente une crête médiane M et deux crêtes latérales L et L" entre lesquelles régnent deux dépressions ou gouttières G, G' (fig. 50). Le fond des gouttières est revêtu d'un fin duvet hydrofuge assez semblable à celui que nous avons étudié chez l'Hydrophile.
Les trois crêtes portent de longs poils chitineux hydrofuges
sur leur partie interne. Lorsque le Notonecte est à sec, ces poils s'appliquent le long des arêtes qui leur donnent insertion et les deux gouttières communiquent largement avec l'atmosphère, permettant un facUe accès de l'air aux stig- mates. Mais, dès que l'eau touche les crêtes L, L" ou M, les poils sont rejetés vers la partie médiane de la gouttière (fig. 51) ; ils viennent ainsi, par leur réunion, former une membrane qui transforme la gouttière en un canal complet (1). Une masse d'air assez considérable est ainsi empri- sonnée sous l'abdomen et dans une situation telle, que l'insecte est maintenu dans l'eau le ventre en l'air. Il devient en même
Fig. 51. — Notonecte vu par la face ventrale et examiné sous l'eau. Les longs ptoils chitineux au contact de l'eau se sont inclinés vers la ligne médiane de la gouttière qu'ils trans- forment en tube complet. O : orifice postérieur établissant la coninmnication entre l'atrium stigniatique et le milieu extérieur.
(1) Je n'ai vu cette transformation signalée nulle part. Elle est si facile à observer que je no puis croire qu'elle ait écliapijé aux nombreux naturalistes qui ont étudié cet insecte si comnmn. Pour provoquer le phénomène, il suffit d'épingler sur le dos un Notonecte sur le fond d'une cuvette liégée. On verse de l'eau avec précaution, au moment où le niveau atteint les crêtes, on voit sous le microscope, les poils se rabattre brusquement et masquer le fond des gouttières.
INSECTES AQUATIQUES 280
temps plus léger que l'eau et il n'a qu'à s'abandoiinor pour venir flotter à la surface. Cette masse d'air maintenue sous ce treillis de poils hydrofuges, se comporte comme une véritable substance visqueuse adhérant très fortement aux organes qui l'entourent sans former, bien entendu, de revêtement étanche.
On peut même en coupant quelques faisceaux de poils dos lignes latérales, pratiquer dans le toit des sortes de fenêtres, qui permettent de voir l'intérieur de la gouttière pendant que l'insecte est sous l'eau. Si on fait le vide en maintenant l'animal au fond de l'eau, on voit la masse d'air venir faire hernie au ni- veau des ouvertures pratiquées. Si on a déposé un peu de noir de fumée sur les poils latéraux, on voit les grains noirs rouler à la surface interne de la bulle qui proémine au niveau des ou- vertures, rendant le phénomène encore plus sensible. Le Dr Brocher (1909) a observé des faits analogues sur le même insecte dont il a étudié avec soin et succès la mécanique respiratoire ; il a bien vu l'extrême adhérence de la couche d'air. « On voit une forte boursouflure aérienne bomber sur « le thorax, et, quelquefois aussi, le long du bord des élytros. « L'animal se frotte furieusement le ventre avec ses pattes « postérieures, cherchant, mais en vain, à étendre cet air sur « son abdomen. Parfois, seulement, il réussit à en détacher « une bulle, qui s'échappe ».
Nous connaissons maintenant les faits, voyons leur expli- cation.
P La couche d'air emprisonnée au milieu des poils hydro- fuges est limitée par une véritable lame liquide qui s'insère par ses bords sur la chitine mouillable et qui s'appuie sans con- tracter d'adhérence sur les poils hydrofuges (fig. 49).
2^ Cette lame Hquide n'est certainement pas constituée par l'eau dans laquelle l'animal est plongé. On peut, en effet, étudier expérimentalement la formation de lames liquides, on agitant cette eau dans un flacon ; ou en plongeant dans cette eau des mailles de grandeur variable et constituées par des fils de substances diverses. On constate qu'elles n'ont qu'une existence
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éphémère, et qu'elles se rompent sous la moindre influence. Quelle est donc la substance qui confère à l'eau la propriété de prod uire des lames liquides aussi persistantes et aussi solides ?
Il ne semble pas que ce puise être le produit de sécrétion qui rend les poils hydrofuges, car celui-ci est par définition insoluble dans l'eau. Y a-t-il à côté de lui et sécrété par les mêmes glandes un second produit ? cela est possible, probable même, mais ici encore on se heurte à des difficultés insurmontables, quand on veut en extraire des quantités suffisantes pour procéder à des expériences.
J'avais essayé, dans ce but, de racler la partie interne des téguments correspondant aux zones hydrofuges, mais il est pra- tiquement impossible de séparer les glandes qu'on voudrait étudier des muscles, des trachées et même des cellules hypoder- miques banales de la région. En broyant les tissus obtenus dans l'eau et filtrant, on obtient bien un liquide qui mousse et qui donne des bulles persistantes, mais on sait qu'on obtient un résultat analogue avec n'importe quelle substance albuminoïde.
J'avais remarqué que chez un Hydrophile dont on a badigeonné le plastron sternal hydrofuge avec une petite quantité d'un liquide huileux, on trouve le lendemain chez cet insecte conservé à sec des filaments blanchâtres qui se sont concrètes au niveau des zones hydrofuges. Mais le produit de sécrétion recueilli dans ces conditions se montre insoluble, soit qu'il soit composé presque uniquement de la substance qui confère aux poils leur propriété hydrofuge, soit qu'il ait subi une sorte de coagu- lation.
Mon intention était de procéder à l'étude expérimentale du problème en m'inspirant des belles recherches de Plateau (1873) ; mais j'ai été obligé d'y renoncer poar les raisons que je viens d'énumérer. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'étant donné la persistance des lames liquides et la très grande diffi- culté qu'on a à les rompre, le liquide qui forme les parois de la bulle doit satisfaire aux deux conditions suivantes : 1" Posséder une foj'te viscosité superficielle ;
INSECTES AQUATIQUES 287
2° Présenter une tension superficielle relativement faible (Plateau, 1873, Vol. Il, p. 42).
2P On sait également d'après les recherches du même auteur que la nature du sujyport de la lame est loin d'être indififéronte. Le même liquide donnera des lames plus ou moins persistantes suivant qu'elles s'appuieront sur un support donné ou sur un autre de texture différente. C'est ainsi qu'on peut gonfler des bulles de savon beaucoup plus grosses avec une pipe de verre qu'avec une pipe de terre (Plateau, 1873, Vol. II, p. 117). La chitine mouillablo sur laquelle s'insère le pourtour de la bulle liquide, doit présenter des conditions exceptionnellement favorables étant donnée l'extrême adhérence de la lame liquide à son niveau.
Remarquons enfin, qu'il suffit d'une quantité extrêmement faible du produit de sécrétion pour obtenir le résultat voulu. Il ne s'agit nullement, en effet, de modifier les propriétés phy- siques de tout le liquide qui entoure l'insecte, mais seulement, d'une lame liquide ayant l'épaisseur de la couche dans laquelle l'activité moléculaire peut se manifester. D'après les mesures de Plateau fondées sur les colorations prises par les lames minces, cette couche aurait une épaisseur voisine de 1/17.000" de millimètre.
Si on ne peut, pour les raisons indiquées, procéder à l'étude expérimentale directe du phénomène, il est possible tout au moins, de vérifier certaines conséquences do la théorie que je viens d'adopter et par cela même, de démontrer son exactitude par une méthode indirecte. Celle-ci consiste essentiellement à mo- difier le liquide dans un sens tel que les conditions qui assurent sa persistance soient altérées. Si la théorie est juste, on devra voir la lame se rompre et le revêtement gazeux disparaître.
Le problème a déjà été traité à l'occasion d'une question bien différente de celle qui nous occupe en ce moment.
Errera (1906) s'était demandé par quel moyen il serait pos- sible de chasser les bulles d'air qui adhèrent si nombreuses aux coupes végétales et qui sont parfois si gênantes dans les
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recherches histologiques. S'appuyant sur les recherches de Pla- teau, il avait attribué la formation des bulles à des matières organiques (albumines), se dissolvant dans l'eau, au contact de la coupe et donnant un Hquide à viscosité superficielle forte et à tension superficielle faible.
Le procédé qui permettra de chasser ces bulles consistera à soumettre les coupes à l'action d'un liquide qui devra posséder les qualités suivantes :
P Etre miscible à l'eau ;
2° Avoir la propriété de se substituer au liquide qui limite les bulles ;
3° Former des lames liquides sans solidité, sans persistance.
Voyons par quels procédés, on peut réaliser cette triple con- dition.
La première va de soi, elle n'a pas besoin d'être exposée d'une manière plus expUcite. La deuxième sera réalisée si on prend un liquide possédant une tension superficielle plus faible que celle du liquide auquel on veut le substituer. C'est là un phé- nomène de capillarité bien connu. Une plaque de verre étant recouverte d'une mince couche d'eau ; si on vient à déposer en son centre un peu d'alcool (possédant une tension superfi- cielle plus faible que celle de l'eau), on voit l'eau s'écarter du centre, se diriger vers les bords, tandis que l'alcool occupe tous les points qu'elle vient d'abandonner (1). La troisième condi- tion sera rempHe si le liquide choisi possède une viscosité- superficielle faible. Dans ces conditions, la paroi de la bulle ou la lame liquide se déchire facilement, la bulle s'évanouit.
Plusieurs liquides réunissent ces trois conditions : l'alcool, l'éther sulfurique, par exemple, et l'expérience prouve qu'ils ont, en effet, la propriété de chasser les bulles d'air, aussi bien celles qui se forment au contact de certains tissus végétaux immergés, que celles qui prennent naissance dans certains li- quides albumineux. On sait, par exemple, qu'un hquide albu-
(1) C'est ^ua phénomène analogue qui donne lieu aux stries liquides qui prennent naissance sur lo<i parois d'un verre dansjequol on_agite un liciuide alcoolique (vin génC'reux).
INSECTES AQUATIQUES 280
milieux versé sans précaution dans une burette étroite, donne naissance à une mousse abondante, qui se réunit à la surface du liquide et empêche une lecture correcte du niveau du liquide ; une goutte d'alcool ou mieux d'éther provoque la disparition rapide des bulles par le mécanisme qui vient d'être exposé ; on les voit toutes, en effet, crever successivement, laissant échapper l'air qu'elles contenaient.
Le même phénomène va-t-il se produire avec le revêtement gazeux de nos insectes aquatiques? L'expérience permet de répondre par l'affirmative. Sous l'influence de ces liquides, on voit le plastron brillant se fragmenter, l'air emprisonné se réunir en petites bulles qui bientôt s'évanouissent dans le liquide environnant.
Mais ici, une objection peut se présenter à l'esprit. L'alcool qui a la propriété de mouiller le revêtement hydrofuge ne va-t-il pas pénétrer dans les espaces capillaires situés entre les poils pour les remplir en chassant l'air de la région?
A vrai dire, je ne crois pas que cette objection soit valable, tout au moins tant que la solution alcooUque n'atteint pas un certain degré de concentration. Mais nous pouvons essayer d'obtenir le même résultat avec d'autres hquides qui ne peuvent donner prise à l'objection formulée.
Les solutions de bile dans l'eau sont dans ce cas. Remarquons d'abord qu'elles remplissent bien les conditions imposées. En particulier, on sait que la présence des acides bihaires leur confère une tension superficielle extrêmement faible. C'est sur cette propriété qu'est fondée la réaction de Hay (1866), qui consiste à projeter de la fleur de soufre sur le liquide (urine) qu'on veut étudier. Si celui-ci renferme des sels biliaires, la fleur de soufre tombe au fond du vase ; dans le cas contraire, elle nage sur la surface du liquide.
Si on plonge un Hydrophile dans de l'eau additionnée de 1 pour 100 de bile, on voit le revêtement gazeux du plastron sternal se fragmenter, le gaz se rassemblant en bulles qui crèvent et se dispersent dans le liquide.
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Ici encore, on pourrait faire l'objection que le phénomène est dû aux savons qui sont toujours contenus dans la bile.
Il est facile de se mettre à l'abri de cette objection en opérant en milieu acide. Le phénomène décrit se produit, en effet, lorsqu'on plonge l'insecte dans une solution d'acide chlory- drique à 2 ou 3 pour 1000, additionnée de 1 pour 100 de bile.
Il semble donc bien que, dans ces conditions, le phénomène de rupture de la lame liquide soit dû à ce que le liquide dont elle était formée, a été remplacé par un autre de plus faible viscosité (1).
Nous sommes donc bien arrivés au résultat cherché, nous sommes bien en possession de la preuve indirecte que nous avions annoncée.
Étude de la coque à Œufs de l'Hydrocharis caraboides.
On sait que la plupart des femelles des Hydrophiliens cons- truisent une coque de soie dans laquelle eUes enferment leurs œufs. Lyonnet (1829) nous a laissé une bonne description de la manière dont la femelle du grand Hydrophile s'y prend pour filer cette coque dans l'eau ; de très belles figures éclairent son mémoire. Mais les auteurs paraissent beaucoup moins fixés sur le rôle de cette coque ; j'en ai donc repris l'étude.
Les descriptions et les recherches qui suivent ont trait unique- ment à la coque de VHijdrocharis caraboides que j'ai pu me procurer en assez grande abondance. Elle ne diffère d'ailleurs par aucun point essentiel de celle du grand Hydrophile, et les conclusions auxquelles nous allons arriver, sont évidemment applicables à la coque des deux insectes.
Description de la coque.
Elle est formée de deux parties bien distinctes :
a. Une partie horizontale ovale: la co que proprement dite.
(1) .Te ne donne pas cette interprétation sans restriction. Il y a h\ un i)i>int île ph.vsl<|ue molé- culaire sur leijuel les pliysiciens no me paraissent pas d'accord et ((ui deMian<le de nouvelles recherches.
INSECTES AQUATIQUES
291
C'est une sorte de sac aplati à sa partie inférieure qui repose sur l'eau, arrondi à sa partie supérieure qui émerge, terminé en avant (fig. A) par une extrémité assez tranchante qui forme
Fig. 52. — Coque à'Hydrocharis caraboides nageant sur l'eau et vue par côté.
F ; corps de la coque recouverte d'une feuille de graniinée aquatique; A : partie antérieure de la co<iue formant nue sorte d'étrave ; P : partie postérieure de la coque formée d'une partie plate et verticale qui reste à nu ; M : mat vertical légérenient recourbé en avant.
une sorte de proue et à sa partie postérieure (P) par une partie plate verticale.
b. Ce méplat postérieur se prolonge verticalement vers le haut, par une sorte de long appendice cylindrique, filifor- me : le mât (fig. 52, M).
L'extérieur de la coque est formé d'un tissu parcheminé blanchâtre, dans lequel le mi- croscope laisse voir facilement une intrication de fils de soie. Ceux-ci sont réunis, agglutinés par un ciment ; l'étoffe ainsi formée est absolument imper- méable.
La paroi qui forme le méplat postérieur et vertical paraît beaucoup plus mince que l'enve- loppe de la partie antérieure.
Jamais la coque ne se rencontre à découvert dans la nature
Fig. 53. — Coque A'Hydrocharis carabo'tdes vue par la face postérieure. P : partie postérieure plate, verticale et se montrant à nu ; M : mat prolongeant
* la face postérieure ; F : feuille de
Dycotylédone recouvrant la cx)que.
292
P. PORTIER
p.
Elle est toujours enveloppée dans une feuille appartenant d'ordinaire à une plante aquatique. Cette feuille étroitement appliquée sur la coque dont elle entoure les faces supérieure, latérales et inférieure, auxquelles elle adhère très fortement ; mais la face postérieure plane et verticale reste au contraire, toujours à découvert.
La feuille qui recouvre la coque la dissimule parfaitement aux regards, d'autant mieux que cet appareil se trouve presque
toujours retenu au milieu des plantes qui poussent dans l'eau sur le bord des petites mares qu'af- fectionnent les Hy- drocharis.
Si on fait une sec- tion longitudinale et médiane de la coque, on constate que sa partie inté- rieure est disposée de la manière sui- vante (fig. 54).
Vers la partie an- térieure, on voit des corps cylindriques blanchâtres. Ce sont les œufs D ; ils sont disposés [verticalement en une couche unic^ue les uns à côté des autres. Ils sont très volumineux relativement à l'insecte qui les a produits, car ils mesurent en moyenne 4 millimètres de longueur sur 1 millimètre de largeur. L'extrémité antérieur de la larve est toujours tourné en haut. Ainsi que le montre la ligure, ces œufs, sauf les deux ou trois rangées antérieures, n'atteignent pas la partie supérieure de la coque.
Toute la cavité de l'appareil qui n'est pas occupée par les œufs est remplie d'une sorte de bourre formée de fils de soie
FiR.
'i4. • — Coque A'Hydrochari.t caraboides coupée longitudi- naleiuont pour montrer sa conformation intérieure (Schéma).
A : partie antérieure ; P .' face postérieure plane ; M : mât ; D : œufs disposés verticalement les uns :\ côté des autres; B : leurre de soie remplissant la cavité postérieure de la coque.
INSECTES AQUATIQUES
293
qui s'entrecroisent en tous sens (fig. 54, B.) et forment un lacis
de mailles polygonales de grandeur variable.
Examinons plus attentivement le mât (fig. 55). La tige ver- ticale qui le forme n'est pas pleine ; mais elle a la forme d'une gouttière ouverte en avant. A la partie mé- diane du mât, cette gouttière est presque fermée sur elle-même, c'est un simple sillon très étroit. Au con- traire, en haut et en bas les deux bords du sillon s'écartent l'un de l'autre, laissant largement commu- niquer la cavité du mât avec l'ex- térieur.
Si nous faisons une coupe dans la partie médiane du mât, nous
Fig. 55. — Coque à œufs d'Hydro- charis carabo'tdes. Détail du mât. M : partie médiane du mât. Les bords de la gouttière sont très rapprochés ; ils laissent entre eux un simple sillon. 3' ; partie inférieure du mât. Les deux bords de la gouttière s'écartent l'un de l'autre pour former un triangle et vont se perdre sur les parties supéro-latérales de la coque ; F : feuille recouvrant la coque ; S .• partie supérieure du mât, la cavité de la gouttière s'aperçoit, ses bords s'étant écartés l'un de l'autre.
Fig. 56. — Hydrocharis carabo:des L. Coque à (cufs. Coupe transversale pratiquée à mi-hauteur du mât. F : tissu de soie formant le • mât •. Il est rempli de lacunes pleines d'air qui sont en communication avec la cavité de la gouttière ; O : gouttière ; L : lame liquide s'appuyant sur les deux côt«8 do la gouttière et transformant cette gouttière en un tube complet.
voyons (fig. 56) que la paroi de cet appareil est forjnée d'un tissu lacuneux, dont les mailles sont remplies d'air. Du côté extérieur, ou convexe ce tissu est limité^ par une mem- brane serrée et imperméable M. Du côté interne ou concave,
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la membrane limitante est fenêtrée de sorte que les lacunes de la paroi communiquent avec la cavité de la gouttière.
Fonctionnemeni de Vap'pareil. Rôle des différentes parties.
La coque constitue un bateau insubmersible dans lequel sont enfermés les œufs qui, pour poursuivre leur développement, doivent respirer l'air atmosphérique en nature. La coque dont les mailles sont remplies d'air, flotte sur l'eau, le mât étant vertical ou plutôt légèrement incliné en avant. Si on maintient de force au fond de l'eau cet appareil, même pendant plusieurs heures, il vient de nouveau flotter à la surface dès qu'on l'aban- doime ; en pesant la coque avant et après l'immersion, on cons- tate qu'elle n'a pas agumenté de poids ; aucune goutte d'eau n'a donc, pénétré à son intérieur.
Cependant, comme nous l'avons dit, il se produit des échanges gazeux entre l'intérieur de la coque et le milieu extérieur.
Normalement, l'air pénètre au niveau du triangle T (fig. 52 et 55) qui se trouve à la base du mât. Le tissu lacuneux se montre là à découvert. Si on dépose une goutte d'huile colorée en ce point, on constate qu'elle pénètre à l'intérieur de la coque, ce qui ne se produit pas si on la dépose en tout autre point (à l'exception du mât, comme nous allons le voir). Le triangle T constitue donc un véritable stignmte.
Lorsque la coque nage sur l'eau, le triangle stigmatique se trouve très au-dessus de la surface. Qu'arrive-t-il lorsqu'on enfonce cet appareil sous l'eau? Une lame liquide se forme instantanément dans la région du triangle. Cette lame s'appuie sur les côtés du triangle qui sont les prolongements des bords de la gouttière. Elle emprisonne une couche d'air entre elle et 1© triangle stigmatique. En raison de la disposition des parties, cette couche d'air reste en communication avec la cavité du mât, c'est-à-dire avec l'air extérieur.
Si on enfonce davantage la coque sous l'eau, la lame liquide précédemment formée persiste, mais elle monte, elle s'étend
INSECTES AQUATIQUES 295
le long du mât à mesure que celui-ci plonge davantage dans l'eau. Cette lame s'appuie sur les deux côtés de la gouttière qii'elle transforme en un tube complet (fig. 56).
Le résultat de ce mécanisme est le suivant : a. Dans la situa- tion normale de la coque nageant à la surface de l'eau, le stig- mate se trouve dans l'air et celui-ci pénètre sans difficulté dans les mailles de la coque et jusqu'aux œufs. h. Quand l'œuf s'enfonce sous l'eau, il se forme automatiquetnent un tube d'adduction au stigmate qui a juste la longueur nécessaire pour arriver à la surface où l'air est puisé.
Il n'est pas besoin d'insister sur l'avantage d'une telle dispo- sition qui assure le renouvellement do l'air dans les meilleures conditions ; toute longueur superflue du tube constituant un espace nuisible.
Il est aussi bien curieux de constater que ce mécanisme de confection d'un tube au moyen d'une gouttière solide hydrofuge et d'une lame liquide est, en dernière analyse, identique à celui qui permet à l'Hydrophile adulte de puiser l'air au moyen de ses antennes et de son appareil stigmatique ventral.
Pendant que le mât se trouve en partie immergé, si on vient à déposer une goutte d'huile au niveau de l'orifice du tube res- piratoire, elle est absorbée, mais file aussitôt dans l'épaisseur F de la paroi du mât ; c'est toujours l'application du même principe de capillarité que nous avons déjà rencontré si souvent : un tube capillaire se vide de lui-même dans un autre tube capillaire d'un diamètre inférieur. Le résultat est aussi toujours le même, à savoir la conservation ou le rétablissement auto- matique de la perméabilité du conduit qui eût été obstrué sans cela par le corps gras.
Il va sans dire que si le mât se trouve complètement immergé, la communication de l'atmosphère interne de la coque avec l'air, est complètement interrompue, mais c'est là un cas qui doit se présenter bien rarement dans la nature, voici pour quelle raison.
Si une pression s'exerce sur la coque (fig. 57 A) dans le sens
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P. PORTIER
de la flèche, on voit celle-ci basculer (fig. 57 B) et s'échapper en gHssant dans le sens de la flèche F. Le fait est facile à obser- ver quand on met un insecte aquatique dans le même bocal que la coque ; il ne peut parvenir, malgré tous ses efforts, à se hisser sur la coque, en raison de ce mouvement de bascule et de la surface glissante présentée par la feuille étroitement appUquée sur l'appareil.
Quant au mouvement de bascule, au « chavirement » de l'esquif, si on veut, il résulte de ce fait, que celui-ci est « mal chargé » en raison de la situation des œufs qui sont tous accu- mulés à une extrémité de la coque ; celle qui naturellement
Fig. 57. — Cofiue d'Hydrocharis carabo'kies.
A : situation normale à la surface de l'eau. Une pression est exercée dans la direction de la flèche. B : sous l'influence de cette pression, la coque bascule et fuit en se dérobant dans la direction de la flèche F.
plonge le plus dans l'eau et qui est le plus accessible (l'autre extrémité présente une paroi absolument verticale).
Nous n'insisterons pas davantage sur ce véritable mécanisme de défense automatique de la coque contre la submersion. Il est facile d'en comprendre et d'en admirer la perfection, en plaçant l'appareil dans un cristallisoir, dont la surface est garnie de plantes aquatiques. En enfonçant la coque sous l'eau, puis l'abandonnant à elle-même, on la verra gagner la surface en raison de sa faible densité et dans l'immense majorité des cas, le mât parviendra à s'insinuer entre les plantes aquatiques et à établir la communication entre l'air extérieur et l'atmos- phère qui entoure les œufs.
Je terminerai par les deux remarques suivantes : Si la coque vient à être blessée, si même, on détache une partie assez
INSECTES AQUATIQUES 297
grande de sa surface parcheminée, on constate que pas une goutte d'eau ne pénètre à son intérieur ; en effet, on voit immédiatement que des lames liquides se forment et pren- nent leur appui sur les fils de soie qui limitent les mailles. L'Hydrophile a inventé le bateau à cloisons étanches, mais ici, les cloisons se forment d'elles-mêmes au moment de l'accident et elles sont constituées par des lames liquides ; ce sont là des avantages incontestables sur les bâtiments construits par les hommes.
J'ai enfin remarqué le fait suivant dont je n'ai pu trouver mention nulle part. Les larves après leur sortie de l'œuf, restent à l'intérieur de la coque pendant quarante-huit heures environ ; là, leurs téguments chitineux d'abord très mous se durcissent ; il me semble évident que, pendant ces deux journées, elles dévorent la bourre de soie qui empht la coque, car, après la sortie des larves, celle-ci est absolument vide. Les larves sortent en pratiquant une ouverture dans la cloison verticale qui est située sous le mât.
Bientôt la coque s'affaisse, les fils de soie ne sont plus là pour former le canevas sur lequel s'appuient les lames liquides, la coque s'emplit d'eau par l'ouverture pratiquée à la cloison verticale ; elle ne tarde pas à couler au fond de l'eau.
En résumé, la coque des Hydrophiliens constitue un bateau insubmersible rempli d'air, à multiples cloisons étanches se formant au moment du besoin par des lames liquides.
La communication gazeuse avec l'extérieur est assurée par un véritable stigmate imperméable à l'eau. Si la coque est entraînée sous la surface, un tube d'adduction pour l'air se forme automatiquement, il atteint juste la longueur nécessaire et suffisante (1).
La protection contre les corps gras solides ou liquides est assurée par les procédés habituels.
On voit ici encore, quel merveilleux parti l'insecte a tiré de
(1) 11 serait fort intéressant d'éUiblir une (■iini|)araison entre ce tube et celui qui proluntte la partie postérieure des Nèpes et des Ranâtros. Je nie réserve de le faire dans un autre travail.
AKCH. DE ZOOL. EXP. ET OÉN. — 5« SÉIUE. — T. VIU. — (II). 20
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la capillarité. On admirera encore davantage cet appareil si l'on songe qu'il a été construit dans l'eau et avec le seul secours d'une filière située à l'extrémité postérieure de l'abdomen.
Les chenilles d'Hydrocampa et leurs fourreaux.
Nous avons précédemment étudié une chenille aquatique produisant un papillon (lY. stratiotata). Nous avons montré que cette chenille avait les stigmates tout à fait clos et qu'elle respirait au moyen de branchies trachéennes.
Il existe d'autres chenilles aquatiques appartenant à des genres voisins, mais adaptés à un mode de respiration tout dififérent, ce sont les chenilles d'Hydrocampa.
Après les premiers changements de peau (1), les chenilles de ce genre ressemblent à celles des Pyrales ; elles possèdent 16 pattes et des stigmates bien visibles sur les côtés du corps à leur place habituelle.
Disons tout de suite que ces stigmates sont bien perforés, ainsi que Réaumur (1736, Vol. II, p. 391) l'avait déjà établi. Si, en effet, on les enduit successivement au moyen d'huile, on voit la chenille mourir rapidement (mais moins vite cepen- dant que les larves terrestres). En somme, ces chenilles ne diffèrent en rien d'essentiel des larves terrestres du même groupe. Elles sont cependant admirablement adaptées à la vie aqua- tique, et voici par quel procédé. Elles ne vivent point à nu dans l'eau comme les chenilles de N. stratiotata, mais on les trouve toujours enfermées dans un fourreau qu'elles transportent par- tout avec elles. Réaumur nous a fait connaître la manière dont elles construisent ce fourreau. La chenille gagne la face infé- rieure d'une feuille aquatique {Potamogeton lucens, par exemple). Elle découpe un segment ovale qu'elle transporte sous une autre feuille ou sous une portion intacte de la précédente ; un nou- veau segment est découpé en suivant les contours du précédent.
(Ij ^ous imssujis sous silence les i>i'oiuiers états iiue lunis n'avons pu udiis prucuivr.
INSECTES AQUATIQUES
2!)'J
Ces deux morceaux de feuille sont réunis par des fils de soie, de telle sorte que les deux faces inférieures soient tournées l'une vers l'autre ; comme celles-ci sont légèrement concaves, il en résulte que la chenille a ainsi assemblé un fourreau de deux valves (supérieure et inférieure) qui laissent entre elles un espace vide de section elliptique. La chenille s'y loge alors, et se cramponne par ses pattes membraneuses à la valve inférieure. Lorsqu'elle veut man- ger, elle sort les pre- miers anneaux de son corps par l'extrémité antérieure du fourreau qui reste libre et elle s'attache au moyen de ses pattes écailleuses aux plantes aquati- ques, dont elle fait sa nourriture.
Une particularité fort curieuse n'avait point échappé à l'habile ob- servateur qu'était Réaumur : la chenille se trouve toujours à sec dans son fourreau. Celui-ci contient toujours de l'air et jamais une goutte d'eau. Réaumur s'était demandé par quelle manœuvre la chenille parvenait à vider d'eau son logement ; peut-être le transportait-elle à sec sur une feuille de Potatnogeton ou de Nuphar ? L'observation attentive de l'insecte ne permettait jamais d'assister à cet exercice. Mais en tous cas, l'explication ne se montrait pas satisfaisante pour tous les cas, car, ainsi que le fait remarquer Réaumur lui-même, il arrive que la chenille après avoir découpé le premier segment
Fig. 58. — Chenilles d' Hi/drocampi ni/mphet/'i.
A : chenille dans son fourreau. Sa tête sort à la partie antérieure entre les deux valves; B : On a fcarté la valve supérieure du fourreau pour montrer la clieniUe cramponnée à la valve inférieure. On a représenta queliiucs-uns dos âlsdc soie qui cou- vteiit la face interne des valves. C : chenille qui sort dans l'eau les premiers anneaux hors du fourreau. On a essayé de figurer par un trait la pellicule d'air qui entoure sou corps.
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de feuille, la première valve de son fourreau la fixe sous la surface d'une autre feuille, et s'en tient là. Elle habite alors ce logement fixe, construit et situé entièrement sous la surface de l'eau, et dans ce cas encore, la chenille s'y trouve toujours à sec.
Réaumur renonce donc à résoudre la question. Quant à nous, elle ne nous embarrassera guère, après les observations et les expériences faites sur d'autres insectes.
Prenons un fourreau et extrayons sa chenille par l'ouverture antérieure, en prenant soin de ne pas briser les fils de soie qui réunissent les deux moitiés. Remettons ce fourreau dans l'eau en le retirant et en l'entrouvrant de nouveau, nous constate- rons que pas une goutte de liquide n'a pénétré à son intérieur. Faisons mieux : ouvrons ce fourreau sous l'eau (1), il s'emplit d'eau ; abandonnons-le à lui-même, l'eau sort du fourreau, celui-ci vient surnager et se rempUt d'air instantanément ; sa cavité intérieure ne présente plus la moindre trace d'humidité.
D'après ce que nous avons vu précédemment, il semble donc bien que l'intérieur du fourreau possède un revêtement hydro- fuge. Cette propriété appartiendrait-elle à l'épiderme de la face inférieure des feuilles de Potamogeton? Certainement non ; il nous suffira d'examiner un fragment de ces feuilles pour nous en convaincre.
Une étude attentive de l'intérieur du fourreau nous permet de tout comprendre : il est garni d'un tissu très serré de soie hydrofuge ; celle-ci est étroitement appliquée sur la face inté- lieure des deux valves. C'est là un point capital qui paraît avoir échappé aux auteurs qui ont étudié ces insectes, ou tout au moins qui n'a pas suffisamment fixé leur attention.
Dans une espèce voisine : Cataclysta Hemnata L. la chenille construit son fourreau en assemblant une grande quantité de petites feuilles de Lermm ; là, le fourreau de soie est telle- ment apparent qu'il a été bien vu par Réaumur le premier.
(1) Il suffit de presser sur les bords latéraux les deux valves so courbant s'écarteut l'une do l'autre.
INSECTES AQUATIQUES ' 301
Portons maintenant notre attention sur la chenille qui est à découvert. Si nous la déposons à la surface de Teau, nous voyons qu'elle surnage. Si nous l'enfonçons sous l'eau, elle vient de nouveau surnager et, fait singulier, elle apparaît absolument sèche au sortir de Télément liquide. Tous ses téguments sont hydrofuges.
Et maintenant, l'explication des phénomènes observés se présente d'elle-même à l'esprit. Les espaces vides qui existcint entre les téguments de la chenille et l'intérieur du fourreau, forment un système de capillaires à parois hydrofuges dans lesquels l'eau n'a nulle tendance à pénétrer, desquels l'eau sort d'elle-même lorsqu'elle y a été introduite.
Si même la chenille est extraite du fourreau, les valves possèdent une telle élasticité et une forme telle, qu'elles se rap- prochent suffisamment l'une de l'autre pour ne laisser entra elles qu'un espace capillaire hydrofuge, dans lequel l'eau ne saurait ni pénétrer, iii même se maintenir.
Nous trouvons d'ailleurs une vérification de l'exactitude de notre explication dans ce fait qu'une goutte d'huile déposée à l'entrée du fourreau, pénètre immédiatement à son intérieur par capillarité.
Chose remarquable, en raison de la forme du fourreau, l'huile va se collecter sur les bords de celui-ci, au point de réunion des deux valves, dans l'espace le plus étroit. Une fois de plus, nous trouvons l'application du même principe de capillarité. Ici encore, il est bien adapté à la défense de l'insecte, car le corps gras se trouve ainsi maintenu dans la zone la plus éloignée des stigmates de la chenille.
L'action du vide sur la chenille contenue dans son fourreau, donne lieu à des phénomènes curieux. Le fourreau étant main- tenu par un poids au fond de l'eau, faisons un vide progressif avec une trompe. Quelques bulles se dégagent d'abord à la surface des valves et à l'ouverture du fourreau (extrémité anté- rieure).
Bientôt, la chenille sort sa tête, puis successivement ses
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premiers anneaux ; il arrive même qu'elle ne laisse que sa der- nière paire de pattes membraneuses, en contact avec la valve inférieure qu'elle ne quitte cependant jamais complètement. La chenille apparaît alors comme entièrement entourée d'une gaine brillante ; c'est un revêtement aérien qui s'attache d'une part à la tête, et d'autre part, sur le bord du fourreau. Il adhère au corps de la chenille d'une manière vraiment extraor- dinaire ; il donne l'impression d'une substance visqueuse ; de temps en temps, une bulle grossit à la partie antérieure, s'al- longe, s'étire, se pédiculise lentement et enfin s'échappe. Mais même sous la pression très réduite de 18 millimètres de mer- cure, l'enveloppe d'air reste complète autour de la cheniUe.
La cause du phénomène me paraît être celle que j'ai énoncée à l'occasion des Dyticides. La peau de la chenille d'Hydro- campa fournira un très bon matériel d'étude pour les glandes hypodermiques et j'ai bien l'intention de l'utiliser plus tard.
Il n'est pas inutile de remarquer que pendant que l'insecte est soumis au vide, pas une seule bulle d'air ne s'échappe au niveau des stigmates, de sorte que si on n'avait que ce seul moyen d'expérimentation à sa disposition, on pourrait bien être induit en erreur, et croire qu'ils sont clos. L'épreuve avec les corps gras permet, comme je l'ai dit, d'affirmer qu'ils sont perméables. Après action d'huile colorée, on la retrouve facile- ment à l'intérieur des trachées, ce qui vient lever tous les doutes.
Remarquons que les stigmates se comportent ici précisément d'une manière inverse de ceux des nymphes d'Odonates qui sont imperméables aux corps gras et perméables à l'air sous l'action du vide. L'étude soignée de la structure histologique donnera sans doute la clef du phénomène.
Enfin, une dernière question bien curieuse se pose au sujet de l'appareil respiratoire de cette chenille. Comment se renou- velle la provision d'oxygène contenu dans le fourreau ?
Celui-ci, en effet, doit être considéré comme complètement fermé, les vides laissés par les fils sur les bords des valves, ou même rouvertvire antérieure sont clos par une lame liquide
INSECTES AQUATIQUES 303
qui prend son insertion sur les bords des feuilles. Cette lame liquide est repoussée vers l'extérieur, quand la chenille sort ses premiers anneaux en dehors, mais elle n'est pas rompue.
D'ailleurs, quand la chenille habite une celhile située sous une feuille de Potamogeton ou de Nymphéa, elle reste constam- ment sous la surface de l'eau. Il paraît donc difïioile de com- prendre par quel mécanisme l'oxygène peut se renouveler à l'intérieur de cette cellule étanche de laquelle les stigmates ne sortent pas.
On pourrait penser que des échanges gazeux se font par osmose, à travers la paroi des feuilles qui constituent l'habita- tion. Je crois qu'il faut plutôt songer à un autre mécanisme qui est le suivant : l'assimilation chlorophylienne continue- rait à se produire au niveau des valves et il s'établirait ainsi une sorte de symbiose entre le fragment de plante aquatique et l'insecte qui s'en est emparé, celui-ci produisant du gaz carbonique qui serait bientôt décomposé par la plante.
Il est, en effet, très remarquable de constater que le fourreau conserve sa couleur verte et les fragments de feuille l'apparence de la vie, tant que la chenille vivante l'habite. Si on vient à l'enlever, les valves ne tardent point à se flétrir même lorsqu'on les laisse au contact de l'eau.
Je serais d'autant plus tenté de croire à ce mécanisme qu'il ne doit pas être isolé dans la nature. J'ai souvent observé un fait analogue chez les chenilles mineuses {Nepticula, Litho- colletis, Tischeria, etc.). A l'automne, alors que les feuilles jaunissent, on remarque parfois une tache verte qui a persisté au milieu du limbe décoloré ; un examen attentif permet de constater qu'elle est habitée par une chenille mineuse. Ces larves peuvent ainsi continuer à vivre aux dépens de matériaux élaborés par la feuille, alors que celle-ci est depuis longtemps déjà, tombée à terre. Il y a là un phénomène bien curieux pour l'étude duquel j'ai récolté de nombreux documents, que je ne puis utiliser ici.
Je ferai seulement remarquer que ce mode de respiration
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rappellerait beaucoup celui des larves de Donacia et d'Hœ- monia dont j'ai dit quelques mots au début de ce travail. Dans les deux cas, la plante fournirait l'oxygène qu'elle a élaboré à l'insecte qui la dévore.
A tout prendre, le phénomène est celui qui se passe à tout instant sous nos yeux, dans la nature. Ici on pourrait seulement faire remarquer que le circulus est à rayon plus court (1).
En résumé, les chenilles aquatiques du genre Hydrocampa ont conservé la même anatomie que les chenilles terrestres. Dépourvues de branchies, elles possèdent des stigmates per- méables en nombre et situation habituels ; leur peau présente des qualités hydrofuges remarquables.
Elles ne vivent pas à nu, mais dans une cellule située sous la surface d'une feuille ou dans un fourreau mobile. Leur logement est toujours garni de soie hydrofuge ; l'eau ne peut donc ni y pénétrer, ni s'y maintenir en cas d'introduction forcée ; la chenille vit donc constamment sous la surface de l'eau, mais cependant, entourée d'air et à sec.
Il semble bien que l'oxygène nécessaire à la respiration pro- vienne surtout de celui qui résulte de l'assimilation chlorophy- lienne des valves du fourreau ou de la feuille servant de support à la cellule.
Étude de l'appareil respiratoire des larves d'Oestre.
Les larves d'Oestre vivent dans le tube digestif des Solipèdes et des Pachydermes.
Il])outdonc paraître surprenant, au premier abord, de trou- ver un chapitre consacré à ce sujet dans un travail sur les « In- sectes aquatiques ». J'espère qu'après avoir pris connaissance des pages qui suivent, on m'accordera que les Oestres, à l'état de larves, sont bien des Insectes aquatiques ; et, qu'en outre,
(1) Le cas de la chenille de'Cataclysta lemnata qui ronstniit son fourreau en assemblant des feuilles (le I.emna serait encore plus typique. La plante (leut ici vivre comme !\ l'état normal.
INSECTES AQITATIQITES 305
de par leur mode d'existence, elles ont subi une série d'adapta- tions des plus curieuses qui amène leur appareil respiratoire au summum de perfectionnement.
Les Oestres (1) {Gastrophilus) (2) sont à l'état parfait des Diptères qui vivent en pleine campagne, dans les pâturages, ne s'approchant guère des villes et semblant ne jamais pénétrer à l'intérieur des écuries. Ce fait explique que, seuls, les ani- maux qui ont passé la saison chaude dans la campagne sont contaminés. La connaissance de ce détail n'avait pas échappé à la sagacité de Réaumur.
Mode de œntamination. — Lorsqu'on ouvre le tube digestif des chevaux qui ont vécu dans les conditions énoncés précé- demment, on trouve très fréquemment la muqueuse de leur estomac garnie des larves cylindriques que nous allons décrire. Rarement isolées, elles sont presque toujours groupées en amas souvent très denses. Elles ne se fixent point indifféremment sur tous les points de la muqueuse ; leur lieu d'élection paraît être le sac gauche de l'estomac, à la limite des muqueuses blan- che et rouge qui garnissent l'intérieur du viscère (Raillet). mais avec une préférence marquée pour la première. Chaque larve est enfoncée par la partie antérieure dans une dépression assez profonde au fond de laquelle elle est fixée par deux cro- chets divergents.
On rencontre aussi des larves d'Oestre dans l'œsophage, et l'intestin, mais en moins grand nombre que dans l'estomac. La différence d'habitat est en relation comme nous le verrons avec une différence spécifique.
Le Cheval n'est pas d'ailleurs le seul animal qui soit envahi par ces parasites. L'Ane, le Zèbre, le Rhinocéros, les Eléphants, le Chameau hébergent aussi des larves d'Oestres qui appar- tiennent à des espèces différentes dont tous les Insectes adultes ne sont pas encore connus.
(1) De rjizTnoi fureur ; allusion à l'excit-ition produite sur le solipède par l'attaque de l'in- secte parfait.
(2) Allusion :1 l'habitat de la larve.
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Comment la larve parvient-elle à l'intérieur du tube digestif de l'hôte ? Une idée erronée a régné longtemps à ce sujet dans la science. Il faut bien avouer qu'elle a été propagée par RÉAUMUR (1738 a) le merveilleux observateur qui ne s'est pas trompé, lui-même, comme on l'a dit, mais qui a été induit en erreur par un faux rapport de Gaspari (1) qui décrit de la manière suivante la ponte de la femelle.
Attiré vers ses juments qui paissaient dans un pré par unp agitation insolite de ces animaux qui lançaient force ruades,
il vit une mouche « voler vers « une cavale qui paissait sépa- « rée des autres, elle passa sous « sa queue et sçut trouver l'a- « nus. D'abord elle n'y excita « apparemment qu'une simple (( démangeaison qui déterminoit « la cavale à faire sortir le bord « de son intestin, à l'ouvrir et à « en agrandir l'ouverture. La « mouche en sçut profiter, elle « pénétra plus avant, et so cacha « sous les plis et replis de l'intes- « tin. Ce fut apparemment alors « qu'elle acheva son opération, qu'elle fut en état de faire sa « ponte. Peu de temps après, la jument parut devenir furieuse, « elle se mit à courir, à faire des sauts et des gambades, elle se « jeta par terre ; enfin elle ne devint tranquille, et ne recom- u mença à paître qu'au bout d'un quart d'heure.
J'ai tenu à reproduire les paroles de Réaumur, car elles constituent un récit si précis que j'ai peine à croire, pour ma part, que ce soit là pure invention de Gaspari. Peut-être le naturaliste itahen a-t-il observé quelque femelle de Diptère, parasite différent de l'Oestre ou, tout au moins des espèces d'Oestre françaises.
Fig. 59. — Oastrojjhilus equi. Fe]iiolle d(''po- sant ses œufs sur la partie interne du genou d'un cheval (d'aiirès Joly 1846).
(1) Citr- par ^VAI,MSNF.KI (1712).
INSECTES AQUATIQI^ES
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Quoi qu'il en soit, l'accord paraît s'être fait entre les parasi- tologues au sujet du mode d'infection par les larves d'Oestre C'est un vétérinaire anglais Bracy-Clark (1815) qui a bien vu et décrit le premier la ponte de la femelle du Gastrophilus equi (Bracy-Clark). Celle-ci choisit sa vic- time, plane quelques instants au voisinage des téguments, puis, brusquement elle fond sur sa proie et, au moyen de son abdomen recourbé, elle dépose un œuf enduit d'un liquide visqueux qui le fait adhérer à un poil de la région. La même manœuvre se répète à de courts inter- valles, de sorte que bientôt elle a ainsi déposé de 4 à 500 œufs. Il arrive souvent que plusieurs de ceux-ci sont étages sur un même poil (fig. 60). Durant ces atta- ques réitérées, le cheval ne donne aucun signe d'inquiétude.
L'œuf de couleur blanchâtre possède deux extrémités, l'une aiguë et dirigée vers le haut, l'autre tronquée, munie d'un opercule et dirigée vers le bas (o fig. 60). ^ Après 20 à 25 jours d'in-
cvibation, l'opercule de l'œuf se soulève et on voit sortir une jeune larve fusiforme, blanchâtre, composée de 13 segments. Elle est munie sur chaque anneau d'une couronne d'épines dont la pointe est dirigée en arrière (fîg. 61). Ces larves se mettent aussitôt à ramper entre les poils du cheval ; il en résulte un léger prurit qui incite l'animal à se lécher. C'est ainsi que la larve se trouve déglutie et qu'elle arrive dans l'œsophage ou l'estomac sur la muqueuse desquels
Fis,'. fiO. — (Kiifs (1r (ittKtro- phihis equi. Bracy Clark fixés par la femelle sur un crin do ulieval. o : opercule d'après Joly (1846).
Fis. 61. — Belo- .'iiou de l'œuf de Ousirophilus equi.
o : opercule ; L : larve ( d'après .for.v (1846).
nos
p. PORTIER
elle se fixe au moyen des crochets cliitiiieux divergents dont sa bouche est armée.
Les œufs sont le plus souvent déposés sur des régions des téguments facilement accessibles à la langue du cheval ; mais même si ce n'est pas le cas, les larves ne sont pas fatalement perdues pour cela, car il arrive souvent que des chevaux voi- sins viennent les happer avec leur langue. Le Gastrophilus hœmorrhoidalis (L.) procède pour déposer ses œufs d'une ma- nière un peu différente ainsi que l'a établi le même auteur Bracy-Clark. La femelle cachée dans le gazon fond siu* le Cheval qui s'approche d'elle en broutant ; elle dépose l'œuf sur les lèvres de l'animal. ( 'hose singulière, le Cheval paraît craindre l'approche de ce parasite beaucoup plus que celui de son congénère précédemment cité. Dès qu'il a senti son contact ou qu'il a seulement perçu son bourdonnement, il part dans une fuite éperdue et se plonge même dans l'eau s'il se sent poursuivi par son ennemi. On prétend que cette espèce de diptère possède une odeur particulière rappelant celle de la tourbe et que ce serait là la cause de la répulsion qu'il inspirerait au Cheval ou tout au moins un des signes qui l'avertirait de sa présence. La jeune larve an sortir de Vœuj. — La jeune larve de VOestrus equi au sortir de l'œuf diffère beaucoup de ce qu'elle sera plus tard. Elle a été longtemps inconnue.
JoLY (1846, p. 33) paraît être le premier qui l'ait observée en recueillant les œufs déposés sur les téguments des Chevaux et les soumettant aux conditions qui assuraient leur dévelop- pement. A ce moment, c'est une petite larve fusiforme allon- gée, blanchâtre et formée de treize segments (fig. 62). La partie
Fi;r. C2. — Larve de Cas/ro- philus equi âgfe de deux jours. St : stigmates ; Tr : troncs trachéens longitudinaux qui en partent et qui, sur leur trajet envoient des trachées à tous les or- ganes ; L : lèvre supé- rieure sous laquelle les stigmates peuvent se rJ- traeter (d'aprOs Jolv (1846).
INSECTES AQUATIQUES 309
postérieure de chaque segment est garnie d'épines dirigées en arrière. Le dernier segment présente une disposition très particulière et très différente de celle que nous trouverons chez la larve plus âgée. Ici, on remarque deux replis, deux lèvres : l'une supérieure L, l'autre inférieure ( 1 ) entre lesquelles on voit sortir de temps à autre deux tubes rétractiles terminés chacun par un stigmate. Les deux tubes s'enfoncent dans le corps et courent parallèlement l'un à l'autre d'arrière en avant en envoyant des ramifications latérales très nombreuses et très fines dans chaque anneau.
Joly ne paraît pas avoir déterminé d'une manière précise la manière dont ils se terminent à leur partie antérieure, mais il est très frappant de voir que cette jeune larve qui vit libre- ment ne possède aucune trace de l'appareil stigmatique pos- térieur si compliqué qu'elle va acquérir dès qu'elle vivra en parasite.
La larve recueillie dans Vestomac. — Dès que la jeune larve a pénétré dans les voies digestives, elle subit une première mue qui amène des transformations importantes dans sa forme, sa couleur et surtout dans la constitution de son appareil stig- matique postérieur.
Il ne semble pas qu'on soit fixé avec précision sur le lieu où s'opère cette première métamorphose, mais c'est sans doute au niveau dès premières voies digestives, car, jamais on n'a rencontré le premier stade de la larve à l'intérieur de l'esto- mac. J'ai eu à ma disposition plusieurs centaines de larves, mais, pas une seule ne présentait les deux stigmates séparés que nous venons de décrire.
Il en est de même des auteurs qui ont étudié l'anatomie des larves d'Oestre. Enderlein (1899) auquel nous devons la meilleure étude parue sur le sujet déclare n'avoir jamais pu se procurer ce premier stade. Joly (1846) et Numann(1837) sont les deux seuls auteurs qui paraissent l'avoir observé sur les jeunes larves provenant de l'éclosion des œufs.
(1) Xon visible sur la figure.
310
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Ne voulant nous occuper dans ce travail que de la physiologie de l'appareil respiratoire, nous ne décrirons pas ce second stade en détail. Nous allons voir d'ailleurs qu'il diffère très peu du dernier stade.
Troisième et dernier stade. Anatomie de rapjxireil respira- toire. — Au bout d'un temps qui n'est pas connu avec précision, les larves fixées à la muqueuse de l'estomac subissent une
T
seconde et dernière mue, elles pren- nent alors leur dernier revêtement cliitineux sous lequel elles achève- ront leur vie larvaire.
La larve du Gastrophilus equi que nous avons surtout en vue dans ce travail présente l'apparence suivante à ce dernier stade.
C'est une larve d'un blanc jau- nâtre, ovoïde, atténuée à sa partie antérieure, tronquée à sa partie pos- térieure. Elle mesure 18 à 20 milli- mètres de longueur sur 9 millimè- tres de largeur.
Les téguments sont constitués par une chitine extrêmement épaisse et résistante. Les bords antérieurs de chaque anneau portent des épines chitineuses noirâtres dirigées en ar- rière et qui servent à la progression de l'animal. La disposi- tion de ces" épines constitue un caractère de classification très important qui permet de différencier les espèces voisines.
A la partie antérieure se trouvent fixés deux crochets chiti- neux noirs, très acérés et divergents entre lesquels s'ouvre la bouche. Ils sont enfoncés dans la muqueuse de l'estomac sur laquelle la larve se trouve ainsi solidement fixée.
L'appareil respiratoire présente une constitution très particu- lière. Nous allons étudier sa morphologie avec détails avant de
Fi?. 6:i. — Larve dn Gasirophilus equi vue par la face supérieure. T ; tête ; G : crocliets qui fixent ranimai à la muqueuse digestive du cheval; £ .'épines chitineu- ses noires de deux grandeurs qui garnissent le bord antérieur de chaque anneau.
INSECTES AQUATIQUES :311
déterminer expériinentalenient le rôle de ses différentes par- ties.
Etant donné l'habitat de la larve, il n'est point inutile de dire avant tout qu'on a affaire à un appareil trachéen muni de stig- mates. Cet appareil a été étudié par de nombreux auteurs (jui ont émis les opinions les plus inattendues et les plus contra- dictoires.
C'est ainsi que Numann (1837) considère la larve comme possédant un appareil branchial, il décrit les branchies. Nous allons voir dans un instant la cause de cette singulière méprise.
SCHRÔDER VAN DER KOLK (1845)
tombe dans la même erreur qui s'ex- plique par la suggestion imposée à ces
naturalistes par les conditions de vie i ^ / ^ "i^W W -f de l'insecte qui se trouve une grande partie de son existence immergé dans la bouilUe stomacale.
Fig. 64. — Extr.'inité p >st,Titnirc
Des auteurs plus anciens et notam- «'c i.i urvi-^ do G:i>!irophi/m
eqiii vue ilc profil. La bt)ur.su
ment Bracy- Clark (1797) avaient stigmatique ost fermée.
. . . . , / .• lèvre supérieure ; l' : Tèvrc
cependant bien saisi la disposition ge- inférieure ; / .• fente située à
, , , ,, ., ... . la réunion des deux lèvres.
nerale de 1 appareil respiratoire, mais
leurs observations avaient été méconnues par leurs successeurs.
Je ne donnerai pas là liste complète des travaux parus sur le sujet, on la trouvera dans le mémoire de Enderlein (1899) qui contient une bonne mise au point de la question.
En ce qui touche l'anatomie, je ne diffère d'avis avec cet auteur que sur des points de détails. Il n'en est pas de même quant au rôle physiologique des organes qui ne pouvait être compris que par l'expérimentation.
Celle-ci, n'avait point été sérieusement entreprise, avant le travail que je présente ; si j'en juge tout au moins par les tra- vaux que j'ai pu me procurer.
J'arrive maintenant à la description morphologique de l'appareil respiratoire de la larve.
P Bourse stigmatique. La partie postérieure de la larve de
312 P. PORTIER
forme obtuse, comme nous l'avons dit, est constituée par une chitine plus mince que celle qui revêt le reste du corps. Elle est transparente et semble gonflée par un liquide incolore.
En examinant la partie terminale de la larve, on aperçoit une fente horizontale (/, fig. 64) limitée par deux lèvres l, V, l'une supérieure, l'autre inférieure.
Si on introduit une pointe mousse à travers la fente, on peut facilement écarter l'une de l'autre les deux lèvres qui, à l'état normal sont étroitement appliquées l'une contre l'autre for- mant une fermeture absolument her- métique. I Chacune des lèvres est formée par un repli des téguments constitué par une I' chitine mince et souple. A l'intérieur du repli, s'est insinué une portion du liquide de la cavité générale, liquide '"'■^^rS'^r^ Iwalin qui vient gonfler chacune des inférieure /'a été réciiuéc lèvres, Ics rendre en quelque sorte tur-
vers le bas de manière a de- ^ ■■■
couvrir la plaque stigma- gesccntcs et assurcr Icur parfaite coap- tation.
'2P Plaque stigmatique. En réclinant vers le bas la lèvre infé- rieure plus mobile que la supérieure, on découvre un organe très singulier et dont on ne comprend pas d'emblée la consti- tution. C'est lui qui a provoqué les méprises que nous avons signalées ci-dessus et dont nous allons nous expliquer l'ori- gine.
Cet organe est constitué par une plaque chitineuse ovale for- mée de deux moitiés symétriques droite et gauche. Chacune des moitiés a une apparence réniforme ; les deux parties concaves se regardant et formant le centre de la plaque.
Sur chaque moitié, on voit des arceaux courbes (fig. 66 ai, «2, a-i), au nombre de trois et courant parallèlement les uns aux autres. Ils paraissent formés d'épaississement, chitineux striés et, à un examen superficiel, ils ont quelque rapport avec des arcs branchiaux. C'est cette apparence trompeuse qui a été
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l'origine de l'erreur de Numann et Schrôder van der Kolk.
Au centre de la plaque, dans la partie laissée libre par les arcs qui se recourbent, on voit une zone chitineuse mince, lisse et portant en son milieu une dépression (fig. 66 b).
Chez la larve de Gastrophilus equi qui vient de muer pour la première fois à la suite de sa pénétration dans les voies digcs- tives, il existe seulement deux arceaux sur chaque plaque au lieu de trois. Chacun de ces deux arceaux est moins incurve que chez la larve plus a^ q, ^^
âgée. '^..^^ijss^^ ^
Il y a d'ailleurs, sui- vant les genres d'Oes- tre considérés des dif- férences considérables dans la forme de ces jj arcades. On en trou- vera la description et de bonnes figures dans le mémoire d'ENDER- LEIN (1899).
On verra que la larve de Cobholdia ele- phantis qui vit dans l'estomac de l'Elé- phant présente des arcades presque rectilignes même chez la larve ayant subi la seconde mue.
Le maximum de complication est au contraire atteint chez la larve du Gyrostigma rhinocerontis bicornis, qui vit dans le tube digestif du Rhinocéros bicornis de l'Afrique, où les arceaux repliés sur eux-mêmes forment do véritables méandres, les replis des trois systèmes courant toujours parallèlement les uns aux autres.
Isolons maintenant la plaque stigmatique, traitons la par la potasse caustique à 10 pour 100 à chaud et examinons-la à un grossissement suffisant. Nous verrons que chacun des
AKCH. DE ZOOL. KXP. ET GÉN. — 5« SÉRIE. — T. Vm. — (H). 21
Fig. 66. — Extrémité postérieure de la larve de Gnstrophi- lus equi vue de face. La lèvre inférieure de la bourse stigmatique a été réclinée vers le bas laissant i\ dé couvert la moitié supérieure de la plaque stigma- tique. La moitié inférieure se voit par transparence à travers le bord mince de la lèvre inférieure. a, ail a'i : les trois fentes stigmvtiques courbes.
314 P. PORTIER
arceaux courbes est formé de deux bourrelets latéraux entre lesquels se trouve une dépression, une fente (pi. III, fig. 19 /).
Un examen attentif de la fente montre que ses bords ne sont pas lisses, mais garnis de j)rolongementschitineux extrêmement fins disposés comme les dents d'un peigne. La largeur de la fente est de 8 [j., 5 ; mais l'espace libre laissé entre deux dents contiguës du peigne chitineux n'est que de un demi ;x environ (pi. III, fig. 20).
Si on vient à presser sur la larve immergée après avoir mis I à nu la plaque stigmatique, on voit des bulles d'air qui viennent ' perler le long de la fente et qui restent adhérentes aux dents chitineuses; la pression cessant, les bulles d'air rentrent à l'inté- rieur du corps de la larve.
Cette simple observation nous enseigne que les fentes repré- sentent les ouvertures stigmatiques postérieures des larves d'Oestre, ce qui avait été bien vu dès l'année 1797 par Bracy- Clark.
Quant aux dents chitineuses très fines et très serrées qui garnissent les bords de la fente, elles constituent un filtre destiné à empêcher la pénétration des particules même très ténues qui pourraient arriver au contact de la plaque stigmatique. Nous allons voir que ce moyen de préservation n'est pas le seul dont disposent nos larves.
Les bords épaissis de chaque stigmate présentent de place en place des traits foncés se correspondant exactement de chaque côté de la fente. Ce sont des épaississements chitineux ordinai- rement rectilignes et terminés en pointe du côté de la lumière stigmatique. Au point où les arcades stigmatiques s'incurvent, on voit quelquefois ces bâtons chitineux se bifurquer sous forme d'Y (pi. III, fig. 19 c').
Ces bâtons, ces crochets chitineux font partie d'un appareil })kis compliqué qu'il nous faut apprendre à connaître mainte- nant. Pour en comprendre la structure, il faut combinei l'exa- men de la plaque stigmatique vue à plat et rendue transparente par traitement par la potasse et inclusion dans la gélatine glycé-
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rinée et les coupes faites perpendiculairement à la surface de cette plaque.
On voit alors que l'appareil complet peut être représenté par le schéma ci-contre (fîg. G7).
C'est une sorte d'étrier dont la sole s serait tournée vers le haut et appliquée sur les bords de la fente stigmatique.
C'est sur cette sole que repose le crochet chitineux e. Les deux branches de l'étrier s'incurvent vers le bas on s'amincissant et s'unissant à une petite pla- que losangique ]) représen- tée sur le schéma en pro- jection verticale et isolée au-dessous en projection horizontale p\ La hauteur totale de l'appareil atteint environ 90 a chez la larve de Gastrus equî.
Quel est le rôle physiolo- gique de cet appareil. En- DERLEIN (1899) s'est livré à de longues discussions à ce sujet.
Pour lui, ces étriors placés en file le long de la fente stig- matique constituent un appareil de soutien qui donne de la rigi- dité aux bords de la fente et les empêche de s'écarter l'un de l'autre. Si la fente pouvait en effet s'élargir, dit en substance l'auteur cité, les liquides qui entourent la plaque s'introdui- raient dans les voies respiratoires.
J'avoue ne pouvoir me rallier à cette théorie. La fente f cons- titue en effet un espace capillaire do très faibles dimensions. Comme dans tous les stigmates la chitine qui limite les bords de cette fente ne se laisse pas « mouiller » par l'eau et les liquides analogues ; ceux-ci n'auront donc aucune tendance à envahir l'appareil respiratoire. Quant aux autres, corps gras ou en
Fig
67. — Larve de Gustrophilus equi. Etrier de la plaque stigmatique (schéma).
.• sole de l'étrier ; b : branches de l'Otrior ; p : plaque losangique vue de profil ; p' : la même plaque rabattue en proje.'tion et vue de face ; e ; crochet chitineux ; / .• fents stig- matique.
310 p. PORTIER
général liquides capables de mouiller la chitine, ils pénétreront par la fente capillaire dès qu'ils arriveront à son contact ; le fait qu'elle peut devenir moins large à un moment donné ne peut s'opposer à leur pénétration, c'est même le résultat con- traire qui aurait lieu.
J'estime que l'étrier a un autre rôle, qui est révélé par sa forme même. Il constitue en effet une sorte de ressort en forme do fer à cheval. D'après sa disposition, on voit immédiatement que, sous l'influence d'une pression s'exerçant de l'extérieur vers l'intérieur, les branches du fer à cheval tendent à se rappro- cher et à rétrécir l'ouverture de la fente. Une pression s'exer- çant en sens inverse de l'intérieur vers l'extérieur, tendra au contraire à agrandir l'ouverture de la fente.
En somme, il semble qu'il y ait là un mécanisme simple et efficace qui s'oppose automatiquement à la pénétration des paiticules solides ou des parasites à travers la fente et qui, au contraire, permet l'expulsion (sous l'influence de la sortie d'un peu d'air) des mêmes particules qui auraient pu franchir la fente stigmatique malgré son étroitesse et les cils chitineux qui la garnissent.
En raison des dimensions de la fente (environ un y.), il n'est malheureusement pas possible de procéder à la vérification de cette théorie, la lumière stigmatique ne peut s'apercevoir nettement qu'au moyen d'un objectif puissant et sur la plaque séparée de l'animal.
Mais la disposition anatomiquo est tellement simple qu'on peut, sans crainte de se tromper, lui attribuer le rôle mécanique que je viens d'exposer.
Nous connaissons maintenant suffisamment la surface pos- térieure ou externe de la plaque stigmatique. Retournons-la, et examinons sa face interne.
A un faible grossissement, on aperçoit déjà que cette face possède une sorte de revêtement velouté. En grattant avec une aiguille à disséquer, on détache facilement quelques particules de cette couche veloutée. L'examen à un fort grossissement
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montre qu'elle est constituée par un feutrage de lames chitineu- ses jaunes anastomosées.
L'ensemble forme une sorte de tissu spongieux qui double la plaque stigmatique sur sa face interne (pi. III, fig. 21. Pl.s/?.) Toutes les lames n'ont pas la même dimension. Il y a de gros- ses travées (pi. III, fig. 22 aa) desquelles partent des travées secondaires b qui se subdivisent et s'anastomosent entre elles.
On trouvera dans Enderlein (1899) (fig. 12 et 13 T. /) des figures qui donneront la disposition générale de l'appareil et la manière dont est assurée sa solidarité avec la plaque stigma- tique.
Ce qui nous intéresse, c'est que ce revêtement de chitine spongieuse double complètement la plaque stigmatique, qu'il existe en particulier au niveau des fentes stigmatiques, et que c'est précisément derrière ces fentes que ses mailles formées par les lames secondaires a présentent les dimensions les plus larges. Au contraire, les fines travées 6 h correspondent aux intervalles qui séparent les fentes stigmatiques (pi. IV, fig. 27).
Nous déterminerons plus loin expérimentalement le rôle physiologique de cette chitine spongieuse.
En examinant la face interne de la plaque stigmatique, on voit que, sur son pourtour règne une formation particulière, c'est un anneau aplati (pi. III, fig. 21 an). Son bord externe s'insère sur le pourtour de la plaque stigmatique. Il présente des prolongements dirigés vers son centre situés suivant son dia- mètre vertical.
C'est en somme un diaphragme adhérent par son pourtour à la plaque stigmatique et libre à soti centre qui porte un large orifice. Il est appliqué sur la chitine spongieuse qu'il double dans sa zone périphérique. Dans la figure 21, planche III, on a sup- posé qu'il en avait été écarté par traction.
Sa structure est identique à celle de la lame de chitine spon- gieuse dont il ne constitue en somme qu'une dépendance.
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30 Chambre à air ou Atrium. Si, partant de la plaque stig- matique, nous nous dirigeons vers l'intérieur de la larve, nous tombons dans une sorte d'atrium auquel les auteurs allemands donnent le nom de chambre à air (luftkammer).
C'est une sorte de vestibule fermé à sa partie postérieure par la plaque stigmatique doublée de son revêtement de chitine spongieuse et, à sa partie antérieure, par un diaphragme percé de plusieurs ouvertures de diamètre très inégal. Ces ouvertures sont l'origine des trachées qui vont parcourir le corps pour aller se ramifier dans tous les organes. L'atrium a lui- même la valeur morphologique d'une énorme trachée constituée par la réunion de toutes les grosses trachées du corps.
Diaphragme d'origine des trachées. — Détachons la paroi antérieure de l'atrium et examinons ce diaphragme successive- ment sur ses deux faces.
La face postérieure, celle qui forme la paroi antérieure de l'atrium, pi. III fig. 21 et pi. IV fîg. 24 se présente sous la forme d'un cercle divisé en deux parties symétriques par un diamètre vertical.
Chacune des moitiés est percée d'un certain nombre d'orifices de diamètre très inégal.
Nous distinguerons : P A la périphérie quatre gros orifices (pi. IV, fig 24, te, te) ovales ou plutôt pirif ormes avec la partie atténuée dirigée vers le centre du cercle qui les contient. Leur grand diamètre mesure en moyenne : 0,8 mm.
Ce sont les origines d'énormes trachées coniques que nous décrirons dans un instant. La paroi interne de ces gros tubes apparaît comme criblée d'une multitude de petits trous (pi. IV, fig. 24, p p) origines de fines trachées.
2^ Au centre, un orifice plus petit de forme triangulaire (pi. IV, fig, 24 t.i.l). C'est l'origine commune des trachées latérale et intestinale sur lesquelles nous allons revenir aussi. Immédiate- ment au-dessous de cet orifice, on en voit un plus petit qui, d'après Enderlein (1899, p. 250) serait l'origine de la trachée intestinale, distincte pour lui de l'origine de la trachée latérale.
INSECTES AQUATIQUES 310
Il y a là un point d'anatomie fine que je n'ai pu solutionner avec une certitude absolue, j'ai bien cru voir que les deux trachées avaient une origine commune ; mais en tous cas, ce point de détail n'a qu'une importance tout à fait secondaire pour le rôle physiologique auquel nous nous plaçons.
30 A la périphérie et aux extrémités des diamètres vertical et horizontal, deux trachées (pi. IV, fig. 24 ta, ta) que nous nom- merons trachées accessoires. Ce ne sont que des dépendances des trachées coniques qui se sont individualisées sur une faible longueur. Au centre, on remarque aussi deux trous, origines de semblables trachées accessoires Ce serait le plus élevé de ces orifices qui, pour Enderlein serait l'origine de la trachée intes- tinale).
En résumé, chaque moitié du diaphragme nous présenterait cinq orifices principaux, dont quatre très gros conduiraient dans les trachées coniques et dont le cinquième conduirait à la fois dans la trachée latérale et dans la trachée intestinale.
Retournons maintenant notre diaphragme, et examinons sa face antérieure, celle qui est tournée vers la tête de la larve, celle par conséquent qui est en dehors de l'atrium (])1. IV, fig. 25).
L'aspect est très différent de celui de la face que nous venons d'étudier. Toute la surface du diaphragme est couverte de petites vésicules ovales pressées les unes contre les autres. Au milieu de l'inextricable confusion de ces petits organes émergent de grosses trachées qui ont été sectionnées lors de la dissection de l'organe et qui restent béantes, rigides et arrondies en raison de leur structure et de l'épaisseur de leurs parois. Sur chaque moitié du cercle, nous retrouvons :
P A la périphérie, les quatre énormes trachées coniques (pi. IV, fig. 25 te).
20 Au centre, deux trachées : une supérieure plus grosse, la trachée latérale {t. l.) ; une inférieure plus petite, la trachée intestinale [t. i.)
320 P. rORTIER
Distribution des trachées aux organes de la larve.
Nous connaissons l'origine des différentes trachées ; il nous faut suivre maintenant chacune d'elles et voir quel est l'organe qu'elle va approvisionner d'air.
(Voir pour ce qui suit (pi. III, fig. 21).
Fixons une larve sur une cuvette à dissection, et ouvrons-la par la partie dorsale. Le corps de l'insecte va nous apparaître comme bourré, farci de petites houppes qui couvrent tous les organes, s'insinuent entre eux et les masquent à la vue. Ces houppes sont de deux sortes. Celles de la partie antérieure de l'animal et qui existent sur les deux tiers de sa longueur sont formées par des organes graisseux typiques, réserves accumulées par la larve pour être remaniées au temps de la nymphose et servir à l'édification des nouveaux tissus de l'insecte parfait. Ces organes graisseux forment des amas d'un blanc jaunâtre {Cl. g.).
Dans le tiers postérieur de la larve, nous remarquons au con- traire des organes rappelant les précédents par leur forme et leur disposition, mais teints d'un pigment rouge. Ce sont les cellules trachéales {Cl. tr.) vues par les auteurs anciens, Ender- lein en particulier, et étudiées récemment avec beaucoup de soin par Prenant (1900).
En écartant les cellules trachéales et les organes graisseux, on découvre sur la ligne médiane le tube digestif de l'animal {i) qui était absolument dissimulé par les organes précédents. C'est un tube blanchâtre d'un calibre relativement faible s'éten- dant de la bouche à l'anus presque en ligne droite ; on remarque seulement une circonvolution vers le milieu do l'organe. Il est entouré de filaments jaune clair; ce sont les tubes de Malpiglii. Enfin, sur les parois du corps, fixés à la partie interne de l'enve- loi^pc de chitine, existent les muscles moteurs de la larve.
Connaissant la topographie générale des organes de la larve, nous pouvons maintenant aborder l'étude de la distribution des trachées.
P Trachées coniques. — Ce sont d'énormes troncs qui sont tous construits sur le même plan {t. c). A leur origine, ils
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mesurent environ 0,70 mm. de diamètre. lisse dirigent d'arrière en avant en conservant une direction rectiligne et en dimi- nuant rapidement de calibre pour se terminer en pointe au tiers postérieur de l'animal. Ils ont donc la forme d'un cône allongé ce qui leur a valu leur nom. Le tronc conique émet sur sa con- tinuité un grand nombre de très courtes branches latérales qui se divisent très près de leur origine pour fournir un boujjuet de trachées. Celles-ci pénètrent à l'intérieur d'une grosse cellule nuclée et s'y ramifient très richement. La grosse cellule a son protoplasma teint en rouge par un pigment, elle constitue la cellule trachéale que nous connaissons déjà et sur laquelle nous reviendrons plus tard.
Les trachées coniques ne fournissent que les cellules trachéales ; c'est là un fait très net, très important, croyons-nous, pour la physiologie de la larve et que les auteurs qui ont étudié avec le plus de soin l'appareil respiratoire de la larve d'Oestre n'ont pas mis suffisamment en évidence. Quand, dans une dissection, on coupe et on écarte les quatre trachées coniques, on enlève en même temps les organes rouges de la larve, les cellules tra- chéales.
2» Trachée latérale, (pi. III, fig. 21 t.l). — De chaque côté du corps existe une longue trachée d'un calibre plus faible que celui des précédentes, et qui se dirige vers la partie antérieure de la larve en conser- vant à peu près le même diamètre. Elle traverse les bouquets colorés des cellules trachéales sans leur fournir aucune branche d'un cahbre important.
Arrivée au niveau des organes adipeux, la trachée latérale leur envoie de nombreux rameaux. Elle continue son trajet en fournissant des canaux aériens aux muscles de la paroi du corps ; enfin, après avoir formé une sorte d'anse, elle se termine par un organe très spécial : Vappareil stigmatique antérieur qui vient déboucher sur le fond d'un entonnoir cylindrique ; celui-ci s'ouvre lui-même sur le tégument extérieur à l'intersec- tion des deux premiers segments.
Les zoologistes qui nous ont donné de bonnes études de la
322 P. PORTIER
larve d'Oestre : Enderlein et Prenant, par exemple, insistent sur ce fait qu'un examen attentif des corps adipeux permet de saisir tous les intermédiaires entre ceux-ci et les cellules tra- chéales ; il y a une transition progressive entre les deux organes, la teinte rouge s'atténuant peu à peu pour disparaître finale- ment lorsqu'on s'avance vers la partie antérieure de la larve. La même gamme s'observe lorsqu'on invoque les caractères microscopiques de la cellule, nous y reviendrons. Il est donc
j. _ ,^^^ j^^ c remarquable et nous ne sau-
^^^^^ -T- rions trop insister sur ce point,
i^^^!^ qu'il y ait une séparation nette
^^""^^-^^^^ entre les deux organes au point
y^^ MIk. ^^ ^'^^^ ^^ l'origine des trachées
f% ^^^yyy^=^^Y^^ W\ ^.^^^ l^ur fournissent les gaz de
/ -^v /^ \ la respiration (1).
'^'*^>^:y?^^^o"^ » 30 Trachées intestinales. —
Fig. 68. — Extrémité antérieure de la larve D'un Calibre CUCOrC pluS faible
de Gastrophilus equi. On a exercé une 1 • J ■,' ' A + 1
pression assez énergique sur la larve qUC CClUl ÛeS preceCienteS, leS
de manière à faire saillir la tête et le -, frnfhépsi infp<ï<-înnlp«î s'ip-
premier anneau. Œcux tracnccs iniestinaies S ac-
T : tête : c, c : crochets ; St : ouverture de collcnt aU tubc digestif lo long lentonnoir clutineux au fond duquel o ® se trouve l'appareil stigmati.iue anté- duQUCl cllcS CnVOicnt dcS bran- rieur. '■
ches secondaires, de nombreu- ses ramifications qui rampent à sa surface et vont se perdre dans ses tissus.
Appareil stigmatique antérieur.
Nous avons vu que la trachée latérale se terminait à sa par- tie antérieure par un organe particulier auquel nous avons donné le nom d'appareil stigmatique antérieur. Il nous faut revenir sur ce point et décrire cet appareil dont la structure est très particulière.
Si nous examinons avec attention une larve adulte mesurant à peu près deux centimètres de longueur, nous remarquons
(1) Il va sans dire que quelques trachées capillaires établissent de rares anastomoses entre les deux systèmes. C'est un fait trop général chez les Insectes pour qu'il présente une exception
INSECTES AQUATIQUES 323
au niveau du sillon qui sépare le premier du second anneau une petite dépression circulaire dans la chitine épaisse qui cons- titue la paroi du corps.
A ce niveau, les épines chitineuses qui garnissent le bord antérieur du deuxième anneau sont interrompues.
Rien n'apparaît au fond de cette dépression dont les bords sont plissés comme s'il y avait là un sphincter qui empêche de pénétrer plus avant. Sur certaines larves dont la peau est translucide, on peut apercevoir à ce niveau à l'intérieur du corps la longue trachée latérale qui vient se terminer dans un organe jaunâtre, mais dans la plupart des cas, la peau doublée des muscles est trop épaisse pour qu'on puisse apercevoir rien de net.
Il y a cependant un moyen de mettre en évidence l'organe qui nous occupe et que les auteurs déclarent très difficile à étudier parce que très compliqué et très difficile à isoler par la dissec- tion au milieu des tissus environnants. Le procédé consiste à prendre la larve d'Oestre entre ses doigts et à la presser d'abord doucement, puis plus fort en s'avançant progressivement vers la partie antérieure. On refoule ainsi le liquide cavitaire dans la partie antérieure de l'animal qui se trouve gonflée et turgescente. En accentuant peu à peu la pression, en prenant] le temps de fatiguer la résistance des tissus, on voit bientôt deux corps ovales apparaître au fond de la dépression ; ils sortent de plus en plus et forment bientôt deux prolongements de chaque côté de la partie antérieure do l'animal, deux sortes de cornes.
Par cette manœuvre, nous avons énuclée l'appareil stigma- tique antérieur qui se trouvait à l'intérieur du corps, au fond d'une profonde invagination des téguments chitineux.
Il est possible également, par une dissection attentive sous la loupe binoculaire, en suivant la longue trachée latérale d'arriver à l'appareil stigmatique et de l'isoler, mais il est alors enveloppé par une gaine de chitine mince et transparente formée par l'invagination de la chitine tégumentaire.
L'appareil se présente sous une forme très singulière. La Ion-
324 P. PORTIER
gue trachée latérale blanche et soyeuse après avoir abandonné quelques ramifications aux tissus voisins forme un repli ; c'est grâce à celui-ci que peut avoir lieu l'énucléation précédem- ment décrite. On voit en ce point la trachée se teindre de jaune brunâtre, puis elle présente un rétrécissement marqué par un anneau épais et brunâtre (pi. IV, fig. 26 a).
C'est sur cet épaississement circulaire que vient s'insérer la gaine de chitine mince et transparente ; c'est à cet anneau que se termine la trachée et, morphologiquement, le reste de l'appareil que nous allons décrire fait partie de la surface exté- rieure de la larve.
Cet appareil est un stigmate, mais extrêmement modifié dans sa forme. On peut le comparer avec assez d'exactitude à ces champignons ascomycètes auxquels on a donné le nom de Morilles.
Le pied du champignon est formé par une tige cyUndrique jaunâtre qui continue la trachée ; elle a environ 0 mm. 3 de diamètre. A un grossissement suffisant, sa surface paraît cri- blée de petits trous. A son extrémité la tige est coiffée par un épanouissement de chitine qui représenterait la tête de la Morille. Celle-ci est gaufrée et rappelle une tête de chou-fleur.
Sous la tête, la tige se subdivise en plusieurs branches qui divergent pour aller se perdre dans les différentes régions de l'organe. La longueur totale de l'appareil stigmatique de la naissance de la tige au sommet de la tête varie suivant les individus de 1 mm. 3 à 1 mm. 5.
A la surface du renflement formé par la tête, on aperçoit à un grossissement de 200 diamètres un grand nombre de petites ouvertures ovales qu'on peut avec assez d'exactitude compa- rer à de petites boutonnières. Leurs diamètres extérieurs mesu- rent 37 y. 5 et 22 y. 5.
Elles sont percées d'une fente qui varie un peu suivant les conditions de l'observation ; sa largeur moyenne est environ de 8 u..
En dilarérant l'organe, on voit que ces boutonnières font
INSECTES AQUATIQUES 325
communiquer le milieu extérieur avec un tissu spongieux formé d'un amas de mailles chitineuses. Ce tissu est à peu près iden- tique au tissu spongieux que nous avons observé à la partie interne de la plaque stigmatique postérieure.
En résumé, on voit que la longue trachée latérale se termine en avant par un appareil très spécial qui n'est qu'un stigmate modifié. L'ouverture de celui-ci s'est fragmentée en une multi- tude de petites ouvertures en forme de boutonnières réparties à la surface d'un organe dont l'apparence rappelle celle d'une tête de Morille. Dès qu'on a franchi une de ces boutonnières, on tombe dans un tissu cliitineux spongieux et il faut traver- ser ce feutrage qui remplit la tête de la Morille et sa tige pour parvenir dans la lumière de la trachée latérale.
(Il m'a semblé utile de donner une description détaillée et une figure soignée de cet appareil, car il est médiocrement décrit et représenté dans les mémoires des auteurs qui ont étu- dié la larve d'Oestre. Enderlein (1899, Taf II, fig. 26) a donné une figure assez médiocre de cet appareil stigmatique).
Cellules trachéales. — Il nous reste, pour terminer la des- cription de l'appareil respiratoire de larve d'Oestre, a décrire avec plus de précision que nous ne l'avons fait les cellules très spéciales qui garnissent toute la longueur des trachées coniques.
Ce sujet a été traité récemment avec une grande compétence histologique par Prenant (1900). On trouvera dans son mémoire la bibliographie complète du sujet.
Nous avons vu précédemment que chez la larve de Gasiro- philus equi au dernier stade, les cellules trachéales se présen- tent sous forme d'une masse rouge occupant la partie posté- rieure de l'animal. Elles sont appendues en grappes tout autour des trachées coniques.
Il nous faut maintenant examiner avec plus de soin un de ces petits organes. La cellule trachéale présente une apparence oviforme. Elle mesure environ 180 à 200 v. de longueur, mais sa taille est variable, et certaines de ces cellules atteignent 300 u
326 P. PORTIER
et plus. C'est donc un très gros élément parfaitement visible à l'œil nu. Chez les Cobboldia, qai vivent dans l'estomac de l'Elé- phant, les cellules trachéales ont jusqu'à im millimèire de lon- gueur I
On peut leur distinguer deux pôles : l'un pénétré par la rami- fication de la trachée conique, c'est le jjôle proximal ; l'autre ou pôle distal est situé à l'autre extrémité de la cellule.
La ramification de la trachée striée aj)rès avoir pénétré dans la cellule se divise en deux ou trois branches secondaires qui se ramifient aussitôt pour donner naissance à une multitude de trachées de plus en plus fines, qui bientôt deviennent capil- laires et perdent leur fil spiral. Cette foule de tubes capillaire > intriqués et anastomosés entre eux chemine dans le protoplasma de la grosse cellule trachéale, emplissant toute la zone périphé- rique de l'élément et enveloppant, sans y pénétrer, la partie centrale qui contient le noyau.
Toutes ces fines trachées se dirigent vers le pôle distal de la cellule. Mais quel est leur mode de terminaison ? Prenant a minutieusement étudié la question au moyen de la technique des coupes en série, après fixation et coloration par les métho- des les plus perfectionnées et les plus appropriées au sujet.
Dans un premier travail Prenant (1899) arrivait à cette conclusion que les dernières ramifications étaient en continuité avec des filaments pleins électivement colorables qui sont noyés dans le protoplasma de la cellule trachéale. Dans un travail postérieur, le même histologiste abandonne sa première opi- nion ; les filaments sont constitués par une différenciation mor- phologique du protoplasma et sont indépendants des trachées, ou tout au moins, ils ne sont point en continuité avec elles. Il n'arrive d'ailleurs pas à une solution ferme touchant le mode de terminaison ultime de ces canaux capillaires ; voici sa con- clusion : « Je puis dire seulement que les dernières divisions des « trachées sont extrêmement fines et que les trachées ne se ter- ce minent pas par un réseau, mais doivent avoir une terminai- « son isolée ».
INSECTES AQUATIQUES .327
J'ai essayé de me faire une opinion personnelle sur la ques- tion. Désespérant de tirer un meilleur parti que M. Prenant de la technique des coupes, pensant d'ailleurs que le meilleur moyen d'établir le mode de terminaison d'un filament était, peut-être, d'essayer de suivre sa continuité, j'ai pratiqué l'examen des organes frais, puis macérés dans divers liquides.
L'examen à un grossissement moyen des cellules trachéales plongées dans le sang de la larve révèle d'abord un détail de morphologie qui paraît avoir échappé à M. Prenant. Souvent à son pôle distal la grosse cellule trachéale présente un prolonge- ment constitué par la gaine de la cellule qui s'étire en ce point entraînant avec elle et à son intérieur une partie du proto- plasma de la cellule. A l'intérieur du petit tube ainsi formé, on voit souvent cheminer une ou plusieurs trachées capillaires qui sont manifestement le prolongement de quelques-unes de celles que nous avons vu converger au pôle distal de la cellule.
Le prolongement cellulaire ainsi constitué se dirige vers une des cellules trachéales voisines et se continue avec un prolon- gement semblable émané de cette cellule, établissant une com- munication, une anastomose trachéenne entre deux cellules voisines.
Il arrive quelquefois que le prolongement décrit ne part pas du pôle distal de la cellule, mais d'une zone voisine ou même de sa partie latérale. Il n'est pas rare non plus de constater que plusieurs prolongements émanent d'une même cellule qui est ainsi mis en rapport trachéen avec plusieurs cellules voi- sines.
Ces faits ont d'ailleurs été vus par Enderlein (1899) et les figures 21 et 26 de son mémoire en donnent une idée assez exacte.
Il est très difficile de dire si toutes les cellules trachéales sont ainsi en rapport avec les cellules voisines. On comprend en effet que dans le cours de la dissociation, beaucoup de ces pro- longements délicats et fragiles sont brisés ; d'autre part, le pro- cessus protoplasmique peut prendre sa source en un point de
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la grosse cellule caché à l'observateur et échapper ainsi à l'obser- vation.
Quoi qu'il en soit, un grand nombre des cellules trachéennes, sinon toutes sont, par ces anastomoses, mises en relation respiratoire avec les cellules voisines.
Terminaison ultime des trachées.
Je vais maintenant exposer le résultat de mes recherches personnelles sur cette question.
Le problème de la terminaison ultime des trachées dans les divers tissus des Insectes s'est posé depuis longtemps, et malgré de nombreux travaux dus à d'habiles histologistes, il I n'a pas encore reçu de solution définitive.
Remarquons d'abord que le problème comprend deux faces nettement distinctes :
P Les terminaisons ultimes des trachées sont-elles ouvertes ou fermées ?
2° Ces terminaisons sont-elles intra ou mfer-cellulaires ?
Je vais d'abord examiner la première question.
Il est évident que la technique employée joue ici un rôle pri- mordial.
On peut essayer comme plusieurs histologistes l'on fait, en particulier Wistinghausen (1890) d'injecter les capillaires trachéens. J'ai fait moi-même de nombreuses tentatives dans cette voie. L'injection des gros troncs trachéens par les stig- mates est facile à réaliser. Nous avons vu qu'il suffit pour obte- nir ce résultat de couvrir les stigmates d'un liquide capable de mouiller la chitine hydrofuge du péritrème. Si, à un tel liquide (huile, eau de savon, etc.), on incorpore des particules très fines comme le carmin ou le noir de fumée, on suit parfaitement le trajet des trachées de gros et moyen calibre, mais dès qu'on arrive aux ramifications capillaires, le liquide se fragmente en une suite d'iridex qui s'arrêtent bien avant la terminaison ultime. Celle-ci contient en effet des gaz et notamment de l'azote qui forme un obstacle insurmontable à une pénétration plus complète du liquide. Même résultat si au lieu de liquide tenant
INSECTES AQUATIQUES 329
en suspension des particules on injecte une solution de matière colorante non diffusible comme le bleu de Prusse.
On peut, à la vérité, supprimer l'azote en faisant respirer l'insecte dans une atmosphère d'oxygène pur ; les trachées au bout d'un temps suffisant ne contiennent plus alors que du gaz carbonique et de l'oxygène ; mais ce dernier gaz offre à la pénétration du liquide un obstacle très grand et son absorption nécessite l'emploi de liquides qui altèrent et détruisent les tissus sur lesquels on opère.
Je ne rapporterai pas le détail des tentatives que j'ai faites dans cette voie, car elles sont restées jusqu'à présent sans résul- tat digne d'être retenu.
Il existe un deuxième mode de recherche qui a été employé par Prenant dans son travail déjà cité. Il consiste à fixer con- venablement le tissu à étudier, puis à colorer les coupes obtenues par une couleur qui présente une affinité particulière pour les trachées. On a vu que, malgré la grande habileté de cet histo- logiste, le résultat obtenu, de son propre aveu, ne permettait pas de tirer une conclusion certaine pour le problème posé.
La raison de ceci me paraît simple. Si, en effet, la méthode des coupes me semble parfaitement appropriée à la solution de la terminaison inter ou intra-cellulaire des trachées, il n'en est plus de même en ce qui concerne le sort de la portion ultime du capillau'e trachéen. Les coupes en série elles-mêmes ne sauraient fournir une conclusion indiscutable à ce point de vue ; la terminaison ultime d'un filament d'une telle ténuité a beau- coup plus de chance d'être fixée avec précision si on peut suivre le capillaire trachéen dans sa continuité. Telle est la donnée qui nous a inspiré dans la recherche d'une teclmique appropriée à la solution de cette difficile question.
En examinant des fragments de tissus d'insectes à l'état frais à l'ultra-microscope (condensateur parabolique de Zeiss), j'ai été frappé de l'admirable netteté avec laquelle les capil- laires trachéens les plus ténus se détachaient sur le fond de la préparation.
AROH. DE ZOOL, EXP. ET QÉN. — 5« SÉRIE. — T. Vm. — (U). 22
k
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Lorsqu'ils sont intacts, c'est-à-dire remplis d'air, ils appa- raissent comme des lignes extrêmement brillantes ; on peut d'aillem's parfaitement distinguer les trachées de gros et moyen calibre qui possèdent un fil spiral des trachées capillaires qui ont perdu cet épaississement de la paroi. Au contraire, dès qu'une trachée, même du caUbre le plus ténu, est remplie de liquide, la ligne brillante qu'elle formait s'évanouit, et elle devient alors beaucoup plus difficile à suivi'e. 'On y parvient cependant en diaphragmant le condensateur paraboUque et en faisant varier insensiblement la mise au point. On voit alors que la trachée remplie de liquide se présente sous f(jrme d'un double trait (1).
Ces diverses constatations sont à retenir, elles vont recevoir une appHcation dans les pages qui suivent.
Il va sans dire que les différents tissus ne donnent pas tous la même netteté d'images lorsqu'ils sont examinés à l'état frais dans l'eau salée à 6 pour 1000 par le procédé que je viens de décrire.
C^ertains organes comme les branchies rectales (2) des Odo- nates, celles des larves de Phrygane, de la nymphe des Chirono- mus, de la chenille de Paraponyx stratiotata qui sont formés de tissus absolument transparents permettent de suivre très faci- lement toutes les ramifications trachéennes.
On peut ainsi s'assurer que les capillaires trachéens qui con- tinuent les trachées à fil spiral sont formés de tubes extrêmement fins qui s'anastomosent entre eux et qui sont çà et là terminés par des filaments dont on aperçoit l'extrémité avec une absolue netteté.
Ce simple examen domie bien « l'impression « que cette ter- minaison ultime est fermée, parfaitement close ; mais, bien entendu il est impossible de rien affirmer en toute rigueur à ce point de vue à propos d'éléments de dimension aussi faible.
(1) Ces observations ont été faites avec l'objectif apochromatiiiue de Zeiss 4 spécialement •liapliragmé et les oculaires compensateurs 12 et 18.
('2) 11 s'agit bien entendu, dans tous ces cas, de branchies tracliéeuues.
INSECTES AQUATIQUES 33 i
Comme on va le voir, l'expérimentation semble permettre de s'arrêter à cette même conclusion.
Pour les tissus ordinaires, et en particulier, pour les cellules trachéales des larves d'Oestre, l'examen de l'organe frais dans l'eau salée isotonique ne donne pas des résultats aussi nets. L'épaisseur de la membrane cellulaire, la présence du pigment rouge qui teint le protoplasma et surtout la présence d'enclaves protoplasmiques, de spliérules graisseuses par exemple, qui sont plus ou moins nombreuses, apportent une gêne considé- rable à l'examen sur fond noir. On voit encore parfaitement les plus fines ramifications trachéennes qui se présentent comme un lacis de filaments très brillants, mais ceux-ci pressés les uns contre les autres, s'entrecroisent en tous sens forment une masse inextricable et il devient impossible de se faire une opinion ferme sur le sort de l'extrémité ultime des filaments qui plongent dans le protoplasma et sont masqués par les encla- ves que j'ai citées.
Il faut donc arriver à libérer ce chevelu trachéen des écrans plus ou moins opaques qui le masquent.
.J'ai d'abord essayé l'emploi de l'eau distillée, afin de provo- quer une plasmolyse de la cellule trachéenne. Celle-ci soumise à l'action de ce milieu se gonfle et augmente de volume, mais sa membrane résistante ne lui permet pas d'éclater. L'emploi d'autres réactifs devenait obligatoire.
Je me suis alors adressé aux solutions faibles d'alcalis caus- tiques (potasse ou soude de 1 à 2 pour 1000 par exemple). On sait que sous l'influence de ces alcahs, le protoplasma est solu- bilisé, transformé en alcali-albumines solubles. On voit alors que les bouquets de capillaires trachéens deviennent libres et parfaitement visibles. On constate alors avec la dernière évi- dence qu'ils se terminent par des extrémités libres et isolées qui, bien entendu, à l'état frais se perdaient dans le protoplasme.
Une dernière question reste à résoudi'e : ces terminaisons sont-elles closes ou bien ouvertes dans les mailles du proto- plasma ? La question est très diâicile à résoudre avec une cer-
.'Î32 P. PORTIER
titude absolue. En effet, la plupart des prolongements se ter- minent par une extrémité mousse, brillante, après la solubili- sation du protoplasma qui les entourait, le liquide alcalin n'a donc pas pu les pénétrer, il semble donc bien qu'on puisse affir- mer qu'ils sont parfaitement clos ; mais d'autre part, quelques- uns de ces très fins filaments ultimes présentent à leur extré- mité un double trait difficile à voir, mais cependant très évident, qui indique que le liquide a pénétré à leur intérieur. Ces rami- fications envahies par la solution alcaline sont d'ailleurs d'autant plus nombreuses que l'action du liquide sur elles a été prolongé davantage. On peut donc se demander si, à la longue, ces solutions, cependant très diluées ne sont pas capables de solu- biliser la chitine ( 1 ) si mince qui forme la paroi de ces capillaires trachéens.
Pour décider cette question, j'ai fait agir ces mêmes solutions sur les capillaires des branchies prises comme test-objet puisque là, comme nous l'avons vu, le réseau des trachées et leurs ter- minaisons ultimes sont parfaitement visibles à l'état frais.
Une larve de Phrygane est sectionnée à la partie postérieure ; en la pressant progressivement de la tête vers la queue entre deux feuilles de papier buvard, on arrive à la vider presque entièrement du sang qu'elle contenait et des matières nutritives qui remphssaient son tube digestif.
Par son extrémité postérieure sectionnée, on injecte alors au moyen d'une seringue de Pravaz la solution alcahne. Si l'injection pénètre bien la cavité générale de la larve, on voit ses branchies se gonfler, devenir turgescentes. Le liquide alcalin s'est répandu à l'intérieur de l'évagination chitineuse qui forme la paroi des branchies ; il baigne maintenant les plus fines ramifications trachéennes. On peut alors suivre ce qui se passe sous le microscope avec le condensateur parabolique.
Toutes les ramifications apparaissent d'abord très brillantes et très nettes avec leur extrémité parfaitement définie qui sem- ble donc bien close ; puis, peu à peu, certaines d'entre elles
(1) Cliitlrn- l'sl jni.s ici iIhiih uiip iicfeption assez large.
INSECTES AQUATIQUES 333
s'effacent laissant place à la double ligne très fine qui indique que la trachée a été envaliie et le phénomène va en progressant et s'accentuant à mesure que la durée de contact avec la solu- tion alcaline croît davantage.
Tout se passe donc ici encore comme si la solution alcaline en prolongeant son action avait fini par corroder l'extrémité de l'ultime ramification trachéenne et par pénétrer ensuite dans la lumière de ce tube capillaire.
Il résulte de ces constatations que les liquides employés sont à rejeter. J'ai utilisé alors des solutions alcalines d'un titre plus faible à 1 pour 10.000 par exemple. On obtient alors de meilleurs résultats, mais la dilutioii atteint alors un tel degré qu'on n'obtient plus que difficilement la plasmolyse de la cellule et la solubilisât ion complète du protoplasma.
Finalement, après de nombreux essais, je me suis arrêté à l'emploi de solutions savonneuses faibles 1 pour 2.000 environ. Tl est tout à fait indispensable que ces solutions soient pré- parées au moment de l'emploi, car elles sont altérées par le contact avec le gaz carbonique de l'air. Par l'action de ces solutions sur les cellules trachéennes, on obtient une solubilisa- tion complète du protoplasma, une mise en liberté des plus fines ramifications trachéennes qui apparaissent comme parfaite- ment closes ; ce n'est qu'à la longue, au bout de plusieurs heures que quelques ramifications ultimes sont envahies par le liquide.
J'ai employé la même méthode pour étudier les terminaisons trachéennes des tissus, de l'intestin de la larve d'Oestre en par- ticulier. Les résultats' que j'ai obtenus sont analogues >à ceux que je viens d'énoncer pour les cellules trachéennes, mais ici, la paroi des trachées les plus fines est encore plus altérable par les solutions alcalines.
Nous pouvons donc conclure que, par l'examen à l'ultra- microscope, combiné avec l'action des solutions alcalines très faibles ou mieux des solutions savonneuses, on est amené à considérer que les plus fines ramifications des trachées se ter- minent par une extrémité close ; cette disposition existe aussi
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bien dans les cellules trachéennes que dans les divers tissus examinés.
La terminaison des cellules trachéales est intra-protoplas- mique, cela est de la dernière évidence. Il en est de même poui- certains œnocytes, ceux des larves de Phrygane par exemple. Pour déterminer avec certitude si les terminaisons trachéennes des divers tissus sont intra ou extra-cellulaires, il faudrait modifier la méthode précédente. C'est une question que je n'ai pas cherché à résoudre complètement ; elle sort du cadre de ce travail. Je dirai seulement que je considère comme presque certain que, dans l'immense majorité des cas, les terminaisons des trachées sont extra-cellulaires ou mieux inter-cellulaires.
Résumé de la œnsiitution anatomique de Vappareil respira- toire des larves de GaMrnphilvs.
Le système trachéen et ses annexes stigmatiques présentent chez les larves de Gastrophilus une disposition très particulière qui le différencie très nettement des systèmes correspondants de tous les autres insectes.
I. Trachées. — EUes sont de deux sortes :
a) Trachées latérale et intestinale qui distribuent leurs rami- fications aux différents organes et tissus de la larve. Elles corres- pondent aux trachées ordinaires de tous les insectes.
h). Trachées coniques. Elles pourvoient de ramifications uniquement les cellules trachéales, très gros éléments unicellu- laires teints d'un pigment rouge.
II. Appareil stigmatique. — La larve de Gastrophilus appar- tient au type amphipneustique.
a) Le stigmate antérieur termine la trachée latérale. Il est constitué par un renflement conique pédicule qui porte de nom- breuses ouvertures stigmatiques sortes de boutonnières réparties sur la surface du renflement. Un tissu chitineux feutré remplit la cavité de l'organe.
Le stigmate antérieur n'est jamais en rapport avec l'extérieur.
INSECTES AQUATIQUES 335
Il est situé au fond d'un entonnoir de chitine qui s'ouvre vir- tuellement sur les téguments de la surface du corps.
b). Le stigmate postérieur présente une extrême complica- tion (pi. m, fig. 21).
Il est constitué par une grande plaque chitineusc qui termine la larve à la partie postérieure. Cette plaque est percée de six fentes allongées disposées sur les deux moitiés symétriques droite et gauche de la plaque.
Les trachées précédemment décrites (c'est là un fait capital) ne s'insèrent pas directement sur la plaque stigmatique, ne prolongent pas les fentes stigmatiques. En effet : la plaque stig- matique est doublée, à son intérieur, d'un appareil de chitine filamenteuse, poreuse (plaque et diaphragme), derrière lequel se trouve une cavité rempUe d'air : l'atrium.
Le fond de cet atrium est limité ^ar une nouvelle cloison percée de nombreux orifices ; c'est, en effet, le diaphragme d'origine de toutes les trachées décrites.
Les fentes stigmatiques sont ordinairement recouvertes par des replis des téguments qui constituent la bourse stigmatique.
III. Cellules trachéales. — Ce sont de très gros éléments ana- tomiques appendus en grappes sur les trachées coniques. Ils sont pénétrés par des trachées capillaires qui se subdivisent dans leur protoplasme et forment un chevelu très abondant dans les parties périphériques de la cellule. Ces capillaires trachéens se termineilt à l'intérieur du protoplasme et, il sem- ble bien, par une extrémité fermée.
Physiologie de l'appareil respiratoire.
Pour comprendre le fonctionnement de l'appareil si compliqué dont nous connaissons maintenant l'anatomie, il faut avoir constamment à l'esprit le milieu dans lequel vit la larve d'Oestre.
Le contenu gastrique possède, au point de vue qui nous occupe, deux qualités essentielles qui sont : la pauvreté en
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P. PORTIER
oxygène et la présence de matières alimentaires riches en microorganismes et contenant toujours une certaine proportion de substances grasses capables d'envahir le système trachéen des Larves. — L'appareil respiratoire a donc dû s'adapter à ces deux conditions défavorables. C'est là la raison de son extrême comphcation.
1" Adaptation à la pénurie d'oxygène. Cette rareté de l'oxy- gène parmi les gaz du tube digestif a été établie depuis long- temps par les recherches de Tappetner (1881, p. 303).
Voici d'après cet auteur la composition des gaz recueillis aussitôt après la mort dans les différentes sections du tube digestif.
Gaz du tube digestif du Cheval nourri au foin.
Gaz |
Eslomai- |
lutesti Commenc . |
1 grêle Fin |
Cœcuni |
Colon |
Rectum |
|
r,02 |
H2S |
752 14.5 10.0 |
42,7 19.4 37,4 |
15 6 24,0 59.6 |
85,5 2.3 11.1 0,9 |
.55,2 1.7 32.7 10,0 |
29,2 |
H |
0,8 56.6 |
||||||
CH- |
|||||||
N.'. |
13,4 |
||||||
On voit que l'analyse ne révèle pas de proportion dosable d'oxygène. Il est probable qu'une recherche de ce gaz faite dans des conditions favorables en montrerait des quantités tou- jours faibles, mais variables, avec la nourriture de l'animal, le stade de la digestion, etc..
En résumé, on voit que l'atmosphère gazeuse dans laquelle les larves d'Oestre doivent passer leur existence est extrême- ment pauvre en oxygène et relativement très riche en gaz carbonique et souvent aussi en hydrogène protocarboné. On peut même remarquer que cette atmosphère gazeuse a une composition telle qu'il serait impossible à un Vertébré d'y vivre.
Comment les larves du Diptère parviennent-elles à s'adapter
INSECTES AQUATIQUES 337
à des conditions si défavorables, à y vivre et à y poursuivre toute leur croissance.
Nous ne pouvons guère à ce sujet que faire des suppositions. Il est probable que, pendant la plus grande partie de son exis- tence, la larve conserve rapprochées entre elles, les deux lèvres de sa bourse stigmatique ; les stigmates sont ainsi her- métiquement clos. Si, par suite d'une circonstance favorable (1) une certaine quantité d'air est introduite dans l'estomac, la larve doit en être avertie et respirer avec avidité, de manière à faire sa provision d oxygène. Par des mouvements respiratoires répétés, elle doit saturer d'oxygène le pigment respiratoire de ses cellules trachéales et emplir ses grosses trachées d'un calibre si considérable, si disproportionné avec celui de la larve. Elle rapproche ensuite les lèvres de la bourse stigma- tique et ne les rouvrira plus qu'à la première occasion favo- rable.
11 est probable que ces arrivées intermittentes d'air ne se pro- duisent pas fréquemment. On peut s'en faire une idée par la lenteur de croissance de la larve.
Tous les auteurs qui se sont occupés du sujet, en particulier Joly, Raillet, etc., assignent à la larve une durée de séjour dans le tube digestif C{ui varie de dix mois à un an.
Cette lenteur extrême de croissance comparée à celle des au- tres insectes est d'autant plus frappante que la larve d'Oestre a toujours en abondance à sa disposition les aliments qui cons- tituent sa nourriture, et que, de plus, elle est constamment maintenue à une température uniforme et élevée.
La disette d'oxygène paraît donc bien être ici la cause unique du retard dans le développement.
Le même fait est d'ailleurs connu depuis longtemps pour d'autres organismes.
P.\STF-:uR (1876) a étabh que les cellules du Saccharomyces
(1) Une larve conservée longtemps dans un liqaide et amenée au contact de l'air ne tarde pas, en général, à abaisser la partie inférieure de sa bourse stigmatique et à mettre ses stigmates en contact avec l'atmosphère.
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cerevisiœ, même pourvues d'une nourriture abondante ne se multiplient que fort peu et n'augmentent guère de poids en l'absence d'oxygène. Dans les mêmes conditions, elles pro- duisent une active fermentation. Au contraire, en présence d'oxygène, la levure se multiplie rapidement, si de bonnes conditions de nutrition sont réalisées.
J. LoEB (1906 p. 13,) a montré par de nombreux exemples, la généralité du phénomène. 11 a vu ({ue des œufs d'oursin ou de poisson récemment fécondés cessaient de se diviser si on les soustrayait à l'action de l'oxygène. Le développement reprend dès que ce gaz arrive au contact de l'embryon.
Le même auteur a cité des faits analogues en ce qui con- cerne la régénération des Hydro'ïdes.
Les plantes elles-mêmes n'échappent point à cette règle, et Claude Bernard à établi par des expériences restées classiques, l'abolition de la faculté de germination des graines, en l'absence d'oxygène. Il a montré que la privation de ce gaz pouvait faire tomber les organismes en état de vie latente, au même titre que la privation d'eau ou de chaleur.
Il semble donc que les larves d'Oestre passent ainsi par des alternatives de vie active et de vie latente, ces dernières de beaucoup les plus longues et correspondant aux phases d'as- phyxie. Ainsi se trouve expliquée l'extrême lenteur de crois- sance de ces insectes.
Je vais maintenant exposer la manière dont il faut com- prendre, à mon avis, le fonctioiuiement de l'appareil respira- toire si compliqué de la larve d'Oestre.
Nous l'avons dit, dès qu'une circonstance favorable se pré- sente, la larve découvre sa plaque stigmatique et remplit d'air plus ou moins pur son atrium, ses trachées longitudinales et intestinales et également aussi ses grosses trachées coniques. Il semble que pour remplir son système trachéen, elle use uni- quement de ses grands stigmates postérieurs. Les stigmates antérieurs restent toujours enfouis au fond de l'entonnoir chitineux qui les isole de l'atmosphère ; jamais, pendant la vie
INSECTES AQUATIQUES 339
de la larve, il ne paraissent arriver au contact de celle-ci. 11 est probable que ces organes ne servent à la respiration que lora de la nymphose ; ils n'arrivent, en effet, par dévagination au niveau des téguments sur lesquels ils viennent même proé- miner qu'aw moment de la transj on nation de la larve en nym/ifie, ainsi que Réaumur l'avait déjà parfaitement vu.
Les trachées latérales et intestinales approvisionnent d'air les différents organes et fonctionnent, en somme, comme les appareils analogues des autres insectes. Elles représentent avec leurs diverses ramifications les trachées nutritives de la larve.
Mais quel est le çôle des trachées coniques. Quel est le rôle aussi de ces singuliers organes qui les garnissent : les cellules trachéennes . Voici l'interprétation qui me semble la plus proche de la vérité.
Les énormes trachées coniques et l'atrium duquel elles par- tent, constituent un vaste réservoir gazeux qui se remplit d'air plus on moins oxygéné, dès qu'une occasion favorable se présente.
Les cellules trachéennes sont d'une interprétation plus diffi- cile.
Suivant Enderlein, elles serviraient d'intermédiaire entre l'air et le sang, et favoriseraient l'hématose par la surface de contact très étendue qu'elles forment entre l'air et le sang.
Il me semble y avoir une singulière erreur dans cette manière d'envisager le rôle de la cellule trachéenne. Le fait que les capillaires trachéens sont enfermés à l'intérieur d'une cellule au lieu d'être en rapport direct avec le sang diminue la surface d'hématose au lieu de l'accroître.
Si on admet, comme cela semble infiniment probable que le pigment rouge qui teint le protoplasme de la cellule trachéale est un pigment respiratoire, le rôle physiologique de cet élé- ment me semble être le suivant.
L'organe rouge est essentiellement un organe d'hématose. Au moment de la circulation gazeuse dans les trachées, le pig- ment respiratoire se sature d'oxygène qui lui est amené par les
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capillaires si nombreux qui sillonnent le protoplasma de la cellule. On peut considérer une cellule trachéale comme une branchie trachéenne, une branchie de Phrygane, par exemple, dont les filaments auraient été recouverts par une grosse cel- lule amiboïde qui les aurait englobés. (Il semble d'ailleurs bien, d'après les travaux de Enderlein, que tel soit le mode de déve- loppement de ces organes.)
On voit donc que, dans cette manière d'envisager les choses, une cellule trachéenne, au point de vue de ses relations avec l'appareil respiratoire ne peut pas être assimilée à une cellule d'un tissu ordinaire. Une cellule musculaire, par exemple, entre en rapport avec les trachées pour recevoir l'oxygène nécessaire à son fonctionnement ; a\i contraire, la cellule tra- chéenne reçoit, grâce à son « hy pertrachéisation » {sit venia verbo) un surplus d'oxygène qu'elle rendra ensuite à l'organisme au fur et à mesure de ses besoins.
La « trachéisation » de la cellule trachéenne me paraît pou- voir être très justement comparée à la vascularisation du pou- mon ou de la branchie des Vertébrés ; ici comme là, on trouve une « hypervascularisation » en rapport avec la fonction de l'appareil. Et je pense que cet exemple des «branchies tra- chéennes » met parfaitement en relief cette substitution, chez l'insecte, de la circulation aérienne à la circulation sanguine, de la « trachéisation » à la « vascularisation ». Il y a là une dis- position qui est en rapport étroit avec l'adaptation à la vie aérienne, qui bien entendu, n'est utile qu'à l'adulte, mais qui commence à se manifester nettement chez la larve.
Ainsi, je pense qu'il faut considérer la cellule trachéenne comme un réservoir d'oxygène qui se remplit au moment favo- rable pour céder ensuite, jDeu à peu sa provision pendant les longues périodes où l'oxygène gazeux fait défaut dans le milieu extérieur.
Chez les larves jeunes qui ont à édifier de nombreux tissus et d'abondantes réserves, l'organe rouge formé par les cellules trachéennes s'étend presque sur toute la longueur de la larve.
INSECTES AQUATIQUES 34l
Puis, à mesure que le développement approche de son terme, les cellules trachéennes s'infiltrent de réserves adipeuses, perdent parallèlement leur pigment respiratoire et leurs capil- laires trachéens intra-protoplasmiques et se transforment en or- ganes de réserve.
Il est remarquable que cette transformation a heu d'avant en arrière, de sorte qu'à la fin de la vie larvaire, l'organe rouge est localisé dans la partie postérieure de l'animal, et, remar- quons-le, en une zone où se passent les phénomènes nutritifs les plus intenses, puisqu'on y trouve la partie vraiment active du tube digestif avec les tubes de Malpighi. Fait non moins remarquable, à ce stade de la vie larvaire, le princi])al organe de la circulation : le vaisseau dorsal paraît locahsé à la partie postérieure de la larve, à celle qui contient l'organe rouge. Les pulsations ne sont en tous cas nettement visibles à travers la cuticule transparente que dans cette zone. Il semble que le sang vienne là chercher l'oxygène pour le transporter ensuite aux organes voisins.
En résumé, la cellule trachéenne me paraît devoir être considérée comme une branchie qui permet au milieu intérieur de l'animal de venir puiser là l'oxygène nécessaire à son fonc- tionnement. Mais il est essentiel de remarquer que cette branchie trachéenne est, en (quelque sorte, la contre-partie de celle des Phryganes ou des Odonates. Ici, la branchie vient puiser l'oxygène au milieu extérieur, et le distribue ensuite dans un système trachéen complètement fermé (physiologique- ment tout au moins). Chez la larve d'Oestre, au contraire, la branchie, c'est-à-dire la cellule trachéenne reçoit son oxygène du système trachéen, qui communique avec l'extérieur par les grands stigmates postérieurs et le sang vient ensuite puiser dans cette réserve.
Ce mécanisme physiologique semble être une conséquence de l'adaptation de la larve au milieu si défavorable dans laquelle elle vit. Ce qui vient donner un grand appui à cette manière d'envisager les choses, c'est que des larves endo-parasites d'in-
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sectes très voisins, tels que les Cephalomya, les Hypoderma ne possèdent aucune trace de cet « organe rouge » si remarquable à tant de points de vue. Or, ces larves, contrairement à celles de Gastrophilus, sont abondamment pourvues d'oxygène.
II. — Étude du mécanisme de la lutte contre l'envahissement par les substances grasses et les microorganismes.
Les larves de Gastrophilus vivent dans un milieu qui semble, au premier abord, bien peu favorable au développement d'in- sectes pourvus de stigmates. Il présente en effet, deux qualités que nous avons reconnues néfastes à ces êtres. Il est : P Sou- vent riche en matières grasses ; 2° Abondant en microorganis- mes variés, constamment introduits par l'aliment et dont un cer- tain nombre doivent être pathogènes pour nos larves.
On sait en effet, maintenant, avec certitude, que l'estomac des différents animaux possède une flore bactérienne abondante et adaptée au degré d'acidité de l'espèce considérée. 11 a été établi aussi que, parmi beaucoup d'espèces microbiennes sen- sibles in vitro à l'action de l'acide chlorydrique à 2 ou 3 pour 1000, le plus grand nombre pouvait séjourner pendant quelques heures dans le contenu stomacal sans être détruit. Le fait est bien connu pour le bacille typhique et le vibrion cholérique qui, bien que très sensibles à l'action de l'acide chlorydrique, peu- vent néanmoins traverser l'estomac avec les aliments en conser- vant toute leur virulence Metchnikoff (1901, p. 438).
Ainsi, à priori, il semble que les larves de Gastrophilus pla- cées pendant presque un an dans des conditions aussi défec- tueuses doivent j^résenter un mécanisme de résistance bien curieux à pénétrer. C'est une des raisons qui m'ont engagé à entreprendre leur étude.
a. Quelques mots sur le sang des larves de Gastrophilus. — On n'attend point de nous une monographie des larves d'Oestre. Cependant, la phagocytose présente une telle importance dans
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tous les phénomènes d'immunité qu'il s'imposait de voir rapi- dement quelle forme, quelle intensité elle revêtait chez ces in- sectes. Peut-être, allions-nous trouver là, le secret de cette extrême résistance à l'infection.
J'ai donc été très surpris en constatant l'extrême rareté des leucocytes dans le sang de ces larves et leur très grande fragilité.
Le sang de ces larves est très abondant. Il semble très riche en matières albuminoïdes. Préparons ce Uquide pour l'examen microscopique en en déposant une goutte sur une lame et en l'étalant aussitôt en couche mince. Fixons par le Bouin ou le subhmé et colorons par les procédés les plus variés, nous obtiendrons des préparations dans lesquelles le plasma sera intensément coloré (1), sans qu'on puisse jamais constater d'une manière indiscutable la présence d'aucun leucocyte.
La fixation du sang frais par les vapeurs d'acide osmi(jue ne donne pas de meilleurs résultats, et ce procédé fournit cependant de très belles préparations avec le sang de la |)lu- part des insectes.
L'examen du sang à l'état frais donne des résultats plus inté- ressants. On fijiit à force de recherches par y découvrir quelques très rares leucocytes munis de ])seudopodes et (^ui paraissent toujours adhérer à la lame sur laquelle le sang a été déposé.
Il m'a semblé que le nombre de ces cellules variait d'une manière très manifeste avec les conditions dans lesquelles la larve était placée. Si celle-ci est immergée dans l'acide chlo- rydrique à 1 ou 2 pour 1000, les leucocytes sont en nombre mini- mum ; dans une solution neutre ou faiblement alcaline, ils sont moins rares, mais toujours infiniment moins abondants que chez la majorité des insectes, chez les larves de mouche par exemple, pour jirendre un point de comparaison assez voism (2).
(1) Ce plasma parait avoir une affinité particulière pour l'éosine ; il semble qu'une au moins des matières albuminoïdes qu'il renferme soit au plus haut point éosinophile.
(2) Il m'a H& impossible de faire une étude plus approfondie du sang des larves d'Oestre. Je n'ai rien trouvé dans les auteurs au sujet de cette rareté extrême des leucocytes, sauf cette phrase de KOLIMAXX (1908, p. 130). « Les diverses catégories de leucocytes décrites par Cuénot existent « chez tous les Insectes (sauf les granulés) excepté bien entendu chez ceux qui sont dépourvus « de globules sanguins, comme beaucoup de Diptères ».
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Après cette constatation, on devait s'attendre à ne trouver qu'une phagocytose bien peu active dans le sang des larves d'Oestre ; c'est, en effet, ce que prouve l'expérimentation.
Après injection d'encre de Cliine dans la cavité générale, non seulement, on ne rencontre pas de leucocytes renfermant des grains noirs, mais on ne trouve guère de ceux-ci dans le sang ; ils sont accolés en amas le long des grosses trachées et au voisi- nage de la plaque stigmatique. 11 va sans dire qu'après l'injec- tion du même hquide dans la cavité générale d'autres insectes, on trouve un nombre énorme de leucocytes bourrés de granules noirs.
Des expériences analogues ont été faites avec des globules sanguins, avec des cultures de levures et de bactéries ; elles ont toujours domié le niême résultat.
J'ai cherché également par le même procédé des injections si quelque organe phagocytaire n'existait pas dans les tissus de la larve ; mais là, encore, j'ai échoué, tandis que j'ai facilement retrouvé les organes phagocytaires décrits par Cuénot chez nombre d'insectes, en particulier chez les Orthoptères,
Je n'oserais affirmer que le phénomène de la phagocytose si universellement répandu fasse absolument défaut ici, mais il est, en tous cas, extrêmement réduit.
Nous allons montrer que, par contre, les défenses extérieures de l'animal sont très développées ; il semble qu'il y ait bien là un véritable phénomène de compensation.
h. Action des substances grasses et de leurs solvants sur l'appareil stigmatique postérieur.
Expérience 1. — Une larve de Gastrophilus equi est immergée dans l'huile d'oUve intensément colorée en rouge par de l'alca- nine. Elle est retirée après 16 heures de séjour. Elle est parfaite- ment vivante ; la dissection montre que l'appareil trachéen n'a été nullement envahi.
Expérience 2. — La même expérience est répétée sur une
INSECTES AQUATIQUES 345
autre larve, mais on remplace l'huile d'olive par une solution de savon de Marseille, colorée par le bleu de Méthylène. Les résultats sont les mêmes.
Des expériences analogues, mais de plus longue durée con- duisent encore aux mêmes conclusions. Une larve qui avait été oubhée dans l'huile pendant 8 jours a été trouvée morte, mais son système trachéen n'était nullement envahi.
Voici un résultat très différent de tous ceux auxquels nous sommes parvenus jusqu'à présent. Où doit-on en chercher la cause .
Une simple modification a^iportée dans les expériences pré- cédentes va nous permettre de répondre.
Expérience 3. — Grosse larve de Gastrophilus encore fixée au morceau de muqueuse stomacale. 5 h. 20. Au moyen de pinces, on fait écarter^les lèvres supérieure et inférieure de la bourse stigmatique. La plaque stigmatique avec les six sillons apparaît à nu. On dépose sur elle une goutte d'huile d'olive, colorée en rouge intense par l'alcanine. Cette huile disparaît rapidement, il semble bien qu'elle soit absorbée. On recom- mence deux fois la même opération,
5 h. 50. Nouvelle goutte d'huile déposée directement sur la plaque.
6 h. 50. La larve est disséquée dans le chlorure de sodium à 8 pour 1000.
La plaque de chitine spongieuse est gorgée d'huile ; l'atrium et l'origine des grosses trachées sont aussi remplis d'huile rouge.
Expérience 4. — Une seconde larve est soumise à une opération identique, mais on remplace l'huile par une solution de savon colorée en bleu.
Les résultats sont identiques.
Ainsi, c'était bien la bourse stigmatique qui s'opposait à la pénétration des Hquides ; dès que celle-ci est supprimée, dès que les liquides arrivent directement en contact avec la plaque stigmatique, le système trachéen est aussitôt envahi,
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 5« SÈME. — T. Vm. — (II). 28
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Ici, le phénomène est frappant, l'expérience est vraiment cruciale en raison des dimensions énormes de l'appareil stig- matique qui permettent de supprimer à volonté la fermeture étanche qui masque la plaque stigmatique ; mais, remarquons-le bien, le phénomène n'est pas nouveau pour nous, il est, somme toute, identique à celui que nous avons observé chez d'autres larves : celle du Dytique, et surtout celles des Hydrophiliens qui se rapprochent déjà beaucoup des larves d'Oestre sous le rapport de la conformation de la partie postérieure de l'appareil respiratoire.
Action du liquide oléo-éthéré. — Il nous faut maintenant répéter les expériences précédentes après avoir ajouté de l'éther à l'huile ; les expériences que nous avons faites sur d'autres insectes nous donnent à pensef que le résultat précé- dent pourra bien être modifié.
Expérience 5. — Une larve d'Oestre est plongée dans un mé- lange d'huile d'olive colorée par l'alcanine et l'éther.
On la laisse pendant 12 heures dans ce hquide.
Elle est merte quand on la retire ; on la dissèque dans le chlorure de sodium.
On constate que les gros troncs trachéens (trachées coniques, inetstinales, etc.) ont conservé leur aspect nacré et ne con- tiennent pas trace de liquide. Au contraire, les fines ramifi- cations qui partent de ces gros troncs sont remplis de liquide rouge ; la base, l'origine des gros troncs est elle-même enva- hie.
Expérience 6. — Même expérience que la précédente, mais suivie avec plus de soin, de manière à en distinguer les diverses phases et à en mieux analyser les résultats.
A 9 h. 35, la larve est placée dans un mélange d'huile d'oUve, d'éther, d'alcool et de cyanine. Cette dernière colore le mélange en bleu intense.
10 h. 35 : la larve réagit encore très vivement dès qu'on la touche.
INSECTES AQUATIQUES 347
2 h. 30 : la larve réagit encore et a même des mouvements spontanés.
y heures du soir : la larve est immobile. On la laisse dans le liquide. On la dissèque le lendemain matin à 9 heures.
Ici encore, on constate que les troncs trachéens principaux ne sont nullement envahis sur leur continuité. La base seule est remplie de liquide bleu.
Celui-ci est locaUsé dans la plaque de chitine spongieuse, dans l'atrium et dans les vésicules trachéennes qui se trouvent greffées à l'origine des grosses trachées coniques.
Ceci doit nous arrêter un instant.
Nous avons décrit en traitant de la partie anatomitpie deux sortes de cellules.
P Les cellules adipeuses situées dans la partie antérieure du corps ;
2'' Les cellules trachéales colorées en rouge et situées dans la partie moyenne et postérieure.
En réalité, quand on y regarde de plus près, on voit qu'il y a une troisième sorte de cellules semblable comme disposition anatomique à la cellule trachéale, mais en différant essentielle- ment par ce fait, qu'elle ne possède pas de pigment rouge.
Cette troisième forme paraît avoir complètement échappé aux auteurs qui ont étudié ces larves. Les cellules qui la com- posent, reconnaissables, comme je l'ai dit, à leur couleur blan- che, sont insérées tout à fait à l'origine des grosses trachées coniques, contre le diaphragme d'origine des trachées (cl. tr2, fig. 21, pi. III). Les petits trous dont sont perforées les parois des trachées coni(pies à leur base, ne sont que les insertions des petites trachées qui vont se rendre à ces cellules pour s'y ramifier et s'y épuiser en capillaires (p.p., fig. 24, pi. IV.)
Chose curieuse, ce sont uniquement ces cellules dépourvues de pigment, ces vésicules blanches qui sont envahies par le liipiide bleu. C'est même ce fait qui a attiré mon attention sur elles. Et même, quand on y regarde de près, on voit que le pédicule de la vésicule, la petite trachée conique est vide du
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liquide bleu. Celui-ci s'est localisé uniquement à l'intérieur des capillaires de la cellule (fig. 18, pi. III).
Nous retrouvons ici encore le même phénomène si souvent observé : la grosse trachée s'est vidée dans la petite, et à son tour, la petite s'est vidée dans le lacis des caijillaires. Le résul- tat final est que la grosse trachée reste perméable ; c'est là le point important.
Des expériences analogues aux précédentes et que je ne rap- porterai pas en détail, permettent d'établir que l'appareil stig- matique présente encore un degré de perfectionnement bien plus grand.
Si une petite goutte de Hquide gras est déposée ou arrive au contact des fentes stigmatiques, elle les envahit et arrive sur la plaque de chitine spongieuse. INIais nous avons vu que les mailles de celle-ci n'ont pas toutes les mêmes dimensions : les grandes mailles se trouvent en face des fentes stigmatiques, les petites dans l'intervalle de ces mêmes fentes (fig. 27, pi. IV, a et b.).
Il résulte de cette disposition que le liquide introduit va se localiser dans V intervalle des fentes et que ceUes-ci restent im- perméables. Si le liquide augmente de quantité, on constate l'envahissement successif de Vanneau de chitine poreuse, puis des vésicules situées à la base des trachées coniques. C'est tou- jours le même principe qui est en jeu : un espace capillaire rempli de liquide se vide dans un espace de calibre plus petit.
Le résultat final est que les voies d'accès de l'air restent tou- jours perméables. En particuUer, les troncs trachéens intesti- naux et longitudinaux qui prennent leur origne au miheu du diaphragme ne sont pratiquement jamais envahis.
Quant à la cause de la pénétration du liquide éthéré, malgré la présence de la bourse stigmatique, son exphcation est évi- dente et nous la connaissons déjà par ce qui précède, je ne fais que la rappeler.
Les lèvres de la bourse stigmatique sont « mouillables » par
INSECTES AQUATIQUES 340
l'eau. Quand elles sont adossées l'une à l'autre, elles préservent efficacement la plaque stigmatique contre l'arrivée de l'huile ; mais si la larve est plongée dans un mélange d'huile et d'éther, ce liquide s'avance de proche en proche sur la surface des lèvres, car il prend la place de l'eau en vertu de sa faible tension super- ficielle ; il arrive donc finalement au contact de la plaque stigmatique qu'il envahit. Ce mécanisme exphque la lenteur relative de l'action du liquide oléo-éthéré f[ui doit parcourir tous les replis de la bourse préstigmatique. Il exphque également la nécessité d'employer un lic^uide assez riche en éther. Je me suis assuré, en effet, que dans l'eau saturée d'éther (1), il n'y avait presqu 'aucune pénétration de hquide dans le système trachéen, même au bout de vingt-sept heures de séjour.
Nous aurons prochainement à faire l'application de ces données.
Pénétration de liquide renfermant des 'particules en suspen- sion :
Jusqu'ici, nous n'avons envisagé que des liquides limpides. Qu'arrive-t-il lorsque l'huile, l'eau de savon ou le liquide oléo-éthéré renferment des particules sohdes?
P Si les particules ne sont pas très fines, elles sont arrêtées au niveau de la surface externe du stigmate ; le grillage formé par les prolongements chitineux jaunâtres suffit pour les empê- cher de pénétrer dans les voies respiratoires ;
20 Si elles sont très fines (granules de noir de fumée, de car- min broyé finement, bactéries de faible dimension), elles fran- chissent l'ouverture du stigmate, mais jamais on ne constate leur présence au delà de la placjue de chitine poreuse ; jamais on ne les rencontre, par exemple, dans les vésicules trachéennes où le liquide qui servait de véhicule (huile, hquide oléo-éthéré) arrive incolore.
Après avoir déposé une ou deux gouttes d'huile au noir de fumée directement sur la plaque stigmatique, on dilacère quelc^ues fragments de la plac£ue de chitine spongieuse et là,
(1) L'eau était saturOo par uno loiipiio agitation et une rnurlio (i'rll'or oxistait à la surface.
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collés sur les travées de chitine jaune, on voit les granules de noir de fumée. Ils ne sont pas répartis uniformément, mais bien par groupes (fîg. 22, pi. III).
Si on ajoute de lether au mélange d'huile et de noir de fumée, la pénétration des granules se fait d'une manière beaucoup plus massive (fig. 23, pi. III).
Les mêmes faits s'observent lorsqu'on dépose sur la plaque stigmatique une culture de bactéries dans un mélange de bouil- lon et d'eau de savon.
En somme, la plaque de chitine poreuse joue tout à fait le rôle d'une plaque ou d'une bougie filtrante semblables à celles qu'on emploie dans les laboratoires de bactériologie. Elle arrête les particules solides par une action capillaire identique à celle qui s'exerce dans ces appareils.
Quel est le sort des particules inertes ou des microorganismes ainsi immobilisés dans les mailles de chitine ? J'avoue que je n'ai pu me faire une opinion absolument ferme à ce point de vue.
Il y a cependant un fait certain, c'est que si on place dans de l'eau propre une larve dont la plaque de chitine poreuse a été souillée de noir de fumée (les téguments et la bourse stigma- tique ayant été soigneusement nettoyés), on trouve le lendemain et les jours suivants de nombreux granules noirs qui ont été expulsés dans le liquide. Ils sont réunis en amas, accolés les uns aux autres, agglutinés par une matière visqueuse. En même temps, on constate par comparaison avec une autre larve sacrifiée aussitôt après la contamination que le nombre des granules renfermés dans la chitine poreuse va toujours en diminuant à mesure qu'on considère une époque plus éloignée de la contamination.
Quel est le mécanisme de l'expulsion de ces granules ? Il me semble très probable qu'il y a intervention des phagocytes qui envahiraient la plaque de chitine poreuse pour procéder à son nettoyage. Il m'a bien semblé voir de petits amas de leu- cocytes dans le voisinage des points où le noir ou bien les
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bactéries s'étaient localisés. Mais, étant donnée l'extrême fra- gilité de ces leucocytes, il m'a été impossible jusqu'à présent, d'obtenir des préparations absolument démonstratives.
Appareil stigmatique antérieur. — Il est encore mieux pro- tégé- que la plaque stigmatique de la partie postérieure. Situé au fond de l'invagination de chitine « mouillable », il ne peut être atteint par les corps gras.
Les solutions d'éther dans l'huile finissent par pénétrer jusqu'à lui par le mécanisme décrit (cheminement dû à la ten- sion superficielle faible), mais le phénomène se produit très lentement. En 12 heures, un mélange d'huile, d'alcool et d'étlier, n'a pu envahir les stigmates antérieurs. 11 faut 24 heures en moyenne pour que le stigmate soit atteint.
Cela tient bien à la protection que lui offre l'entonnoir de chitine au fond duquel il est situé, car, chez la larve d'Erislalis, où il se trouve à découvert, il est très rapidement envahi par les corps gras.
Il est inutile d'insister sur les autres particularités de l'appa- reil stigmatique antérieur ; ce qui précède, nous jjermet de comprendre immédiatement leur rôle physiologique (1).
Les multiples boutonnières stigmatiques distribuées à la sur- face de l'organe ne pourront être toutes obturées par des corps solides ; l'appareil restera donc perméable.
Les liquides eux-mêmes capables de mouiller sa chitine ne pourront se localiser sur les boutonnières stigmatiques ; ils seront « pompés » par le tissu spongieux intérieur. Celui-ci jouera également le rôle de filtre pour les très fins granules qui auraient pu franchir l^s petites fentes stigmatiques.
Perméabilité des stigmates à la pression.
Nous avons réservé pour l'exposer ici, une série de recherches faites au cours de ce travail sur les différents types étudiés, touchant l'influence de la pression sur la pénétration du li(|uide
(1) Je rappelle que l'appareil n'entre en jeu qu'au moment de la transformation en nyiii])he ; il se dévagiue alors et se met en relation avec l'atmosphère.
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par les orifices stiematiques. La raison de ce choix apparaîtra clairement dans ce qui va suivre :
1° Question à résoudre. — Nous sommes comme précédemment arrivés à cette conclusion, que si chez un insecte aquatique, muni de stigmates et immergé dans l'eau, ce liquide ne pénétrait pas ces orifices, cela tenait à la qualité physique de la chitine entou- rant le stigmate ; l'eau est repoussée par la présence de la chitine hydrofuge.
Il y a un moyen de vérifier l'exactitude de cette théorie.
Soit, en effet, un tube capillaire de verre plongeant dans du mercure. Celui-ci ne mouillant pas le verre subira au niveau du tube une dénivellation qui est fonction de sa tension super- ficielle. Supposons que nous exercions à la surface du mercure une pression croissante, il arrivera un moment où le mercure sera injecté dans le tube capillaire (1).
Si la théorie prpposée est vraie, il doit être j)ossible de faire pénétrer un liquide quelconque, de l'eau, par exemple, à travers les orifices stigmatiques, en exerçant une jDression suffisante sur le Uquide qui entoure l'animal.
Passons donc aux expériences :
Expérience 1. — Trois larves de Gastrophilns sont plongées dans l'acide chlorydrique à 3 pour 1000. On les comprime au moyen de l'appareil Cailletet à 300 atmosphères pendant une demi-heure.
Pression et décompression sont opérées brusquement.
Résultat. — Les trois larves sortent de l'appareil en parfaite santé.
Expérience 2. — Les mêmes larves sont comprimées aussitôt après dans le même Hquide à l'énorme pression de 600 atmos- phères pendant une demi-heure.
Résultat. — Les trois larves sortent un peu flasques. Le len- demain, deux des larves sont vivantes, la troisième est morte.
Expérience 3. — On opère cette fois sur une larve de Tàbaniis.
(1) On conçoit niPino qu'il y ait là un moyen de mesure de lu tension superficielle du li<|ui('.c.
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C'est une larve qui a à peu près la taille de celle de Gasfro- philus et dont les gros stigmates postérieurs peuvent également être cachés sous des replis des téguments.
La compression a lieu dans l'eau. On monte jusqu'à 800 at- mosphères ; mais la pression n'est maintenue que pendant une minute.
La larve sort en parfaite santé de l'appareil à compression.
Interprétation de ces premiers résultats.
Essayons d'interpréter ces résultats. Au premier abord, ils sont faits pour surprendre, mais à la réflexion, on se les explique facilement.
Il va sans dire que nous n'allons pas conclure de ces résul- tats qu'une pression de 600 ou même de 800 atmosphères est incapable de vaincre l'obstacle à la pénétration du liquide à l'intérieur du système trachéen.
Remarquons d'abord que si nous négligeons l'effet dû à la capillarité et si nous supposons les tubes trachéens s'ouvrant à la surface de la larve ; si nous nous rappelons que ceUe-ci est constituée par des fluides de même compressibiUté que l'eau environnante, nous concluons qu'au moment de la compression, l'eau ambiante devra pénétrer dans le système trachéen, comme elle pénétrerait dans un manomètre à air œmprimé (1).
Or, c'est ce qui certainement n'a pas lieu dans notre expé- rience. Si, en effet, l'acide chlorydrique avait pénétré à l'inté- rieur du système trachéen, si peu que ce soit, les larves d'Oestre, auraient très rapidement succombé.
Quel est donc l'obstacle qui s'est opposé à la pénétration du lic(uide. Il vient immédiatement à l'esprit que ce doit être la bourse stigmatique.
(1) En supposant bien entendu que les trachées soient cylindriques et conservent le même dia- mètre sur toute leur longueur. En rf'alité, le phénomène est beaucoup plus complexe, car la paroi du corps de l'insecte n'est pas rigide, elle se laisse déprimer. L'exposé complet du fait envisagé au point de vue physique m'entraînerait trop loin. Qu'il me suffise de dire que le mode de fermeture de la bourse stigmatique, analogue :\ celle d'un cuir embouti, joue ici un rie prépondérant.
L
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Les expériences suivantes vont nous confirmer dans cette opinion.
Expérience 4. — On opère sur des larves de mouche bleue {Calliphora vomitoria). On sait qu'ici les stigmates sont à nu, ou tout au moins très incomplètement protégés par un repli des téguments.
Les larves comprimées à 300 atmosphères dans le chlorure de sodium à 7,5 pour 1000 sortent presque inertes ; quelques heures après elles sont mortes.
Une pression de 600 atmosphères dans le même liquide amène une mort très rapide.
Expérience 5. — On opère sur de petits Dytiscides à l'état parfait. Ici, les stigmates sont directement accessibles à l'eau ambiante. Une pression de 300 atmosphères est néfaste pour eux. Même résultat avec une chenille de Lépidoptère {Bombyx quercus.).
Expérience 6. — Cette expérience va porter sur une larve apneustique, c'est-à-dire absolument dépourvue de stigmates.
Trois larves de Ckironomus sont comprimées dans l'eau ordi- naire à 600 atmosphères. On maintient cette énorme pression pendant une heure (1).
Au sortir de l'appareil, les larves sont inertes ; mais au bout de quelques minutes, elles commencent à donner signe de vie. Au bout de quelques heures, elles ont repris leur allure nor- male.
La même expérience est recommencée sur trois autres larves de Chironomus. Cette fois, on atteint la pression de 800 atmos- qjJières qu'on maintient pendant 20 minutes. Les larves sortent complètement flasques, mais elles commencent à montrer quelques mouvements au bout de trois quarts d'heure. Au bout d'une heure, elles sont très vives. On les conserve en parfaite santé au laboratoire pendant trois semaines.
Reîïiarque. — Au sortir de l'appareil de compression, ces
(I) Je dois b. l'obligeance de Mlle G. Callery les expériences de compression des larves de Ctilli- phora et do Chironomus. Je lui en exprime mes sinc(*res remerciements.
INSECTES AQUATIQUES 355
larves présentaient de nombreuses biiUes d'air entre leurs or- ganes au milieu du liquide de la cavité générale. J'avoue ne pouvoir m'expliquer le mode d'apparition de ce gaz libre chez cette larve dépourvue de trachées et comprimée dans de l'eau ne contenant que des gaz dissous.
Résultats généraux de Vaction de la pression sur les insectes
aquatiques.
Des expériences précédentes, il résulte à l'évidence que les insectes soumis dans l'eau à une pression croissante, résistent d'autant mieux que leurs stigmates sont mieux protégés contre le contact du liquide environnant.
La résistance est maxima pour les larves apnevstiques (Chironomus). La résistance minima pour les insectes à stig- mates découverts (Coléoptères adultes, chenilles de Lépidop- tères). Les larves du Gastrophilus possèdent une résistance intermédiaire ; leurs stigmates sont déjà fort bien protégés par la bourse stigmatique.
Une seconde conclusion à tirer de ces recherches, c'est que la méthode expérimentale employée est mal appropriée à l'étude de la question, dont nous cherchons la solution.
Il est évident, en effet, que la pression nécessaire pour vaincre l'obstacle capillaire de la pénétration de l'eau ordinaire dans le système capillaire doit être beaucoup plus faible que les pres- sions employées.
J'avoue que j'ai cherché longtemps un moyen pratique de résoudre expérimentalement le problème posé. J'ai fini par trouver un procédé bien simple qui est le suivant.
Technique définitive. — On prend une larve de Gastrophilus. On seotionne la partie antérieure de l'animal (les deux pre- miers anneaux, par exemple). On retourne alors la larve comme un doigt de gant, en pressant avec une pointe mousse sur la partie postérieure. Le diaphragme d'origine des trachées se présente maintenant à découvert à une extrémité de l'animal.
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On sectionne toutes les trachées qui en partent et restent béan- tes. On introduit une canule à l'intérieur de la larve retournée, on lie avec soin la larve sur la canule. On injecte alors par la canule le liquide à étudier. Celui-ci arrive en contact avec la surface externe de la larve (devenu interne par retournement), il vient presser sur la face externe de la plaque stigmatique et tend à pénétrer dans le système trachéen. En mettant d'autre part la canule en relation avec un manomètre, on peut facile- ment mesurer la pression sous laquelle le liquide est injecté à un moment donné.
On examine d'autre part les trachées au microscope binocu- laire et on note la valeur de la pression, au moment où le liquide coloré parvient dans ces tubes capillaires.
On voit que, pour la réalisation de cette expérience, l'insecte choisi doit avoir des téguments assez mous pour qu'on puisse le retourner d'une manière complète. C'est la raison pour laquelle nous avions réservé l'étude de cette question jusqu'à présent. Tous les insectes étudiés jusqu'ici possédaient des téguments beaucoup trop rigides pour suliir sans se briser la manipulation l^récédente.
Application des notions acquises. Destruction in vivo des larves d'Oestre et d'une manière générale de tous les trachéates endo- parasites.
Les observations et expériences précédentes nous ont permis de nous faire une idée précise des moyens que possèdent les lar- ves d'Oestre pour vivre pendant presque un an dans des con- ditions qui seraient fatales à brève échéance à la plupart des insectes ou de leurs larves.
Connaissant le plan de la forteresse, nous devons être bien préparés pour lui donner assaut. Il y a là, en quelque sorte, un critérium de l'exactitude de la théorie que nous avons adoptée.
Intérêt de la question. — Les vétérinaires ne semblent guère
INSECTES AQUATIQUES 357
d'accord sur le degré de gravité des accidents produits par les larves d'Oestre [Gastrophilus) dans l'estomac du Cheval.
Bracy-Clark (1) y voyait un excitant salutaire une sorte de cautère qui devait activer la nutrition de l'animal. Cliabert pensait, au contraire, que les accidents les plus graves et la mort résulteraient presque fatalement de la présence de ces larves dans l'estomac des Chevaux,
La vérité semble être intermédiaire entre ces deux opinions extrêmes. Et d'ailleurs, plusieurs circonstances doivent être envisagées qui aggravent ou diminuent le pronostic.
C'est d'abord Vâge de l'animal. Les poulains paraissent souf- frir beaucoup plus que les adultes de la présence des larves dans leur tube digestif.
C'est ensuite le nombre des larves. Il est rare en France qu'un estomac de Cheval héberge plus d'une centaine de larves, mais dans d'autres contrées en Hollande et en Italie, par exemple, le parasite paraît être beaucoup plus abondant ; un même esto- mac peut en renfermer de 500 à 1000. La muqueuse est alors entièrement couverte par les larves, sa texture est absolument modifiée et l'organe est devenu impropre à tout acte digestif.
C'est enfin Vétat sanitaire de la région dans laquelle vit l'ani- mal. On a signalé des épidémies à porte d'entrée gastro-intesti- nale, très meurtrière pour le Cheval et dans lesquelles presque tous les animaux qui succombaient étaient porteurs de larves de Gastrophilus. Il semble bien évident que dans ce cas, les para- sites ont joué le rôle d'inoculateurs. C'est là une notion impor- tante de pathologie générale qui a été développée récemment par Metchnikoff et surtout par Guiart (1910, p. 403). Ce n'est point le lieu de décrire les symptômes et les lésions de la maladie.
Rappelons seulement que la perforation de l'estomac et une péritonite mortelle consécutive ne sont pas très rares chez les jeunes Chevaux.
On voit donc que la question présente un assez grand intérêt pratique. EUe semblera beaucoup plus importante à résoudre,
(1) Cité par JOLY (1846) p. 90.
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si on veut bien réfléchir que la solution sera sans doute valable pour toutes les larves d'insectes endoparasites, pourvues de stigmates, car ceux-ci sont toujours beaucoup moins protégés que ceux de nos larves de Gastropliilus.
Les progrès de la parasitologie montrent chaque jour que le nombre et l'abondance de ces larves est plus considérable qu'on ne l'avait cru tout d'abord, et que la pathologie humaine doit elle-même sérieusement compter avec ces hôtes dangereux, soit par eux-mêmes, soit surtout, comme véhicules et agents d'inoculation d'infections plus ou moins graves.
Voyons donc rapidement de quels moyens on disposait jus- qu'à présent pour lutter contre ces parasites.
Essai de destrîictio7i des larves d^Oestre par les anciens auteurs.
JoLY (1846, p. 101) est un des auteurs qui ont essayé de traiter la question avec quelque méthode.
Voici, rangées par ordre d'activité, les substances qu'il conseille d'employer :
P l'huile empyreumatique ;
20 l'alcool ;
30 l'huile d'olives ;
40 la potion d'aloès et de sulfate de soude ;
4P l'eau ordinaire ;
5P l'eau saturée de sel marin ;
6'' l'huile de ricin.
Mais Joly n'accorde lui-même qu'une confiance bien mé- diocre à ses moyens thérapeutiques. Des larves plongées entiè- rement dans l'huile empyreumatique ont encore vécu pendant huit heures, et il avoue que, malgré l'emploi de la médication indiquée « les larves d'Oestre non seulement survivent, mais « encore restent attachées à la membrane interne de l'estomac. »
Joly a donc une tendance à se rattacher à l'opinion de quel- ques vétérinaires qui conseillent de combiner « l'huile de Dippel « avec l'éther sulfurique, dans l'idée que l'évaporation de cette « dernière liqueur, dans la cavité stomacale, pourrait, en quel-
INSECTES AQUATIQUES 359
« que sorte griser les larves, les empêcher de veiller à leur con- « servation, et les rendi'e encore plus attaquables par l'huile « animale »,
D'après l'étude à laquelle nous nous sommes livrés, il est évident que l'emploi du liquide oléo-éthéré est « logique )\ puique l'addition d'éther favorise singulièrement la pénétra tion de l'huile. Mais dans ce cas, les résultats obtenus in vitro ne sauraient être brutalement appliqués in vivo. On sait, en effet, ainsi que Cl. Bernard l'a montré, que la volatilisation de l'éther peut amener à l'intérieur du viscère une pression telle qu'il se rompt. Cet accident serait d'autant plus à craindre chez le Cheval, animal chez lequel les régurgitations sont pres- que impossibles.
Raillet (1895) abordant le traitement de la maladie des Oestres avoue que :
« Lorsque les larves ont pénétré dans le tube digestif et s'y (c sont fixées, il est à peu près impossible de les éliminer. Les (( vétérinaires, depuis longtemps, ont reconnu que les purgatifs « et les anthelmintiques les plus énergiques demeuraient à c( peu près sans action sur ces larves... Elles ne succombent (( que dans des Hquides ou des gaz que l'organisme du Cheval « serait incapable de supporter. »
GuiAET (1910, p. 539), indique une potion composée de pou- dre de pjrrèthre, d'eau bouillante et de sirop d'écorces d'oranges amères. Mais, bien qu'il s'agisse surtout d'atteindre des larves de mouches beaucoup moins protégées que celles de Gastro- philus, l'auteur ne se porte nullement garant de l'efficacité du remède qu'il indique.
Nous arrêterons ici ces citations ; elles me paraissent ample- ment suffisantes pour prouver que jusqu'ici les vétérinaires et les pathologistes s'avouent désarmés contre les larves d'insectes endoparasites (1).
(1) Il est bien entendu que je n'entends nullement traiter ici à fond cette question. Je n'ignore pas qu'on a beaucoup plus facilement raison des larves de Diptères ordinaires (Sarcophaga, An- thomya, Piophila, etc.) que des lar\-es d'Oestre.
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Etude de différents agents chimiques sur les larves de Gastrophilus. Essai méthodique de destruction.
Expérience 1. — Comparaison de l'eau pure et des solutions diluées d'acide chlorydrique.
29 avril. — Un grand nombre de larves de Gastrophilus equi
sont rapportées des abattoirs, détachées de la muqueuse, lavées
dans l'acide chlorydrique à 1 pour 1000 et divisées en deux
lots qui seront tous deux conservés dans l'étuve à 38 degrés.
pï" Lot. — 42 larves sont placées dans H Cl à 1 pour 1000.
Au bout de 5 jours 96 pour 100 sont vivantes
_ 8 — 81 — —
_ 13 _ 60 — —
— 20 — 40 — —
2*^ Lot. — 16 larves sont placées dans l'eau ordinaire. Au bout de 5 jours 25 pour 100 sont vivantes _ 8 — 6 — —
— 13 — 0 — —
Ainsi, les larves survivent beaucoup plus longtemps dans une solution diluée d'acide chlorydrique que dans l'eau pure.
Expérience 2. — Même expérience que précédemment, mais on compare l'eau ordinaire à l'acide chlorydrique à 1,5 pour 1000.
La différence s'accentue encore, les larves vivant beaucoup plus longtemps encore dans cet acide moins dilué.
Ainsi, au bout de 8 jours, il y a une survie de 100 pour 100.
Au bout de 20 jours, il y a une survie qui dépasse 60 pour 100. alors que toutes les larves placées dans l'eau pure sont mortes depuis longtemps.
Cette condition très favorable créée par le milieu acide est un fait bien remarquable. Il y a là un phénomène d'adaptation qui semble bien en rapport avec la physiologie de l'estomac du Cheval.
En effet, Ellenberger (1890) « a constaté que lorsqu'un « nouveau repas va commencer, il subsisterait encore dans
INSECTES AQUATIQUES 361
« l'estomac quelques aliments du repas précédent, quand « même l'intervalle qui séparerait les repas serait de vingt- « quatre heures. » (1).
L'auteur ne dit pas que le contenu de l'estomac reste cons- tamment acide, mais, d'après les lignes qui précèdent, il semble bien qu'il en soit ainsi.
Ainsi, voici un fait bien établi : à la température de 38 de- grés (2), les larves de Gastrophilus ne peuvent pas vivre plus de quelques jours dans l'eau ordinaire contaminée. Elles vivent, au contraire, beaucoup plus longtemps (jusqu'à un mois), dans les solutions d'acide chlorydrique faible, par exemple, d'un titre voisin de celui du suc gastrique.
Essai méthodique de destruction. — Ces expériences prélimi- naires étant faites, il nous faut maintenant aborder de face le problème de la destruction in vitro et in vivo de nos larves. Essayons de procéder méthodiquement en mettant en œuvre les principaux faits expérimentaux que nous avons établis.
Voici les conditions que doit remplir le liquide qui envahira le système trachéen et causera la mort de l'insecte.
Il doit mouiller la chitine ordinaire et aussi la chitine hydro- fuge et cela en milieu acide ; il doit enfin posséder une tension superficielle très faible, afin de s'insinuer dans les replis de la bourse stigmatique par le mécanisme indiqué et de gagner de lui-même la plaque stigmatique qu'il franchira ensuite en raison d'une de ses autres qualités.
La réunion de ces différentes conditions élimine beaucoup de liquides avantageux pour la destruction des insectes ordi- naires.
C'est ainsi que les corps gras et les essences ne peuvent être utilisés ; ne mouillant pas la bourse stigmatique, ils ne peuvent arriver jusqu'à la plaque et nous avons bien vu que les larves peuvent vivre fort longtemps complètement immergées dans l'huile.
(1) Cité ^axArloing. Dictionnaire de Physiologie de Ch. Richet, Article Cheval p. 400.
(2) Température interne du Cheval.
AKCH. PE 7001. EXP. ET QÊV. — 5» SÉRIE. — T. TIII. — (II). 24
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P. PORTIER
Les solutions savonneuses sont à rejeter pour une autre raison ; elles ne sauraient agir en milieu clilorydrique puisqu'elles y sont décomposées.
Le milieu éthéré doit réussir, car il satisfait à toutes les conditions requises.
Certaines expériences déjà citées, nous ont montré, en effet, que l'huile éthérée envahissait rapidement le système trachéen.
Voici un essai de destruction tenté dans cette voie.
On prépare les flacons suivants :
A. Suc gastrique artificiel ( 1 ) ,
B. Suc gastrique artificiel. Teinture de pyrèthre .
C. Suc gastrique artificiel Teinture de pjrrèthre . Ether
50 cent, cubes 50 —
5 —
50 cent, cubes
5 —
5 —
Dans chacun des flacons, on place quatre larves : deux grosses et deux jeunes n'ayant encore que deux fentes stigmatiques à la plaque postérieure. Le tout est placé à 35 degrés.
Résultats. — Après 43 heures de séjour à l'étuve, on constate que dans :
A. Toutes les larves sont vivantes.
B. Les deux grosses larves sont vivantes, les deux petites mortes.
C. Les quatre larves sont mortes (les deux grosses présentent une très faible réaction musculaire quand on les excite violem- ment ; cette réaction cesse de se produire quelques heures après).
Ainsi : P Les jeunes larves sont beaucoup plus sensibles aux agents toxiques que les grosses.
2^ L'éther a certainement hâté la pénétration du poison dans le système respiratoire.
Remarquons que les résultats obtenus ne sauraient d'ailleurs
(1) Macération 'le muqueuse hachée d'estomac de porc dans l'acide clilorydrique à 3 pour 1000.
g- INSECTES AQUATIQUES 363
nous satisfaire pour plusieurs raisons. D'abord, parce que l'intoxication est encore trop lente, puisque ce n'est qu'au bout d'une quarantaine d'heures qu'elle atteint les grosses larves ; ensuite et surtout parce que le procédé serait d'une application impossible in vivo. Il exige une trop forte proportion d'éther, ce qui amènerait chez le Cheval des acci- dents extrêmement graves, et d'autre part, l'éther fût-il capable d'agir en plus faible proportion, le procédé ne saurait encore convenir, l'éther disparaissant rapidement de l'estomac par volatilisation et absorption.
Dans ces conditions, il devenait nécessaire de chercher une autre solution au problème.
D'après ce que nous avons vu précédemment, les solutions de bile semblent bien devoir satisfaire à toutes les conditions imposées. Il nous faut cependant vérifier qu'elles sont bien capables de « mouiller » la cliitine hydi'ofuge même en milieu acide.
Il est facile de s'assurer de ce fait, en plongeant des insectes aquatiques dans un mélange de : une partie de bile pour 90 parties d'acide chlorydrique à 1 pour 1000.
Dans un tel liquide, l'appareil trachéen des insectes et de leurs larves est envahi aussi rapidement que dans le mémo mélange de réaction neutre.
L'expérience suivante prouve que la bile a, par elle-même, une action néfaste sur les larves de Gastrophilus.
Des larves placées à 38 degrés vivent :
A. Dans la bile de bœuf pure 48 heures .
B. Dans un mélange de 20 centimètres cubes
de bile et 100 centimètres cubes d'eau
ordinaire 3 jours.
C. Dans un mélange de 20 centimètres cubes
de bile et de 100 centimètres cubes d'a- cide chlorydrique à 1,5 pour 1000 3 à 10 jours.
D. Dans l'acide chlor3^drique à 1,5 pour 1000
de 8 à 15 jours.
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Ainsi, il ne semble pas douteux que le contact de la bile soit néfaste pour les larves de Gastrophilus.
Cette constatation m'a amené à faire la remarque suivante qui avait, ce me semble, jusqu'ici échappé aux zootechniciens et aux vétérinaires.
Voici ce dont il s'agit :
Les animaux qui hébergent d'une manière habituelle dans leur estomac des larves de Gastrophilus, sont : le Cheval, l'Ane, le Zèbre, l'Eléphant, le Rhinocéros et le Chameau. Et d'autre part, la liste des Mammifères monogastriques qui ne possèdent pas de vésicule biliaire est identique à la précédente (1). Dastre, (1897, p. 146). 11 me semble, surtout si on veut bien tenir compte de ce qui précède, qu'il y a là plus qu'une simple coïncidence. Il n'est peut-être pas téméraire de supposer que chez les ani- maux porteurs d'une vésicule biliaire, la bile peut, à un moment donné, refluer abondamment dans l'estomac, venir en quelque sorte inonder les parois de ce viscère et faire subir aux larves fixées sur elles une action d'autant plus néfaste qu'elles seront plus jeunes.
Il y a là, semble-t-il, un mécanisme de défense qui ferait défaut chez les animaux dépourvus de vésicule. Les Gastro- philus se seraient adaptés à peupler cette « place vide ».
Je n'ignore pas que la théorie que je propose est passible de quelques objections. Et d'abord, on a signalé la présence de larves d'Oestre dans Vintestin du Cheval ; une des espèces doit même son nom à cet habitat {Gast. duodenalis Schwab.), mais il semble bien d'après les dires des auteurs compétents que cette larve se localiserait dans le duodénum, immédiate- ment à la sortie de Vestomac, on un point, par conséquent, où il est possible que la réaction reste toujours plus ou moins acide, et où la bile ne puisse jamais parvenir.
D'autre part, Raillet (1894, p. 541) a réuni plusieurs obser-
(1) Il faut cependant remarquer que le Tapir ne possède pas de vésicule biliaire; on n'a pa encore, que jo sache, signalé de larve de (Jastro/ihiliia dans son estomac, mais il serait nécessaire d'étudier l'animal à co point de vue.
INSECTES AQUATIQUES 365
vations de larves d'Oestre ayant envahi l'estomac du Blaireau, de la Hyène et du Chien.
Le même auteur relate dans le travail en question un certain nombre d'essais de contamination du Chien par des larves de Gastrophilus, provenant de l'estomac du Cheval.
Il arrive à cette conclusion que cette contamination est « possible » ; c'est exact, mais la lecture attentive de la rela- tion de ses expériences montre qu'elle n'est qu' « exception- nelle ». Le plus grand nombre des larves ingérées est rejeté presque immédiatement et une grande partie des autres est éliminée les jours suivants avec les excréments. Sur une très grande quantité de larves introduites dans l'estomac de quatre Chiens, deux seulement ont persisté pendant quinze jours, dans l'intérieur du viscère. Evidemment, elles ne s'y plaisent pas et rien ne prouve qu'elles seraient capables d'y achever leur développement.
Il serait fort intéressant de reprendre ces expériences compa- rativement chez un chien normal et chez un autre animal, qu'on aurait privé de vésicule biliaire. J'espère pouvoir apporter prochainement les résultats d'expériences entreprises dans cette voie.
J'ai bien fait remarquer précédemment que tous les animaux considérés étaient inonogastriques. Il existe aussi des types poly gastriques dépourvus de vésicule biliaire. Ceux-ci ne sont point habituellement envahis par les larves d'Oestre, mais sans doute pour une autre raison. Nous avons vu, en effet, que ces larves semblaient exiger dans le milieu qui les entoure une réaction acide permanente ou tout au moins très fréquente. Il est donc probable que les jeunes larves arrivant dans le premier compartiment des estomacs polygastriques des rumi- nants succomberaient rapidement dans ce milieu neutre et très contaminé.
Addition de substances antiseptiques à la bile. — La bile exerce une action nocive sur nos larves, le fait n'est pas dou- teux, mais pour amener la mort, le séjour dans ce Uquide
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doit être encore d'assez longue durée. Ne pourrait-on de beau- coup raccourcir le contaot en incorporant à la bile une substance nocive pour l'insecte et peu toxique pour la larve?
C'est la question que je me suis posée et que j'ai essayé de résoudre par quelques expériences. Voici de quelle manière elles ont été conduites : Chaque larve était placée dans un tube à insecte, contenant 15 centimètres cubes de bile de bœuf à laquelle on ajoutait un nombre variable de gouttes ( 1 à 5) d'essences diverses. Les tubes étaient conservés à 38 de- grés.
Résultats. — Ils sont inattendus. En effet, certains produits abrègent considérablement la durée de la survie de la larve dans la bile. Il en est ainsi pour l'essence d'ail, pour le sulfure de carbone, mais surtout pour l'essence de moutarde. Celle-ci amène la mort complète en deux heures environ ; mais, en réalité, l'action de cette essence est encore plus avantageuse, car une larve qui a séjourné moins d'une heure dans la bile additionnée d'essence de moutarde et qui est ensuite reportée dans l'acide chlorydrique à 2 pour 1000 ne tarde pas à suc- comber.
Il est donc probable que in vivo des larves auraient subi pen- dant quelque temps l'action de ce liquide, se détacheraient de la muqueuse et seraient expulsées les jours suivants.
Le procédé est-il pratique? L'ingestion de bile de bœuf additionnée d'essence de moutarde, parviendrait-elle à débar- rasser le cheval des larves qui encombrent son estomac, sans produire de lésions graves de la muqueuse et sans amener de phénomènes d'intoxication?
Je serais assez disposé à le croire, mais l'expérience seule peut décider.
Des considérations d'ordre pratique m'ont empêché jusqu'à présent de la réaUser. Je dois dire d'ailleurs que je ne le regrette pas outre mesure, car, la suite de ces recherches m'a incité à poursuivre mes essais dans une voie latérale que je crois meil- leure.
INSECTES AQUATIQUES 367
J'ai dit, en e£fet, précédemment que certains résultats étaient inattendus.
En effet, à l'encontre des substances qui accroissent l'effet nocif de la bile, il en est d'autres qui diminuent cette toxicité, qui prolongent la vie de la larve dans la bile. Je citerai les essences d'Anis et d'Eucalyptus, les aldéhydes benzoïque et salicylique et probablement encore beaucoup d'autres pro- duits.
Comment expliquer ce résultat paradoxal? La réponse est facile si l'on étudie le mécanisme de la mort des larves plon- gées dans la bile pure ou même dans l'eau. On voit, en effet, que ces insectes sont rapidement envahis par des champignons inférieurs, des Mucédinées. La bile sert sans doute de véhicule aux spores, les introduit dans les replis de la bourse stigma- tique, les amène peut-être au contact de la plaque stigmatique ou même à l'intérieur du système trachéen. Ces spores ne tardent pas à germer et peu de jours après la mort, on voit sortir de longs filaments au niveau des fentes stigma- tiques.
Dans les mêmes liquides additionnés des substances pré- cédemment citées, l'envahissement par les champignons n'a pas Ueu ; les essences d'Anis ou d'Eucaljrptus, les aldéhydes ont joué le rôle d'antiseptiques, ont détruit les spores ou tout au moins ont empêché leur germination ; elles suppriment donc une des causes de la mort de la larve, celle qui est d'ordre infectieux ; quant à la seconde cause, celle qui est d'ordre toxique, elle subsiste et finit par entraîner la mort de la larve,
La constatation de ces faits inattendus m'a suggéré l'idée d'essayer de détruire les larves d'Oestre, en incor- porant à la bile des spores de champignons entomophyles. Il semble, en effet, que ce procédé se rapproche beaucoup de celui qui intervient dans la nature pour la destruction de ces parasites. Il a d'autre part toute chance d'être inoffensif pour les hôtes qui hébergent ces larves, c'est là un argument de grande
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valeur. On voit que je suis' tout naturellement amené à une question de physiologie cryptogamique. Elle fait l'objet d'un second mémoire.
En résumé, l'appareil respiratoire des larves de Gastrophilus est parfaitement adapté aux conditions très spéciales et très défavorables dans lesquelles ces insectes vivent pendant pres- que un an.
1'' Il permet à ces larves de vivre et de croître (lentement à la vérité) dans un milieu très pauvre en oxygène.
Les cellules trachéennes semblent jouer le rôle de véritables branchies internes.
2° Au point de vue de la protection contre l'envahissement des corps gras et des microorganismes, l'appareil stigmatique des larves de Gastrophilus présente des qualités extrêmement remarquables. Les moyens mis en œuvre sont ceux que nous avons déjà rencontrés, mais développés et perfectionnés.
La connaissance exacte de ces phénomènes pouvait seule permettre d'aborder avec quelque chance de succès des essais de destruction in vivo de ces dangereux parasites.
Le liquide qui sera capable de surmonter successivement tous les obstacles accumulés en avant de l'entrée des trachées doit satisfaire à des conditions multiples. Il se trouve que la bile les remplit toutes.
Or, il est bien remarquable de constater que les animaux habituellement parasités appartiennent tous au type monogas- trique et sont tous dépourvus de vésicule biliaire. Il est donc probable que leur estomac ne peut être envahi par la bile re- fluant abondamment de l'intestin.
La bile a, par elle-même, une action néfaste sur ces larves.
L'addition d'essence de moutarde augmente beaucoup son efficacité.
L'addition de spores de champignons entomophiles à la bile donnera probablement des résultats encore meilleurs pour la destruction in vivo de ces larves.
INSECTES AQUATIQUES 369
Résumé et Conclusions générales
Première partie
Recherches sur la digestion des D/tiscides et Hydrophilides (larves et imagines).
P Les larves des Dytiscides ont subi dans la morphologie de leur appareil digestif une série de modifications qui abou- tissent à une adaptation étroite au milieu liquide.
Leur armature buccale dérive du type broyeur. Les mandi- bules seules bien développées se présentent sous la forme de deux crochets acérés creusés suivant leur longueur d'un canal capillaire.
Le tube digestif composé des trois parties habituelles pré- sente deux particularités importantes : présence de glandes dans l'œsophage, développement d'un énorme cœcum abou- tissant dans le rectum.
La larve se précipite sur toute proie mobile et lui enfonce ses crochets dans les tissus. Elle la paralyse d'abord par une sécrétion toxique (glandes œsophagiennes), puis lui injecte un liquide noirâtre (intestin moyen) riche 'en zymases.
Une digestion des tissus de la larve se produit in situ. La larve aspire le hquide enrichi de produits de digestion et procède à une nouvelle injection.
Les phénomènes d'injection et d'aspiration se répètent en alternant jusqu'à ce que tous les tissus mous aient été entiè- rement absorbés.
On a un appareil d'épuisement fonctionnant dans l'eau, mais sans communication avec ce milieu.
2P Les imagines du même groupe ont un appareil digestif très différent en apparence.
En réalité, le mécanisme reste le même que chez la larve.
Ij'épuisement des tissus se fait à l'intérieur du jabot ; les débris chitineux inutilisables sont rejetés au-dehors.
Parmi les zymases présentes dans le suc digestif de la larve et
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de l'imago, il faut signaler la présence d'une trypsine et, sans doute, d'une tyrosinase.
3° Chez les Hydrophilidés (larves et imagines), la bouche est restée perforée, l'armature du type broyeur est très développée. La proie maintenue entre les pièces buccales est imprégnée de suc digestif. Un début de digestion des tissus se produit encore in situ. Le phénomène est moins accentué et moins frappant que dans le cas précédent. La larve évite le contact de l'eau en soulevant sa tête et la recourbant en arrière, jus- qu'à toucher la partie dorsale qui sert de table. L'adaptation au milieu aquatique est moins parfaite que chez les Dytiscides.
Le cœcum (Dytiscides), l'ampoule rectale (larves d'Hydro- philides) sont des appareils de « lavage rectal ». Ils projettent au loin les résidus de la digestion ; la contamination de l'appa- reil stigmatique (voisin de l'anus) est ainsi évitée.
Chez les imagines des Hydrophilidés, le même résultat est obtenu par un moyen très différent (enrobement des résidus digestifs par une enveloppe sécrétée par l'intestin).
Deuxième partie
Recherches sur l'appareil respiratoire des insectes aquatiques et de leurs larves.
L'étude porte presque uniquement sur l'appareil stigmatique.
P La chenille de Nymphula stratiotata (Lépidoptère), appar- tient certainement au type afneustique. Tous ses stigmates, même ceux qui sont très apparents sont clos. Les échanges gazeux se font au moyen de branchies trachéennes.
2*^ Les larves d'Odonates nous offrent un type de transition. En dehors de leurs branchies trachéennes rectales, elles possè- dent des stigmates perméables.
Ceux des larves étaient tout à fait inconnus, ils sont très petits, situés ventralement à la jonction du meta- thorax et de l'abdomen. Ceux des nymphes, beaucoup plus gros, sont situés à la jonction du prothorax et du mçso- thorax. Bien que
INSECTES AQUATIQUES 371
perméables à l'air, ces stigmates ne se laissent pas pénétrer par les corps gras (mode de structure particuUer).
Ils paraissent servir surtout au moment de l'éclosion.
3" L'étude des insectes (larves et imagines) respirant unique- ment au moyen de stigmates révèle les faits suivants :
a. L'eau ne peut envahir le système trachéen, parce qu'eUe est arrêtée à l'entrée du stigmate par un anneau de chitine hy-
drofuge.
b. Les phénomènes respiratoires sont d'ailleurs inhibés par le contact de l'eau avec les bords du stigmate (arrêt réflexe).
c. Les corps gras et leurs solvants pénètrent dans le système trachéen. La cause de cet envahissement est dû au même phé- nomène capillaire qui s'opposait à la pénétration de l'eau.
d. Les larves aquatiques métapneustiques (Dytiscides, Hy- drophilides) présentent à la région postérieure du corps un appareil qui leur permet d'éviter la pénétration des corps gras. C'est une bourse prestigmatigue de «chitine mouillable » qui vient, au moment du besoin, recouvrir et protéger les stigmates. Ce mode de protection varie d'efficacité suivant les types consi- dérés.
e. Les insectes aquatiques résistent beaucoup mieux que les insectes terrestres à l'envahissement du système trachéen par les corps gras. Plusieurs mécanismes de défense intervien- nent dans ce cas (expulsion par chasse gazeuse, etc.) ; le prm- cipal de ces mécanismes appartient encore aux phénomènes capillaires. Le tube envahi se vide par capillarité dans un tube de section plus faible ou dans les mailles d'une substance spongieuse ; la perméabiUté des trachées principales se trouve
ainsi rétabUe.
/. Par exception, la chenille d'un genre de Lépidoptères (Hydrocampa) ne présente aucune des modifications décrites. Son appareil stigmatique peripneustique est normal. Elle s'est parfaitement adaptée au miheu aquatique en construisant un fourreau doublé de soie.
g. Le revêtement gazeux de certains insectes (Hydrophi-
372 r. rURÏIER
lidés, Hémiptères) tient à la présence de poils chitineux impré- gnés d'une substance hydrofuge et sans doute à la sécrétion d'un liquide doué de propriétés particulières (faible tension superficielle et forte viscosité).
4" Les larves de Gastrophilus qui vivent presque un an à l'in- térieur de l'estomac des Solipèdes ou des Pachydermes présen- tent une sorte de synthèse de tous les perfectionnements apportés à l'appareil respiratoire des larves aquatiques. Cette adaptation poussée jusqu'à ses dernières limites était seule capable de permettre à ces insectes de vivre dans un milieu aussi contaminé et si propre à envahir le système trachéen.
La connaissance approfondie de cet appareil si compliqué peut seule donner l'espoir de tenter avec quelque chance de succès la destruction de ces dangereux parasites.
Le liquide employé doit satisfaire à de multiples conditions. L'expérience prouve que la bile atteint complètement le but proposé.
Les animaux habituellement parasités par les larves d'Oestre sont précisément ceux qui ne possèdent pas de vésicule biliaire, tout en étant monogastriques.
La bile exerce une action nocive sur ces larves. Cette action est très accrue par l'addition de certaines essences (essence de moutarde).
Un mode de destruction dune efficacité plus certaine et d'une innocuité plus complète pour l'hôte consistera proba- blement à employer de la bile additionnée de spores de champi- gnons entomophiles.
//ilDEX BIBLIOGRAPHIQUE
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Explication des planches
PLANCHE T Larve de Dyticus. Proies digérées.
Pro. 1. Larve de Di/ticus mar(jinaîix. Intestin moyen. Coupe longitudinale. (I.C revêtement musculaire n'a pas été complètement figuré.) Ep : EplUieliuni intestinal; (H : Glandes en tube de l'intestin moyen ; M. l. : Muscles li)ngit«din.aux.
l'^Ki. 2. Une portion de la coupe précédente vue à un grossissement plus considér.iMe. Mêmes lettres que pour la figure 1.
Fio. 3. Sang de Chien soumis pendant vingt minutes à l'action du suc digestif de la larve de Dytique, a, b, c. : Globules présentant un volumineux corpuscule intérieur inten
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET OÉS. — 5« SÉRIE. — T. Vm. — (H). 2.''
378 P. PORTIER.
sèment rolorô par l'iiéniritoxyliiie : </, e : Globules prôseutant un rorp\isiulo d'un
volume plus restreint. FIO. 4. Caillot de sang de Grenouille soumis pendant trente minutes à l'action du suc digestif
de larve de Dytique ; g. : Globules dont le protoplasma, seul altéré, présente de
nombreuses granulations colorées par l'éosine ; n. : Noyaux gonflés mis en liberté
par destruction du globule. Fio. 5. Rein de Chien soumis pendant vingt minutes à l'action du suc digestif de la larve de
Dytique. Fixation au liquide de Bouin. Coloration à l'hématoxyline ferrique et ù
l'éosine. a. : Travées de tissu conjonctif interposé entre les tubes urinifères avec
leurs noyaux. L'épithelium rénal a disparu ; b.\- Tissu conjonctif dont les noyaux
ont disparu; c. : Amas de noyaux; d. : Amas de cellules épithéliales provenant
de la desquamation des tubes urinifères. FIG. 6. Muscle de Mouton ayant subi pendant vingt-quatre heures le contact intermittent du
suc digestif de la larve de Dytique. Liquide de Bouin. Hématoxyline fprri(iue.
a, a. : Faisceaux musculaires ; b. : Tissu conjonctif interfasciculaire ; h. 1 .• Espace
conjonctif infiltré par une culture de Microcoques. Fia. 7. Portion plus grossie de la même coupe afin de montrer la disposition "des Microcoiiuea
dans le tissu conjonctif et leur infiltration dans le tissu nuisculaire.
PLANCHE II Larve et Imago de Dytique.
FiG. 8. Tube digestif de larve de Dytique ayant ingéré douze heures auparavant une proie con- tenant du carmin en poudre, œ. : Oesophage ; V. e. : Ventricule cliylifique ; /. ; Intestin postérieur entouré des tubes de Malpighi ; Cœ. : Coecum ; R. : Rectum. A travers les parois du tube digestif, on voit le carmin de couleur rouge.
Fio. t). Dyticus raarginalis (Imago). Gésier isolé vu par la partie supérieure. D, D. : Grandes dents ; d, d. : Petites dents.
PiG. 10. Même organe étalé après avoir été fendu au milieu d'une grande dent.
Fio. 11. Une gouttière du gésier comprise entre deux dents voisines a été étalée. 0. : Gouttière étalée montrant sa cliitine gaufrée ; P. P. : Longs poils chitineux filtrants limitant la gouttière.
FiG. 12. Dyticus marginalis (Imago). Jabot, partie inférieure. Portion d'une coupe transver- sale. Ch. chit. : Epaisse couche chitineuse interne stratifiée ; Ci. : Cils chitineux ; Ep. chit. : Epithélium chitinogène ; M. l. : Muscles longitudinaux ; M. c. : Muscle circulaires.
Fio. l'^. Dyticus marginalis (Imago). Intestin moyen. Portion d'une coupe transversale, g. l. : Culs-de-sacs glandulaires; i'. p. : Epithélium de ces organes ; Fr. : Franges épithé- liales de l'embouchure des glandes ; M. : Muscles coiffant les culs-de-sac glandu- laires et formant sphincter à leur embouchure.
Fio. 14. Partie de la figure précédente plus fortement grossie.
PLA^X'HE III
Dytique (Imago) et larve de Gastrophilus.
Fio. 15. Dytique (Imago). Intestin postérieur. Coupe transversale. Ep. : Cellules épithéliale, à protoplasma strié revêtues d'une couche de chitine sur leur face interne. M. r. : Mu.scles circulaires ; M. l. : Muscles longitudinaux ; Tr. : Trachées ; T. M. : Tubes de Malpighi ; M. c. • Muscles circulaires situés à leur surface externe.
Fio. IB. Dytique (Imago). Cœcum intestinal. Coupe transversale. Ch. chit. : Revêtement chiti- neux stratifié limitant la lumière du cœcum ; Ep. : Epithélium chitinogène ; .V. c. Muscles circulaires ; M. I. : Muscles longitudinaux ; 7'r. : Trachées.
Fio. 17. Hydrooharis caraboides (Larve). Intestin moyen. Coupe longitudinale. (II. : Vn cul- de-sac glaniulaire : E/i. : Son epithélium.
INSECTES AQUATIQUES :170
Fio. \A, Oastrophilus Cfiui. (Larve.) Collules trachéales voisines de la plaque stiginatique en- vahies par le liquide oléo-éthéré coloré par la cyanine. Tr. : tronc trachéen venant s'insérer latéralement sur une grosse trachée conique ; C. tr. : Cellule trachéale dont les capillaires sont remplis par le liquide violet.
Fio. 19. Ga.strophilus equi. (Larve.) Une portion de la plaque stigniatique postérieure; c. c. : Dents chitineuses formant la sole de l'étrier ; e' 1 : Une dent bifurquée en Y ; /. / Fente stigniatique dont les bords sont garnis de poils chitineux très Ans et tn^s serrés.
Fin. 20. La même fente stigmatique vue à un grossissement plus considérable afin de montrer la disposition pectiniforme des poils chitincu.x.
Fin. 21. (iastrophilus equi. (Larve.) Schéma général de l'appareil respiratoire. /. l', .-Lèvres chi- tineuses limitunt la bourse stigmatique ; /'/. st. ; Plaque stigmatique. La moitié droite seale est représentée ; elle porte trois stigmates linéaires courbes ; PI. sp. : I'U<|ue .spongieuse doublatit la plaque stigniatique sur sa face interne ; an. : .\nneau spongieux doublant la plaque spongieuse sur sa face interne ; a. t. : Atrium s'étendant entre le diaphragme d'origine [des trachées et la plaque spon- gieuse ; t. c. : Trachée conique portant sur son pourtour les trois sortes d'appen- dices suivants ; cl. tr. : Cellules trachéales rouges ; cl. tr. 1 .' Cellules trachéales rose» (Le protoplasma de la cellule commence à s'infiltrer de graisse) ; cl. tri. : Cellules trachéales voisines de la plaque stigmatique et non encore imprégnées de pigment ; t. l. : Trachée longitudinale ; st. a. ; Stigmate antérieur ; cl. g. : Cellules adipeuses ; /. .■ Morceau du tube digestif.
Fia. 22. Fragment dissocié de la plaque spongieuse, a. a. : Travées chitineuses principales ; h. b. : Travées chitineuses secondaires s'anastomosant entre elles pour former la mas.sd spongieuse. La plaque stigniatique de la larve vivante a reçu un peu d'huile au noir de fumée. Les granules de noir sont venus se fixer sur les travées chitineuses.
Fio. 23. Un autre fragment du même organe d'une larve dont la plaque stigmatique a été im- prégnée d'un mélange d'huile, d'éther et de noir de fumée. Infiltration massive de noir dans le tissu spongieux.
PL.\NCHE IV Oastrophilus equi. Appareil respiratoire.
Fio. 24. Diaphragme d'origine des trachées (face postérieure), te, le. : Orifices des trachées co- niques ; p, p. : Petits trous criblant les parois des trachées coniques ; t, i, l. : Orifice commun des trachées latérale et intestinale ; /. a, t. a. : Trachées accessoires.
Fio. 25. Diaphragme d'origine des trachées (face antérieure), t. c, te. : Trachées coniques ; t. l. : Trachée latérale ; t. i. : Trachée intestinale. (Le reste de la plaque est couvert de cellules trachéennes.)
Fio. 26 a. .\ppareil stigmatique ant''rieur vu par sa face externe. (Grossissement 66 diamètres;) Tr. : Terminaison de la trachée latérale ; T. j. : Tige jaunâtre perforée :\ sa surface et remplie d'un tissu spongieux ; T. st. : Tête stigmatique portant il sa surface los nombreuses ouvertures qui font communiquer le milieu extérieur avec l'intérieur de l'appareil trachéen à travers le tissu spongieux de la tête et de la tige. Chit. : Enveloppe de chitine mince et transparente, continuation du revêtement de la larve.
Fio. 26 b. Même appareil vu par la face interne.
Fio. 27. T'n morceau de la plaque de chitine spongieuse rejetée comme résidu inattaquable par un Dytique {Imago). On distingue deux zones : a) formée de mailles largos. Elle cor- respond à la fente stigmatique derrière laquelle elle forme une sorte de grillage ; b) formée de mailles beaucoup plus étroites dont quelques-unes sont presque entièrement comblées. Elle correspond à l'intervalle de deux fentes stigmatiques.
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